1. Accueil
  2. Valenciennois
  3. Philippe Jahan «plénitude de mon action jusqu’à la dernière heure de mon mandat»
Valenciennois

Philippe Jahan «plénitude de mon action jusqu’à la dernière heure de mon mandat»

Mardi 24 janvier 2017, c’était le jour de départ à la retraite de Philippe Jahan, directeur du Centre Hospitalier de Valenciennes depuis le 01 janvier 2002. Un événement local pour l’hôpital public de Valenciennes et pour ce professionnel dont le sens de l’innovation dans le management médical n’a eu de cesse de surprendre, de convaincre et de faire des émules.

Philippe Jahan : «Choisi par Jean-Louis Borloo pour réaliser le nouvel hôpital»

24 janvier, pas commun comme date de cérémonie de départ en retraite, on pourrait croire que le directeur rangeait ses cartons depuis début janvier. Que nenni, il était à la barre jusqu’à la dernière minute. «Nous signons vers 14H, un document relatif à la rémunération par pôle, via un intéressement collectif. Cela bouclera notre convention, unique en France, et signée en fin d’année 2016 concernant la contractualisation de l’organisation direction générale/communauté médicale», disait-il mardi 24 janvier en matinée !

Arrivé de l’hôpital de Tourcoing, fin décembre 2001, il a pris ses fonctions au 01 janvier 2002 et son état des lieux fut difficile. «On m’avait prévenu que le CHV était un hôpital avec de grandes difficultés», précise-t-il. La réalité a presque dépassé ce diagnostic éclairé car à cette époque «L’Hôtel Dieu (bientôt Hôtel du Hainaut) était encore en fonction. Un poêle, au milieu d’une pièce, chauffait un espace pour une cinquantaine de lits», souligne l’ancien directeur. De plus, le site du CHV, Avenue Desandrouin, avec ses 4 tours vétustes, flanqué d’une concurrence en face à travers la clinique Teissier, ne respirait pas non plus la modernité, ni comme outil, ni dans la pratique médicale.

Il précise les contours de son arrivée à Valenciennes «je fus choisi par Jean-Louis Borloo pour réaliser le nouvel hôpital. Je devais être un bâtisseur même si ce n’était pas ma signature habituelle. En 2002, il existait une concurrence vive du privé avec La Clinique du Parc à Saint-Saulve, la toute neuve Polyclinique Vauban à Valenciennes et Somain pour l’ophtalmologie. Les personnes que je rencontrais à mon arrivée disaient- Bon courage Monsieur- une façon compatissante de m’expliquer la situation au CHV», précise-t-il.  Il poursuit sur ce sujet : « Un établissement déficitaire qui a connu une vague de départs dans le monde médical, comme administratif sans précédent. Ensuite, le temps de la réduction du déficit est venu, nous avons diminué les effectifs de 300 personnes entre 2002 et 2007, 50 par an».

Ensuite, ce fut une période de stabilisation de l’effectif de 2007 à 2009. Année de l’inauguration de l’hôpital Jean Bernard (septembre 2009), où le recrutement a commencé à reprendre dans tous les services. «Nous avons mis en place 45 nouveaux services en 15 ans, et embauché 600 personnes depuis 2009», déclare fièrement l’ancien directeur.

Transaction complexe pour le Nouvel Hôpital

Site rénové des 4 Tours
Site rénové des 4 Tours

Tout ne fut pas simple dans les coulisses de la construction de Jean Bernard. En effet, rien ne pouvait se faire sans collaborer avec le Groupe AHNAC, dont la Clinique Teissier était de l’autre coté de la rue. «Je remercie Patrick Pick, directeur du Groupe AHNAC à l’époque, qui a cru à ce projet de rapprochement des deux établissements de santé», explique Philippe Jahan.

Dans le même temps, il a fallu faire accepter à la communauté médicale publique «l’abandon de la pneumo et de la HAD (Hôpital de Jour) à la Clinique Teissier, et la concentration des urgences, de la cardiologie et de la chirurgie au sein du futur hôpital Jean Bernard», précise-t-il. D’ailleurs, cette exclusivité de la chirurgie a permis l’arrivée de 4 praticiens de qualité en provenance de la Clinique Teissier. «Ce sont eux qui ont relancé l’activité de la chirurgie sur le CHV. Nous avons repris 10% de parts de marché sur le privé», indique Philippe Jahan.

