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La hausse de la capacité d’incinération du SIAVED fait débat

A quelques jours de la décision de la Préfecture de région relative à la hausse de la capacité d’incinération du SIAVED de 88 000 tonnes à 120 000 tonnes, le ton monte entre les associations environnementales, le parti EELV et le syndicat intercommunal de gestion des déchets basé à Douchy-les-Mines. Réactions croisées entre le président du SIAVED et son équipe, Quentin Omont porte parole du parti EELV sur le Valenciennois, et Paul Cordonnier président de l’association « Après59 », et représentant national dans le domaine de la santé publique, sa spécialité.

En quête d’une perfection écologique !

Le dossier est complexe, car chose rare tout le monde est d’accord sur la finalité. Améliorer la santé publique et l’impact écologique de notre mode de consommation, tels sont les deux objectifs de tous les intervenants, sauf que les chemins sont différents, soit emprunt d’une réalité objective ou d’une ligne rouge à ne pas franchir, voire une exigence de résultats en phase avec l’urgence climatique.

Passons en revue les possibilités de traitement des déchets :

L’enfouissement :

Les normes européennes ont établi une hiérarchie reprise dans la stratégie nationale. Au fond de la classe avec le bonnet d’âne, j’ai nommé l’enfouissement « avec un impact sur les sols, les nappes phréatiques, sur l’air, et sans oublier la résultante, la production de méthane avec une émission de gaz à effets de serre très supérieure à une incinération », mentionne Vanessa Guignanbon, chargée de mission prévention au sein du SIAVED. D’ailleurs, qui peut mesurer précisément l’impact réel sur tous ces critères à l’échelle de plusieurs décennies, personne me semble-t-il ! Sur ce point, Paul Cordonnier précise que « les matrices air/sol/eau sont catastrophiques sur tout le bassin minier. Néanmoins, sur le Hainaut où les sols et l’eau sont déjà très très atteints, nous ne sommes pas sur un territoire où les eaux et les sols ne sont pas pollués, l’enfouissement est donc aussi mauvais que l’incinération ». Donc, ce dernier n’est pas pour l’enfouissement, mais l’incinération n’est pas meilleure selon lui !

Sur la région, le gros spot d’enfouissement se situe à Lewarde. En même temps, la loi de transition écologique portée sur les fonts baptismaux par François de Rugy (et Nicolas Hulot en partie) oblige les centres d’enfouissement à réduire de 50% leur capacité d’ici 2025. Donc, pour des territoires qui n’ont rien fait en la matière, l’heure n’est pas à l’urgence, mais à la « panic » dirait Greta Thunberg, la jeune écologiste mondialement connue. Non loin d’ici, un territoire comme Cambrai peut envisager une catastrophe à moyen terme pour le contribuable, voire une empreinte écologique inhérente à des camions devant faire des centaines de kilomètres pour trouver un centre d’enfouissement en capacité de… !

L’incinération

Ensuite, avant dernier de la classe, l’incinération sans valorisation énergétique est une solution très peu conseillée. Beaucoup de territoires sont encore dans cette configuration. Là également, l’incinération des déchets bruts n’est plus un outil. L’Etat met tout en oeuvre en terme de taxe afin de faire évoluer ces complexes sans valorisation énergétique.

Le CVE (Centre de Valorisation Energétique)

Nous touchons du doigt le panorama sur le Hainaut avec deux CVE, Ecovalor à Saint-Saulve, et SIAVED à Douchy-les-Mines. Ecovalor a une capacité de 140 000 tonnes dont 34 000 en provenance de l’Aisne, et le SIAVED a une autorisation de 88 000 tonnes « avec une validation de dépassement à 92 000/93 000 tonnes chaque année », précise Charles Lemoine. « Nous avons recours à l’enfouissement pour 15 000 à 20 000 tonnes de déchets du territoire à Lewarde. Avec cette hausse à 120 000 tonnes, les 15 000 à 20 000 tonnes destinées à l’enfouissement seraient redirigées vers le CVE, nous passerions donc à zéro enfouissement », ajoute le président du SIAVED.

