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Le CORBI, c’est « Métha »… fort !

Sous l’impulsion du CORBI ((Comité d’Orientation Régional Biométhane Injection), avec une visite du président des Hauts de France Xavier Bertrand, le mardi 12 décembre était dédié à l’information sur la méthanisation au sein d’Artois Expo sur Arras. Son actualité, ses acteurs, ses diversifications, ses problématiques diverses, et ses enjeux pour demain, tout fut passé en revue durant cette journée Métha’morphose !

Xavier Betrand : « On ne peut pas se louper sur la méthanisation »

Le grand mérite de cet évènement dédié fut de réunir tous les acteurs parlant d’une seule voix, pas une évidence ! En effet, la création d’une unité de méthanisation est « également la rencontre entre deux mondes, l’agriculture et le monde industriel », souligne un constructeur de matériel agricole.

Dans cette optique, cette manifestation était organisée autour d’un village baptisé Meta’City avec ses quartiers, collectivités, logistique, agriculture, écoles, un condensé visuel des intervenants potentiels sur un projet de méthanisation.

Métha’ morphose 2017

En prélude de cette journée, une conférence de presse s’est tenue afin de planter le décor de la méthanisation (transformation de la matière organique en énergie). « La filière est tout à fait exemplaire en terme de modification du mix énergétique, de favoriser l’économie circulaire, de répondre aux critères de la bio-économie, et enfin elle marque l’ambition de la région des Hauts-de-France. Nous voulons être la 1ère région d’Europe en biogaz injecté », déclare PhilippeVasseur, Haut-Commissaire à la revitalisation des Hauts-de-France.

Agriculteur, producteur d’énergie verte

Bien sûr, le premier acteur était présent, l’agriculteur sans qui rien n’est possible. Christophe Buisset, président de la Chambre d’agriculture des Hauts-de-France, tord le cou à une polémique ambiante : « Non, l’agriculture ne va pas affamer les populations en produisant de l’énergie ! ». Un propos confirmé par un agriculteur durant une table ronde « je suis d’abord un agriculteur, mon métier est de nourrir les personnes voire les animaux. Ensuite, je suis un énergieculteur », souligne Mauritz Quaak, exploitant de la ferme D’Arcy dans le pays de Brie.

Il ne fait pas grand mystère que le métier d’agriculteur est difficile, peu lucratif pour beaucoup voire bien en deçà du seuil de pauvreté. Alors, la production d’une énergie renouvelable, en complément de revenu, peut-elle être une solution afin de pérenniser son premier métier ? En fait, peu importe le type d’exploitation, la méthanisation agricole ne requiert pas un profil d’agriculteur particulier. Il suffit d’une présence significative de biomasse végétale et/ou animale, sur site ou collectée dans un environnement proche, un minimum pour l’empreinte carbone.

Par contre, porter un dossier d’une unité de méthanisation sur son exploitation agricole est ardu. Installer des panneaux photovoltaïques, voire une éolienne, avec un chèque de loyer annuel n’est pas trop complexe. Par contre, la réalisation d’un projet d’une unité de méthanisation est lourde, financièrement, administrativement, et malgré tout cela… « il y a actuellement 8 unités de méthanisation sur la région des Hauts-de-France, mais 40 projets, sur 61 présentés, sont en cours d’ici 2020 », précise Philippe Vasseur.

Point important, un élément factuel change le décorum de ces projets. « Ils peuvent être portés par des groupements d’agriculteurs, des collectivités locales voire territoriales, et des industriels », précise le président de la Chambre d’Agriculture des Hauts-de-France. En solo, ou en groupe, le financement d’une unité de méthanisation demeure lourd, plusieurs millions d’euros. Et c’est là que le pivot d’un dossier abouti rentre en jeu, l’incontournable ADEME, le bras armé de l’Etat.

La question qui a brûlé les lèvres de tous les interlocuteurs « les moyens de l’ADEME vont-ils diminuer sur ces dossiers en 2018 ? », assène le journaliste animateur des tables rondes, Jean-Michel Lobry.

Hervé Pignon, directeur de l’ADEME des Hauts-de-France, et Joelle Colosio, la directrice national, étaient en phase « le budget de l’ADEME baisse en 2018 de 10%, mais pas les financements alloués aux dossiers de méthanisation qui resteront au même niveau ». Fort de cette bonne nouvelle, Philippe Vasseur ajoute que Sébastien Lecornu, Secrétaire d’Etat, souhaite assouplir les dispositifs pour les ENR (énergies renouvelables) locales, un signe fort de l’exécutif !

Xavier Bertrand, Christophe Buisset, David Brusselle, Joelle Colosio, et Jean-Michel Lobry

Pour sa part, David Brusselle, Directeur Générale de la CCI Région, rappelle la trajectoire économique liée au développement de cette filière « d’ici 2050, 900 000 à 1 000 000 d’emplois, soit 3 à 4 points de PIB. Par contre, il est évident qu’il faut adapter le besoin et monter en compétence au niveau des formations ».

