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L’autisme entre ombre et lumière !

Le champ de l’autisme est très vaste avec une prise en charge extrêmement hétérogène, en France, selon les situations ! La médiatisation va de pair, car elle met en exergue une petite partie de cette population, il y a tant à dire… Durant ce mois consacré au niveau national à l’autisme, rencontre avec Serge Kalicki, coordinateur au sein de l’association Réseau Bulle France, basée à Valenciennes, et père d’un enfant atteint d’un autisme lourd.

L’autisme, le long parcours d’une reconnaissance

La perception de l’autisme en France remonte jusqu’aux tréfonds de l’analyse par le monde médical de l’autisme. Aux U.S.A, les analyses de M. Kanner date de 1945. En France, la première initiative sur le sujet date de Simone Veil en 1999, puis en 2002, et surtout la loi de Jacques Chirac en 2005 (Egalité des Chances ). « L’approche de l’autisme par la psychanalyse a fait des ravages à coups de cachets et de camisoles. C’est l’histoire de l’autisme en France ! », précise Serge Kalicki.

Toutefois, les choses évoluent vers une approche liée au handicap et moins vers le médical.

« Aujourd’hui, nous sommes au 4ème plan autisme, ou plutôt 3 plans et une stratégie. A chaque fois, la volonté de mettre en place les conditions d’un diagnostic plus précoce est très marquée. Ce 4ème plan débloque 343 millions d’euros pour 700 000 autistes environ en France… », précise Serge Kalicki coordinateur.

Béatrice Descamps, Claire Compagnon, et Serge Kalicki

A la baguette de cette stratégie gouvernementale, Mme Compagnon, Déléguée interministérielle en charge de la stratégie Autisme au Ministère de la Santé, et Sophie Cluizel, Secrétaire d’Etat en charge du handicap directement reliée au Premier ministre Edouard Philippe, ce qui est une première sous la 5ème République. Toutefois, quel gouvernement aura un jour le cran de mettre en place un Ministère plein dédié au handicap en général, représentant avec les aidants environ 10% de la population française…, une paille !

« 80% des autistes dont on ne parle jamais », Serge Kalicki

L’association Réseau Bulle est née à Valenciennes en avril 2016 sous la houlette de M.Lecerf. Cette entité s’est développée pour devenir « Réseau Bulle France » avec « aujourd’hui 5 antennes en France », explique Serge Kalicki, ancien vice-président de cette structure, mais passé comme salarié au sein de cette association comme coordinateur.

Le profil de l’interlocuteur est éclairant. « Dès mon BAFA en 1981, j’ai emmené un groupe de jeunes déficients mentaux à Morlaix (Bretagne). Ensuite, j’ai travaillé longtemps en IME, voire IMPRO », précise Serge KalickiPuis, il y a 15 ans de cela, cet enfant chéri est né, son deuxième. « Les premiers symptômes apparaissent vers 15 à 16 mois. Vers 18 mois, vous avez des signes clairs : le regard dans le vide, ne répond pas à son prénom, utilise un objet exclusivement voire le détourne de sa destination, et régurgite de manière répétitive « , ajoute-t-il.

Sur le chemin torturé du diagnostic… !

Pour les parents d’un enfant présumé autiste, le long parcours du diagnostic est très scabreux. « Les professionnels de santé, aujourd’hui, ont deux à quatre heures de formation sur l’autisme, voire sur les déficiences intellectuelles en général, durant l’intégralité de leur formation », précise l’interlocuteur.

De facto, sur le terrain, il n’y a pas de miracle. « Il ne faut pas s’inquiéter », dit votre médecin « Les parents ne sont pas écoutés, voire pas entendus lorsqu’ils signalent des comportements anormaux. Le dialogue est très complexe avec les professionnels de santé, spécialisés ou pas. Vous avez le CAMS (Centre d’action médico-sociale), le CMP (Centres Médico Psychologiques), et l’hospitalisation de jour…, avec parfois trois diagnostiques différents ! Clairement, il y a autant de forme d’autisme que d’autistes », commente Serge Kalicki.

« Les parents, premiers concernés, premiers oubliés », Serge Kalicki

Visuel au Centre Ressources Autismes de Lille le 5 avril dernier: rencontre des familles et de Madame CLUZEL,, Secrétaire d’Etat en charge du Handicap
la photo de groupe correspond à une sensibilisation Autisme des étudiants de l’IRTS de Valenciennes: Educateurs Spécialisés et Assistantes Sociales

Ensuite, l’impact sur la cellule familiale est sous-évalué. « Il faut se rendre compte du cataclysme d’un diagnostic d’autisme dans une famille. Les familles se sentent rejetées, voire isolées. La situation des familles est invisible la plupart du temps, les parents, premiers concernés, premiers oubliés ! », poursuit Serge Kalicki.