De plus, Daniel Tison, le DGS précise un point important : « Certes, nous répondons à une demande régionale, donc nous pouvons accueillir des déchets des Hauts de France, mais les 120 000 tonnes seront atteints avec uniquement le traitement des déchets du Hainaut ». En clair, la transhumance des déchets dans les Hauts de France pour venir au SIAVED n’est pas une réalité de terrain, mais administrative. Exception à la chaine DASRI en charge du traitement des déchets hospitaliers « où nous sommes seulement deux sites dans les Hauts de France à traiter ce type de déchets spéciaux », précise Sylvie Deregnaucourt, directrice de cabinet. « D’ailleurs, nous sommes répertoriés comme seul site à pouvoir recevoir les déchets hospitaliers en cas de pandémie », poursuit Charles Lemoine. Cela représenterait 10% de 120 000 tonnes, mais actuellement « nous avons une autorisation de 8 800 tonnes, et nous traitons 4 400 tonnes annuelle, donc 12 000… », ajoute Charles Lemoine.

A cela répond « nous nous basons sur l’enquête publique du SIAVED, mais également sur le rapport du CESER Hauts de France du 25 juin 2019 », précise Paul Cordonnier. Disponible sur le site internet du CESER HDF, ce rapport indique dans sa conclusion « une orientation plus fortement du plan de gestion des déchets vers une sortie à terme de l’incinération ».

Sur ce point, Quentin Omont a une position plus tranchée : « C’est une gestion raisonnable, mais pas ambitieuse. On ne cesse de parler d’urgence climatique, mais à la vue de ces choix, ce n’est pas si urgent que cela ! Nous avons une position plus radicale, il faut changer notre façon de consommer sans toutefois pénaliser des catégories sociales en difficulté ». Pour le parti local EELV, il faut placer le curseur plus en amont.

Le recyclage

Nous montons en gamme écologique. Là, nous évoquons la mise en place de déchetteries, d’un centre de tri, en une phrase tout ce qui concours à une réutilisation des objets. « Les recettes générées par cette hausse de valorisation énergétique seraient investies dans des déchetteries dernière génération, de la prévention et de la sensibilisation sur le traitement des déchets etc. », mentionne Daniel Tison, le DGS du SIAVED.

Un axe de progrès est mis en exergue par Vanessa Guignanbon « les déchets verts n’ont rien à faire en déchetterie. Ils ne devraient pas quitter le jardin. Nous devons sensibiliser les populations. En terme de tri, les zones rurales sont très impliquées, mais beaucoup moins en zone urbaine ». Globalement, sur les trois EPCI membres du SIAVED « les résultats sont très hétérogènes. D’ailleurs, nous embauchons deux nouveaux ambassadeurs du tri en complément des deux existants  », précise Charles Lemoine.

Pour le collectif associatif « nous ne sommes pas contre le SIAVED, ni ses élus, nous voulons même travailler ensemble comme c’est le cas depuis des années dans le domaine de la prévention. Par contre, la hausse de la capacité d’incinération, c’est non ! Cela ne va pas améliorer la qualité de l’air, c’est notre ligne rouge ! », assène Paul Cordonnier.

« Nous devons être force de proposition avec une politique alternative à hauteur de l’urgence. On ne peut pas accepter le postulat, dormez tranquille, on brûle les déchets ! Nous avons une position inconfortable, mais il faut réduire la production de déchets dans des conditions acceptables par la population », explique Quentin Omont.