Xavier Bertrand, présent pour la clôture de cette journée passionnante, adhère à ce sujet. « Aujourd’hui, c’est le One Planet Summit délocalisé. Il est nécessaire d’établir un process afin de faire aboutir les projets, et notamment de traiter la thématique de l’acceptabilité. On n’a pas le droit de se louper sur la méthanisation ». En effet, les odeurs sont le principal obstacle à des projets d’installation« alors que l’effluent n’a plus d’odeur dans le digestat », précise un intervenant. Sur cet item, Xavier Bertrand insiste sur la communication : «  Il faut mieux communiquer sur le sujet, accompagner l’agriculteur dans son projet ».

Scooter au GNV

Pour sa part, Edouard Sauvage, directeur général de GRDF, partenaire de la première heure de cette nouvelle filière, est très positif face aux projections « de 10% pour le biométhane injecté en 2030, mais nous pensons atteindre 30% à cette date ». Aujourd’hui, vous avez 70 unités de méthanisation qui s’installe par an en France, il faut passer à un rythme de 400 chaque année. 300 personnes sont employés dans cette filière en 2017, la courbe de croissance pourrait se multiplier par 16 d’ici 2050… Le BIO-GNV (Gaz Naturel Véhicule) pourrait devenir le premier carburant vert sur les moyennes et longues distances, le dernier kilomètre étant dédié aux voitures électriques.

Techno-centre

Bien sûr, la prochaine réalisation pour 2020 d’un techno-centre sur Arras va participer à cette expansion des projets de méthanisation, la formation, la démonstration…, une vitrine emblématique. Philippe Rapeneau, vice-président de la région des Hauts-de-France, souligne avec force que « ce techno-centre va rayonner dans la région, et travailler en résonance avec les autres territoires ». Bien des territoire ont frappé à la porte de cette réalisation, et notamment la Métropole Lilloise, avec son réseau de bus à gaz, 100 sur 450, depuis les années 90. « Le dossier d’Arras est porté à 70% par le privé. Il a été choisi par un jury totalement indépendant », indique Philippe Rapeneau, l’élu politique du cru dans une position inconfortable pour évoquer le sujet.

Aucun doute sur le fait que les méthodes de méthanisation vont s’élargir. « L’Argentine va cesser tout investissement vers l’énergie fossile. Il laisse 3 000 km de côtes afin de créer les conditions de la méthanisation des algues, avec une indépendance énergétique à la clé. L’algue marine possède un rendement de transformation exceptionnel, sachant que la planète est couverte à 70% par la mer », expliquait Charles Van Der Haegen, co-fondateur du réseau Zéri dont le credo est l’économie bleue.

« Les règlements sont faits pour l’existant », Philippe Vasseur

Cette journée met en exergue l’importance de cette filière afin de répondre à la loi de transition énergétique. La production de biogaz local, sa conversion en biogaz injecté, est parfaitement identifiée par les pouvoirs publics. Ce cycle vertueux tend vers un parc automobile alimenté au gaz vert, mais également un transport collectif, voire des machines agricoles. Les enjeux sont colossaux avec un déploiement des stations de ravitaillement, la base pour un développement de son utilisation. Pour autant, la source du gaz injecté peut être diverse, c’est cela l’innovation.

Philippe Vasseur résume parfaitement la philosophie « les règlements sont faits pour l’existant, pas pour l’innovation. Il ne faut pas se fixer. Nous devons être plus souples ». Si le tuyau d’entrée est trop étroit, rien de nouveau ne peut rentrer et votre capacité d’innovation se sclérose. On ne parle pas mécaniquement d’une invention révolutionnaire, mais d’un changement d’usage, de process pour une unité de méthanisation, d’une autre approche économique sur la production de biogaz local, le principe de fermentation est beaucoup plus vaste comme dans l’exemple argentin ci-dessus ! Donc, pas de limite, des certitudes sur le possible comme le biogaz injecté, mais il ne faut pas une vision étriquée sur la méthode avant les tuyaux !!

Un orateur concluait subtilement son propos par cette vérité criante « faire un tout beaucoup plus grand que l’ensemble des parties », une citation faisant allusion au philosophe grec, Aristote, auteur de cette phrase célèbre « La totalité est plus que la somme de ces parties »…tout était déjà dit !

L’art de la synthèse est complexe pour une journée aussi dense. Pour autant, il apparaît que le penseur du possible et l’acteur du faisable sont indissociables pour le développement de tout produit. La solitude du premier le conduirait à se heurter comme une vague sur la falaise de la réalité, l’isolement du second lui ferait mal analyser le spectre complet de cette nouvelle activité économique, le fameux coup d’après ! Concrètement, la méthanisation doit s’envisager au plus haut niveau sur toute sa gamme, et sans tabou « comme la production d’une énergie verte sur des terres agricoles polluées », lance Philippe Vasseur alors que la règlementation est tout autre actuellement. Clairement, la timidité est une faute grave en la matière.

Les lauréats du concours

Durant cette journée, un challenge Innovation Métha’morphose a été diffusé à l’ensemble des écoles et universités des Hauts De France. Dix établissements ont répondu et le Corbi a retenu 6 dossiers. Le lauréat de cette compétition originale fut l’ICAM avec sa Métha-Box, l’école YSA a reçu, pour sa part, le prix du public pour sa présentation de Métha-Prox. Un coup d’essai, ou un rendez-vous annuel, la question est posée !

Daniel Carlier

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