Ensuite, pour ce qui est des briques dont l’ancien directeur n’a jamais caché son peu de goût : «J’ai pris un directeur technique, M. Rahal. Il avait carte blanche. Je n’ai jamais mis les pieds dans une réunion technique. De même, le Dr Sabouchti fut le soutien médical en faveur de cette nouvelle répartition, pas simple à faire accepter».

Un complexe hospitalier où le privé et le public étaient imbriqués, débloquant de fait l’autorisation du ministère pour la construction du Nouvel Hôpital. «Le prix initial fut celui au final (si rare), et cela a permis de maintenir, dès l’ouverture nos 950 lits. Nous avons eu de suite une force de frappe importante», ajoute Philippe Jahan.

4 Tours and Co

Ensuite, le vétuste bâtiment des 4 tours devait subir une réhabilitation de fond. Petits secrets de fin de parcours «nous n’avions pas la capacité d’emprunter 300 millions d’euros. Alors, nous avons enclenché deux emprunts, un de 120 et un de 180, sur deux entités différentes.. », explique Philippe Jahan. Une finesse qui a permis la rénovation des 4 Tours inscrite dans un site complexe, en centre-ville.

Il est évident qu’un site conçu ex nihilo eut été nettement plus simple dans sa distribution. Là, il a fallu faire «du bricolage de génie car la gouvernance politique voulait absolument maintenir l’hôpital public dans le centre de Valenciennes», souligne-t-il.

Etablissement Jean Stablinski
Etablissement Jean Stablinski

D’autres grands chantiers ont été initiés durant ces 15 ans. Premièrement, l’ancien directeur de l’AHNAC a proposé de racheter l’ancienne clinique (en face),et surtout un immense parking attenant, pour un montant de 6,5 million d’euros. «Cela nous a permis de transférer tout le pôle administratif sur ce site et de lancer la construction de bâtiment dédié aux soins de suite, Jean Stablinski. D’ailleurs, avant mon arrivée, il n’y avait pas, à proprement parler, de pôle d’administration générale», poursuit-il.

Autre sujet emblématique, la fin de vie de l’historique Hôtel Dieu remplacé par le Val’d’Escaut «initié par mon prédécesseur», précise Philippe Jahan.

Enfin, la première pierre du Centre de soins psychiatriques en janvier 2017 constitue une réponse pour un parcours de soins moderne au bénéfice d’une personne en souffrance intellectuelle. «Il faut rappeler tout de même que nous avons injecté près de 8 millions d’euros sur le site de Saint-Saulve», précise l’ancien directeur du CHV.

Relation avec la CHU de Lille

OLYMPUS DIGITAL CAMERAToute la dimension d’un rayonnement d’un Centre Hospitalier réside également dans son positionnement vis à vis de l’établissement de santé régalien, le Centre Hospitalier Universitaire de Lille. «Nous avons constitué un GCS (groupement de coopération sanitaire) avec le CHU de Lille. Nous avons d’abord évolué avec une autorisation, notamment en neurochirurgie, du CHU. Ceci a permis l’arrivée de praticiens de grande qualité en provenance de cet établissement régional. Je remercie Didier Delmotte, directeur de l’époque du CHU, pour cette coopération. Il était nécessaire que l’établissement régional s’inscrive dans une bienveillance plutôt qu’une crainte d’un second CHU. Nous n’avons jamais été dans la concurrence et cela nous a permis de tisser, au fil des années, une excellente relation entre nos deux établissements», souligne Philippe Jahan.

Après cette période sous validation tierce «nous évoluons avec notre propre autorisation», précise Philippe Jahan.

Nouvelle gouvernance

Le sens de l’innovation de Philippe Jahan fut sans doute au zénith avec sa fameuse gouvernance des 12 pôles. «Certains m’ont pris pour un fou. Comment peux-tu donner le pouvoir budgétaire aux médecins ? », disaient-ils. Et pourtant, cette répartition en 12 pôles médicaux «avec carte blanche budgétaire aboutit à un budget global équilibré et solidaire car certains pôles sont déficitaires structurellement», précise-t-il. Cette nouvelle gouvernance a pris à contre courant les guerres larvées entre certaines directions générales face à leur communauté médicale. En 2016, le budget global du CHV est excédentaire pour la 4ème année consécutive.