Le Zéro-Déchet

Sur ce point, le Hainaut en général avance sur le sujet avec des initiatives à l’endroit des familles « zéro-déchet ». Effectivement, la production de déchets par foyer sur le Valenciennes est conséquente. « Il faudrait tendre vers une consommation de 150 KG par ménage annuel, cela changerait tout », souligne Paul Cordonnier.  Actuellement, ce chiffre est en moyenne en France à 513 KG. Ce point fait consensus, c’est la panacée, la réduction drastique des déchets serait une sortie vers le haut de cette gestion publique.

Les arguments pour cette hausse :

Concernant la hausse stricto sensu, le SIAVED demeure droit dans ses bottes. « Nous remplissons tous les critères. Nous respectons les normes en vigueur. De plus, dans le cadre de cette hausse de capacité, ou non d’ailleurs, nous allons engager des travaux d’amélioration de gestion des déchets. En clair, notre process sera encore plus contrôler, plus de filtrage, nous anticipons une obligation légale dans trois ans avec une réduction des rejets des grosses particules, du traitement chimique des fumées, la réduction d’acide et de dioxine, moins d’émission de carbone, ammoniaque – 33%, poussière -50%, acide chlorhydrique -20% etc. Les travaux commencent en 2019 pour plus d’une année. La hausse (présumée) à 120 000 tonnes ne serait en vigueur qu’en 2021 », précise un technicien du SIAVED. En résumé, le CVE du SIAVED sera en avance sur les règlementations applicables aux autres CVE dans 3 ans.

Un point d’appui du SIAVED est une étude sanitaire de zone dans le cadre du Plan National Santé et Environnement. Elle indique clairement que le rapport entre l’état de pollution et l’état de santé de la population est « négligeable ». Ce dernier mot est insupportable pour les associations écologiques, mais il repose néanmoins sur des barèmes légaux. La question est le positionnement de ce barème. Quel est le niveau du curseur dans l’étude des paramètres perturbateurs ? A quel niveau positionne-t-on notre exigence écologique ? Même le SIAVED est conscient de cet état de fait « il faut travailler ensemble », indique Charles Lemoine.

Par ailleurs, si l’autorisation n’est pas validée . Quelle sera l’issue la plus logique. Bien sûr, réduire la production de déchets, mais sans une inflexion drastique du comportement de chaque citoyen, la seule voie sera plus d’enfouissement. Et en même temps, en 2025 elle sera de fait réduite à 50% de la capacité actuelle, alors le dépôt sauvage, enfouissement en zone maritime hauturière, quelles sont les pistes raisonnables ? Peut-on tout faire reposer sur une prise de conscience écologique suffisante de la population pour répondre aux besoins d’un territoire de 350 000 habitants, n’oublions pas Ecovalor. Le Hainaut ne sera jamais la Corrèze !

Le président Charles Lemoine pointe du doigt le fait « que nous avons l’impression être désigné comme les seuls pollueurs de tout le Hainaut. Je suis prêt à ouvrir une table ronde avec tous les industriels, les acteurs publics, les experts santé, et les associations compétences pour une réflexion sur les perturbateurs endocriniens », commente Charles Lemoine.

A cet titre, au salon « Made in Hainaut, le SIAVED a signé une convention avec le Groupe EDF afin de réaliser un bilan carbone sur 3 ans. A ce jour, nous sommes la seule collectivité à engager cette démarche », mentionne Didier Rychlak, le directeur général adjoint.

Enfin, le souci d’une recrudescence de camions dans certaines communes est en cours de résolution. « Nous étudions le meilleur trajet, mais le plus cohérent pour les camions est de passer par l’A21, puis l’A2 pour arriver au CVE « , indique Charles Lemoine.

