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Un mois de mars suspect à l’EHPAD de Bruay-sur-l’Escaut !

Durant cette pandémie, la hausse de la mortalité dans les EHPAD est une réalité que l’Etat a intégré dans ses données journalières, dès le 28 mars 2020, pour l’attendu chronique de la mort dès 19H15, mais ô combien nécessaire ! Cette surmortalité existe avec d’énormes disparités suivant les établissements. Dans le Valenciennois, un EHPAD du territoire a vécu une épreuve en mars 2020 avec des données déroutantes à plus d’un titre, celui de l’EHPAD privé de Bruay-sur-l’Escaut (visuels DR/Groupe Korian).

Une fatalité évitable sur l’EHPAD de Bruay-sur-l’Escaut ?

Parlons chiffres pour bien peser l’ampleur du sujet avant d’aller plus en avant sur ce reportage. Sur l’EHPAD (Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes)/Korian le Halage à Bruay-sur-l’Escaut, vous aviez 67 résidents début mars, 8 décès de résidents sont intervenus durant ce mois de mars dont les origines ne peuvent être toutes établies faute de dépistage…, 5 sont encore hospitalisés avec deux cas dans un état désespéré. Au niveau du personnel, le chiffre pose question également, 25 cas symptomatiques au Covid-19 dont deux testés positivement sur 43 salariés, 2 conjoints de salariés hospitalisés en réanimation infectés au Covid-19… ! Retour sur l’histoire d’une chronologie managériale !

Bas les masques… !

Premier point de comparaison tangible au sein de l’EHPAD le Halage sur Bruay-sur-l’Escaut, l’épidémie de grippe en 2019 s’est traduite concrètement par « la mise en oeuvre du Plan Bleu. Tous les personnels soignants et encadrants devaient impérativement porter un masque s’ils n’étaient pas vaccinés », explique une source proche du dossier. Bien sûr, après cette période, le stock d’un EHPAD local doit se reconstituer, ce qui fut fait dans les délais à Bruay-sur-l’Escaut.

Dès le 11 mars 2020, le Plan Bleu national a été lancé et appliqué au sein de l’EHPAD du Groupe Korian à Bruay-sur-l’Escaut. Pour autant, le respect strict des gestes barrières fut la seule exigence de la direction locale. « Pourquoi, comme en 2019, n’avons-nous pas dès le 11 mars utilisé notre stock de masques pour approcher les résidents ? Comment voulez-vous respecter une distanciation durant la toilette ou certains actes de soins ? », précise un autre informateur. Seul le cuisinier a bénéficié dès le début d’un masque FFP2.

Par ailleurs, après information, ce stock sur site permettait de couvrir environ 3 jours d’utilisation de masques. Composé de masques FFP2, mais surtout chirurgicaux, il y avait en plus la possibilité d’un réassort auprès du stock national du Groupe Korian.

Un 1er décès suspect !

Courant mars est intervenu un décès suspect d’un résident, une donnée à mettre en parallèle avec la date du 21 mars où deux résidents sont testés positifs ce qui déclenche immédiatement au sein de cet établissement le plus haut niveau d’alerte, le « Niveau 3 renforcé ». Pour autant, malgré le confinement généralisé, deux tests positifs Covid, un décès suspect, seules les mesures barrières étaient en vigueur au sein de l’établissement à Bruay-sur-l’Escaut !!!

A cette date, le linge des résidents était « encore traité par la mise en sac, puis trié à la main par le personnel », précise une autre source du dossier. En clair, la manipulation sans protection d’un linge potentiellement infecté aurait été l’usage courant à cette date !!!

Comme partout ailleurs dans les établissements pour personnes âgées, la mise en confinement strict dans les chambres fut validée dès le lundi 23 mars.

Ensuite, nouvelle livraison avec réapprovisionnement en masques, le 24 mars sont distribués les masques chirurgicaux, le personnel soignant peut(enfin) porter un masque dans l’EPHAD sur Bruay-sur-l’Escaut. Donc, vous avez bien suivi les dates. Le 24 mars, un réapprovisionnement des stocks est réalisé par le Groupe Korian, alors que le stock initial n’a pas été (encore) distribué, ce n’est pas un détail de l’histoire.

Concernant la distribution des masques FFP2 du dit stock local, il a fallu attendre le lundi 30 mars où dès 6H30 du matin, la direction régionale (voire nationale) est venue distribuer elle-même les masques en question à Bruay-sur-l’Escaut. Le confinement général était donc à cette date en vigueur depuis 13 jours (17 mars-12H).

