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La bioéthique est-elle le miroir de notre humanité ?

A l’initiative de Béatrice Descamps, députée de la 21ème circonscription, une table ronde sur la bioéthique était organisée au sein de l’espace Pierre Richard à Valenciennes. Un sujet très complexe, mais que ce soit au niveau local, comme au national, la difficulté d’un dossier ne devrait jamais conduire à le mettre de coté.

(Visuel Jean-Philippe Cobbaut)

Jean-Philippe Cobbaut, juriste-philosophe : « La santé est une affaire collective »

En propos liminaire, Béatrice Descamps rappelle son organisation de tables rondes. « La première était sur le CNSE (Canal Seine Nord Europe), la deuxième sur l’inclusion scolaire, et à cette occasion, j’ai demandé quels étaient les thèmes souhaités. La demande en tête de liste fut la bioéthique. Bien sûr, c’est un sujet difficile, mais si on ne parle pas de ce type de sujet…, pourquoi une table ronde ? », mentionne-t-elle.

Pour cette table ronde sur la bioéthique, Jean-Philippe Cobbaut, juriste-philosophe au centre éthique médical de Lille était présent afin de partager, et d’échanger sur ces sujets d’éthique.

Rappel de la loi

La première loi sur la bioéthique date de 1994, 3 fondements éthiques émanent de cette première mouture légale, consentement, inviolabilité, et non marchandisation du corps. Ensuite, en 2004 est née l’Agence de la Biomédecine, mais également une série de limitation éthique comme l’interdiction de clonage, la limitation de la recherche des embryons. Chemin faisant, la loi de 2011 élargit les compétences de l’ABM. Enfin,  la loi de 2013 pose de nouveaux principes sur la FIV (fécondation in vitro).

Béatrice Descamps

En 2018, les Etats généraux de la bioéthique ont donné un avis favorable pour la PMA (procréation médicalement assistée), mais une mention négative pour le GPA (gestation pour autrui) « elle est interdite en France », précise la députée. Suite à ces Etats généraux, une mission d’informations a émis des propositions « sans savoir si ces dernières seront reprises par les parlementaires », précise la député.

La carte des pays en Europe, voire plus large, où la PMA est autorisée, et à quel niveau de validation, est instructive (ci-dessous). A cette heure, des pays fondateurs de l’Union européenne comme la France, l’Italie, et l’Allemagne n’autorisent pas la PMA…, pour le pays auteur de la Déclaration des Droits de l’Homme, hum… !

Jean-Philippe Cobbaut est arrivé sur le CHRU de Lille en 2002. Depuis, il aborde tous les sujets de bioéthique avec ses collègues acteurs de santé. « Il existe 4 domaines, l’éthique de la recherche, l’éthique clinique s’appliquant au pratique médicale du quotidien, l’éthique issue de l’interaction des acteurs de santé, et enfin la mondialisation de la santé », explique Jean-Philippe Cobbaut.

 « La santé est une affaire collective », lance-t-il. En effet, la décision éthique repose sur de nombreux critères. « Toutefois, un choix éthique doit nécessairement obtenir une validation médicale. Le meilleur choix est évidemment une décision partagée où beaucoup de paramètres rentrent en ligne de compte », lance-t-il. Pas simple, l’actualité brûlante nous ramène à la réalité vécue dans leur chair par une famille. Le commentaire des biens-portants est difficile à entendre.

Plus d’humanité

Après un exposé du juriste-philosophe, un débat s’est installé au sein de cette table ronde. Un mot est revenu à plusieurs reprises, humanité ! « J’ai l’impression que les jeunes étudiants en médecine sont plus impliqués dans l’accompagnement des patients. La distance patient/médecin afin de se protéger n’est pas évidente », explique une mère d’un étudiant en médecine. Une autre expose son vécu tout de go : « Certes, j’ai rencontré des praticiens formidables pour mon enfant handicapé, mais j’ai eu aussi des réflexions très dures (le mot est faible) au sujet de mon enfant. Les études de médecine n’intègrent pas quelques heures de psychologie ».

Voilà sans doute, une piste de réflexion dans la conduite des études. « Les pays anglo-saxons sont beaucoup plus dans le collaboratif interprofessionnel. Toutefois, nous avons une réforme en cours qui va dans le bon sens où des passerelles sont possible d’un cycle d’étude vers la médecine. Des personnes d’horizons différents pourront se croiser », ajoute Jean-Philippe Cobbaut.

Cet échange remplit d’une envie d’humain dans la pratique médicale est rassurant avec une certaine idée de la médecine des hommes et des femmes, pas des robots !

« Pourquoi si peu de PMA », une participante

Une participante met en avant un problème se dressant devant cette future loi bioéthique où la PMA devrait être sacralisée. « Pour un première RDV, c’est déjà 1 an, pour une procédure complète, c’est 3 ans, et pendant ce temps là, l’horloge biologique tourne. Que va-t-il se passer quand la PMA sera légalisée ? Le corps médical n’est pas prêt à faire face à ce flux de nouvelles demandes ! », explique cette participante. Néanmoins, cette avancée vers une légalisation de la PMA serait d’une justice sociétale évidente  !

Par contre, à cette heure, c’est formel, la GPA ne fera pas partie de cette nouvelle loi bioéthique. Pour autant, cela ne nous interdit pas de réfléchir derrière un écran. Aujourd’hui, l’infertilité chronique est une réalité croissante, un premier enfant arrivant beaucoup plus tard, la tabagie, le mode de vie positionnant notre société dans un constat de discrimination notoire. Vous avez le droit d’avoir un enfant, et vous non ! Comment cette iniquité pourra-t-elle durer dans le temps face à la progression de ces problèmes de couples, voire pour une personne isolée ? Pourtant, le corps n’est que le véhicule (douloureux) d’une vie, et ce sont les parents qui ont le permis de conduire à points assurant l’éducation, la protection, et beaucoup d’amour… !

Daniel Carlier

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