Les arguments contre cette hausse :

D’abord, Paul Cordonnier pointe le soutien massif des associations environnementales. « Au niveau national et local, nous avons le soutien de la Fédération nationale de l’environnement, le Réseau environnement et santé, Générations Futures des Hauts de France, Attac Valenciennes, APRES (association promotion recherche environnement santé publique), A3D ( atelier douchynois pour un développement durable), Boutik’ adons, COLIBRIS Douai, CRANE Solidaire ( collectif régional associatif nord environnement solidaire), CRAPSE ( coordination régionale association des professions de santé environnement 59-62), Cuincy Environnement Santé, Leforest environnement, Le Valenciennois Environnement, L’Iris sauvage, Marly ma petite planète, Réseau Santé Environnement Hauts de France, Union écologique de Flers, Valenciennes en transition et adaptation ». L’exception est l’association « Denain Ecologie » « qui soutient ce projet, car elle participe au comité de suivi depuis le début », précise Charles Lemoine.

Ensuite, l’air que nous respirons dans le Valenciennois est calamiteux. Tous les indicateurs de santé attestent de ce fait de santé publique. « Sur ce territoire, le problème numéro un est la pollution de l’air. La gestion de l’après-mine est un scandale, le sous-sol est pollué en profondeur. Une politique acceptable en la matière est possible, il existe des exemples concrets sur d’autres territoires. La position du CESER Hauts de France est extrêmement claire, elle valide complètement notre discours », explique Paul Cordonnier.

L’acceptabilité est une autre facette du problème. « Aujourd’hui, le taux d’alcoolémie autorisé au volant est très réduit. Il était de 1,2gr en 1970, c’était acceptable à l’époque. Pour autant, n’était-il pas dangereux de rouler avec tant d’alcool dans le sang ? », souligne le président de l’association Après. La comparaison ne vaut pas raison, mais le rapprochement sur la norme acceptée et la dose dangereuse pour l’homme n’est pas une vue de l’esprit. « Le taux des particules ultra fines n’est même pas mesuré. Ce sont pourtant les plus dangereuses. C’est une catastrophe sanitaire sur ce territoire », poursuit Paul Cordonnier. On pourrait mettre sur le même registre l’utilisation de l’amiante hier sans précaution avec les ennuis de santé aujourd’hui.

Pour le porte parole du parti EELV, l’attente du résultat en Préfecture ne fait guère de doute. « Nous allons nous réunir aujourd’hui afin de décider collectivement si nous engageons une procédure devant le Tribunal Administratif de Lille. Nous sommes présents sur Douchy-les-Mines, mais pas sur Saint-Saulve pour l’instant (ce qui pourrait changer) », précise Quentin Omont.

Communication

En réponse à une campagne de tracts des associations écologiques, le SIAVED va également lancer sa contre-campagne afin d’affirmer que cette hausse de capacité du CVE « ne produira pas de nuisances supplémentaires significatives ». Le syndicat liste également ses actions en faveur de la sensibilisation dans les bonnes pratiques de gestion des déchets. Enfin, le SIAVED invite les citoyens et tout le tissu associatif à participer au comité de suivi.

Pour sa part, les associations écologiques ont lancé une pétition en ligne contre cette hausse de capacité du CVE du SIAVED. Elle rappelle que le Hainaut est un point noir en terme d’indicateurs sanitaires, l’existence de particules ultra fines non mesurées. En clair, cette situation est inacceptable au regard de cette demande du SIAVED.

Ce dossier sensible est à suivre dès le 16 juillet avec la prise de position du Préfet de région. Toutefois, on ne peut écarter l’environnement politique du moment. Un score remarqué comme inattendu, du parti EELV aux élections européennes, a propulsé sur le devant de la scène des questions écologiques. Ensuite, la jeunesse de France et du monde montre son appétence sur le sujet, personne ne peut l’ignorer. Donc, il est à la fois symptomatique que la levée de bouclier des associations écologiques soient assez tardives, en témoigne le silence sur Ecolavor posant beaucoup de questions, tout en soulignant que la fenêtre de tir est enfin audible comme si l’écologie n’était plus l’affaire de quelques illuminés du bocal, mais notre destin commun.

Donc, la question au dessus de tout est simple. L’écologie peut-elle être manichéenne ?

Daniel Carlier

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