Pas depuis la canicule 2003 !

En résumé, du 21 mars (date où deux tests positifs sont avérés chez les résidents) au 24 mars « les salariés n’avaient aucune protection. Ensuite, du 24 mars au 30 mars, les soignants n’avaient pas de FFP2 pour les soins à risques comme le lavage des dents, etc. !  Nous savons tous qu’un simple masque chirurgical ne suffit pas pour certains actes du quotidien ». Cet chronologie permet de mettre en exergue le dévouement sans faille du personnel soignant, et ceci malgré des failles béantes pour leur protection individuelle.

L’autre chiffre à mettre en parallèle est le chiffre de 8 décès courant mars, même si malheureusement cette donnée toujours tragique devrait s’amplifier en avril. « A Bruay-sur-l’Escaut, la dernière fois que nous avons eu 5 décès mensuel, c’était en 2003 à l’occasion de la canicule. Aujourd’hui, cinq résidents sont encore hospitalisés dont deux seraient en fin de vie », précise une autre source. 

« La maison ne brûle pas », Jacques Dupont

Le 01 avril 2020, un directeur d’appui, Jacques Dupont, est arrivé pour remplacer la directrice en place (arrêt maladie), et de retour la semaine prochaine. « Dès mon arrivée, j’ai embauché une animatrice pour créer du lien social avec les résidents. L’équilibre entre la sécurité/sanitaire et la sécurité/affective est mon action prioritaire. J’ai peu à peu récupéré les membres du personnel en sortie de quatorzaine, environ 85% de l’équipe », souligne le directeur d’appui. Concernant l’arrivée massive d’intérimaires, Jacques Dupont a « conservé des renforts absolument nécessaires », ajoute-t-il.

Sur le nombre de décès des résidents en mars, le directeur d’appui se retranche « sur des supputations faute de test Covid-19. Pour autant, je suis en contact régulier avec des collègues directeur d’EHPAD avec malheureusement des situations de 25, 30 décès, et plus. Ici, la maison ne brûle pas ! On tient, et j’espère que nous allons continuer. Au niveau du matériel, depuis mon arrivée, l’ARS Hauts de France nous a livré deux fois, nous sommes bien dotés en matériel », poursuit-il.

Ancien directeur d’un EPHAD pendant 10 ans au sein du Groupe Korian, il a quitté ses fonctions en 2011 pour créer une entreprise de formation. « Je me suis porté volontaire compte tenu des retours sur le terrain avec des problématiques diverses. Néanmoins, avec une vue extérieure, je tiens à souligner la belle collaboration entre l’ARS Hauts-de-France, le CHU, et les EPHAD sur le Valenciennois », conclut-il.

25 salariés symptomatiques au Covid-19

Sur le plan des chiffres liés à l’effectif, sur 43 salariés, 25 salariés ont été qualifiés symptomatiques au Covid-19 par leurs médecins traitants, mais deux furent testés positivement au sein de l’EHPAD (faute de test disponible avant) avec de facto une mise en quatorzaine massive. Du personnel intérimaire a été recruté en toute hâte, mais le résultat est là avec un taux potentiel de contamination éloquent. « A un moment donné, il n’y avait presque plus de titulaires sur ce site. Aujourd’hui, vous avez deux conjoints de salariés hospitalisés en réanimation dans le coma, dont un où le salarié était en charge du traitement du linge… », précise une source.

Pouvait-on faire mieux ?

La question venant à l’esprit est si le Groupe Korian, sur Bruay-sur-l’Escaut, aurait pu mieux manager cette pandémie durant le mois de mars 2020 ? « As-t-on mis tout en oeuvre pour limiter les dégâts, notamment dans l’utilisation des masques afin de ralentir la propagation du Covid-19 au sein de l’EPHAD de Bruay-sur-l’Escaut ? », s’interroge tous les informateurs !

Il est évident que dans le domaine médical, les nuances ne sont rien, seuls les actes comptent ! Après cette pandémie, l’heure du bilan sur cette période viendra au sein de cet établissement. Que cela soit en interne ou par le biais des familles des résidents disparus qui ont le droit de savoir si tout a été décidé à temps. Ici comme ailleurs, la transparence sur les responsabilités sera indispensable, et salutaire à l’avant-veille… de la prochaine pandémie !

Daniel Carlier

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