Coopération hospitalière

Après les briques, le recrutement de nouvelles compétences est devenu indispensable, le début du travail de l’invisible. «Car un établissement de santé, c’est le coeur et la chair. Nous sommes devenus attractifs. J’ai recruté dans tous les services. Nous sommes devenus attractifs pour des jeunes professionnels, porteurs de projets, car ils savaient, qu’ils seraient soutenus par la direction générale», constate Philippe Jahan.

De toute évidence, le CHV rayonne bien au delà de la vile de Valenciennes, de 43 500 habitants. C’est un établissement de territoire et la GHT ( groupements hospitaliers de territoire), de la loi Touraine, s’inscrit dans cet esprit. «Nous devons collaborer avec les 11 autres CH du Cambrésis et de la Sambre-Avesnois. Le GHT est une révolution du tissu coopératif, un groupe public d’hôpitaux collabore pour gommer les faiblesses de certains sites même si chaque établissement reste autonome. Par contre, nous pouvons réaliser un échange gagnant-gagnant», ajoute Philippe Jahan.

Ensuite, ce grand territoire est presque taillé pour des coopérations. «La Sambre-Avesnois avec l’Hôpital de Fourmies, le site de Cambrai avec le CH du Cateau Cambrésis, et le CHV avec le site de Denain. Pourquoi pas à terme, une équipe médicale unique intervenant sur deux sites, Valenciennes et Denain ? », défend Philippe Jahan.

Serge Simeon, le nouveau président de ce GHT du Hainaut-Cambrésis, bénéficie d’un modèle très avancé. «Ce GHT est un laboratoire au niveau national, il pèse 12 500 salariés et 950 millions d’euros. Cet aménagement d’un territoire de santé va dans le sens d’un meilleur service au public», ajoute Philippe Jahan.

De l’ARH à l’ARS

Sur le passage de l’Agence Hospitalière de santé à l’Agence Régionale de Santé en 2010…, l’ancien directeur ne mâche pas ses mots : «Cela constitue un risque majeur d’étatisation accrue, c’est un danger. Toutefois, j’ai eu la chance avec M. Grall, ancien directeur de l’ARS, d’entretenir une véritable relation de confiance», précise-t-il.

Le rôle du politique

Indéniablement, il est important voire incontournable. L’impulsion d’un maire envers l’hôpital public (sur sa commune) demeure une prérogative forte et essentielle. «J’ai été choisi par Jean-Louis Borloo et très soutenu par Dominique Riquet. Je n’ai connu que deux conflits, celui du parking payant pour lequel Dominique Riquet m’a soutenu sans ambiguïté et de l’autre pour une externalisation de service. Par contre, il n’y a jamais eu en 15 ans une grève liée à la politique de la direction générale», précise avec fermeté l’ancien directeur.

« Une expérience magnifique »

A l’heure de jeter un oeil dans le rétroviseur; Philippe Jahan est très fier du travail accompli. « Il y a une école de pensée à Valenciennes. D’autres établissements hospitaliers essayent ce mode de gouvernance. Ces 15 ans sont une expérience magnifique« , indique-t-il. Néanmoins, il exprime une pointe de regret «car je ne pensais pas du tout rester 15 ans à Valenciennes. La logique eut été que j’obtienne une promotion vers un CHU. Le politique a voulu que je reste aux commandes, car un nouvel hôpital vide, sans les compétences nécessaires… ». Toutefois, il se réjouit de son action jusqu’à son terme, car il a bénéficié «d’une plénitude d’action jusqu’à la dernière heure de mon mandat», conclut-il !

Mardi 24 janvier en soirée, en mairie de Valenciennes, il a reçu la légion d’honneur, un symbole fort et mérité pour son action majuscule en faveur de la santé publique sur la ville de Valenciennes et bien plus… !

 

Print Friendly, PDF & Email
Articles Similaires