Incontestablement, depuis quelques années, outre les plans gouvernementaux, l’autisme est sur le devant de la scène médiatique. « Mais on ne parle que des Asperger, voire au plus large, 20% de la population des autistes (enfants, adultes) en France. Sans diminuer d’aucune façon les grandes difficultés dans l’interaction sociale de cette partie des enfants autistes, il y a 80% des autistes dont on ne parle jamais ! », assène Serge Kalicki.

« Mon enfant est non verbal et semi-autonome. Lorsque moi et ma femme ne seront plus là. Qu’est ce qui attend mon enfant ? L’hôpital psychiatrique ! », ajoute-t-il.

La problématique des ados et adultes

Selon Serge Kalicki, là encore, le prisme de l’action publique est réduit. « Tout se concentre sur les moins de 6 ans ! », précise-t-il. Plus globalement, le nombre de places pour les autistes est insuffisant que ce soit en IME, voire SESSAD. Toutefois, ceux présents sont d’un grand secours comme le Centre Alissa, à Aubry-du-Hainaut, avec qui plus est un enseignant détaché par l’Education nationale.

Mais surtout, c’est la problématique des enfants autistes qui grandissent. « Quel est le destin pour les ados et les adultes autistes avec un handicap lourd ? Il n’y a pas de places (ou trop peu) pour les ados ou adultes, et de surcroît avec un polyhandicap, c’est une réalité », commente Serge Kalicki.

Après le décès des aidants, l’avenir fléché d’un autiste lourd se dirige plus « vers l’hôpital psychiatrique, voire dans la rue. Aujourd’hui, vous avez des autistes lourds SDF ! », poursuit-il.

Les propositions de Serge Kalicki

Premièrement, le coordinateur du Réseau Bulle France souhaite : « un accès à la maternelle pour tous les enfants autistes (détectés) dès l’âge de 3 ans. Pour l’instant, l’école maternelle ne bénéficie pas d’enseignants formés, ni d’AVS. Néanmoins, je ne remercierais jamais assez l’enseignante de maternelle de notre enfant, et de son AVS (Accompagnatrice de Vie Scolaire), non formées, mais qui ont su détecter et confirmer cette analyse précoce chez notre enfant. Elles étaient comme nous, au quotidien, au contact de l’enfant ».

En clair, même s’il faut tendre vers une formation de plus en plus large des enseignants et des AVS (Auxiliaire de Vie Scolaire), il faut faire confiance aux professionnels sur le terrain. L’inclusion précoce des jeunes enfants dans un milieu ordinaire devrait favoriser la détection précoce tant souhaitée par tous.

Deuxièmement, le grand mot du moment est « l’inclusion », et pourtant cette volonté est battue en brèches par les chiffres… « vous n’avez que 0,8% de personnes en situation de handicap, tout handicap confondu, accueilli en Centre de loisirs (Source Mission Handicap remis au Défenseur des Droits) », précise Serge Kalicki. Là encore, l’inclusion des enfants autistes dans le milieu ordinaire des loisirs favoriserait une inclusion, potentielle, ultérieure.

Troisièmement, l’habitat inclusif constitue une piste privilégiée.  » Cet item existe déjà, mais pour les autistes Aspergers etc. Il n’y a pas de droit au répit pour les parents. Nous avons mis dix ans avec ma femme avant de pouvoir aller au restaurant à deux. Il n’existe pas d’accompagnement de 20H à 23H « , précise-t-il. Cette situation est d’une cruelle banalité pour les parents avec un enfant atteint d’un autisme lourd, voire polyhandicapé. Comme nous sommes tous des handicapés en puissance, l’angoisse du lendemain sans assistance pour leur enfant, adolescent, voire adulte ne bénéficiant ni de place en Belgique, ni en France, constitue un élément de vie au quotidien.

Enfin, la création de places pour les autistes lourds constitue un objectif central ! Pour autant, chacun sait que le budget nécessaire, annuellement, pour répondre aux besoins stricto sensu serait dantesque. De facto, que que soit la politique d’un gouvernement, même ultra volontariste, cela ne suffira pas. La problématique du maintien à domicile devient de facto majeure. « Aujourd’hui, en France, nous ne sommes pas en capacité d’apporter des solutions pérennes de maintien à domicile des enfants, ado, et adultes autistes. Beaucoup de parents n’ont plus aucune solution quand l’enfant dépasse 20 ans », poursuit Serge Kalicki.

S’il fallait résumer cet entretien sorti du coeur, la prise en charge tout au long de la vie des autistes, quel que soit le degré d’handicap, dans notre système français devrait constituer une voie naturelle. Pour autant, le naturel et le budget, voire en l’occurence une approche médicale de l’autisme par le prisme de la psychanalyse, ne sont pas mécaniquement en phase. C’est un problème criant, car il n’y a jamais assez de budget pour une souffrance en silence, entre les 4 murs de l’oubli, celles des familles dont le seul point horizon est de chercher toute une vie… une solution pour leur enfant autiste après leur disparition !

Daniel Carlier

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