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Un débat aTEOMisé à la Porte du Hainaut

Ce deuxième Conseil communautaire de cette nouvelle mandature s’annonçait comme inédit dans l’histoire de cet EPCI. Tel fut le cas à travers un véritable débat de fond sur la mise en place d’une TEOM (Taxe d’enlèvement des ordures ménagères) sur les 47 communes du territoire à l’instar de la quasi totalité des autres agglo françaises. La parole fut franche, les avis très tranchés, et argumentés de par et d’autre ((Aymeric Robin (au centre), président de la Porte du Hainaut).

(Les élus communautaires au sein de la salle Leaud sur le site d’Arenberg Creative Mine))

L’impôt pour qui, pour quoi faire ?

En propos liminaire, Aymeric Robin avait commencé à déminer le futur débat sur la TEOM avant le passage en revue des élections institutionnelles.

Sur ce dernier point, on suivra les prochaines élections du syndicat en charge du transport public, le SIMOUV. En effet, Anne-Lise Dufour, présidente du SIMOUV en exercice, n’est plus dans les délégués communautaires de cette instance, la Présidence changera même si nous savions déjà que cette Présidence ô combien prisée était promise à Valenciennes Métropole depuis décembre 2019, un très proche de Laurent Degallaix est annoncé pour cette nouvelle Présidence.

Ensuite, le syndicat Docks Seine Nord dont l’importance va monter en puissance compte tenu de l’arrivée du Canal Seine Nord Europe. Nous retrouvons dans les délégués, justement Anne-Lise Dufour avec une position de maire d’une commune bord à canal de l’Escaut… !

A suivre également le SIAVED, l’autre syndicat de déchets avec ECOVALOR, où 3 EPCI vont devoir choisir un(e) nouvelle présidence.

Le syndicat « Aéroport du Valenciennes-Charles Nungesser » va prendre de l’importance à la lecture de cette pandémie mondiale où les déplacements de proximité vont prendre de l’ampleur. Un petit aéroport de province à une carte sérieuse à jouer.

Bien sûr, vous avez aussi le PNR Scarpe Escaut, le Pôle Métropolitain, et la Mission Locale où son président actuel, Michel Domin, n’est pas un élu communautaire avec mécaniquement un changement stratégique à la clé.

« Une agglo forte avec des communes fortes », Aymeric Robin

Après l’adage de l’ancien Président Alain Bocquet « chaque commune compte pour une », Aymeric Robin veut imprimer dès le début de son empreinte cette nouvelle mandature à travers un nouveau credo « une agglo forte avec des communes fortes ».

Bien sûr, La Porte du Hainaut « ne part pas ex nihilo. Nous ne sommes pas en 2001, nous sommes le garant d’une conduite. Pour autant, le chemin est différent en 2020 que ce soit sur le cadre de vie, l’environnement, la santé, la précarité énergétique, le développement économique, etc. », indique le Président.

« Un sujet fiscal justifié, raisonné, et assumé », Aymeric Robin

Pour lancer une nouvelle dynamique de la Porte du Hainaut, cette intercommunalité doit réfléchir sur ses charges. « C’est pourquoi, nous prenons en responsabilité des choix. Aujourd’hui, les réflexions sont mûres, le débat sur la TEOM s’est déroulé sur l’ancien mandat. Cette TEOM a eu le mérite d’être à zéro tant qu’elle a pu le faire. Depuis 2010, nos moyens ont changé avec la suppression de la Taxe professionnelle. La TEOM n’est pas nouvelle, elle existe depuis 1926. Elle connaît des évolutions, et cette période sanitaire a fait apparaître des nouveaux besoins comme le ramassage des déchets verts. Tout ne peut rester tout le temps gratuit n’en déplaise aux « apprentis Bigard ». Il faut le courage politique de prendre ces décisions. C’est un sujet fiscal justifié, raisonné, et assumé », assène Aymeric Robin. Cette dernière flèche était directement envoyée à l’endroit d’Eric Renaud, à la veille des élections départementales, qui a dévoilé en amont cette future fiscalité nouvelle sur La Porte du Hainaut. «  Il n’y a pas d’urgence ! Le Conseil Communautaire a jusqu’au 15 avril 2021 pour délibérer sur la fixation éventuelle d’un taux de prélèvement. A l’instar du recul obtenu sur la CFE en 2019, il est possible de rassembler largement et d’agir d’ici avril 2021 pour empêcher ce hold up fiscal », disait Eric Renaud dans son courrier, mais absent de cette plénière.

Dans son propos, Aymeric Robin, explique que l’impôt n’est pas toujours « une sanction mais la conversion d’une charge publique. Il faut se fixer de nouvelles règles financières au sein de la Porte du Hainaut. Sur ce sujet, si nous restons dans l’immobilisme, il ne faudra pas attendre grand-chose de l’intercommunalité ».

Ensuite, et dans l’ordre des interventions, les prises de parole furent pléthoriques sur ce sujet de fond.

« Le rapport de la CRC marque l’absence d’un projet de territoire et d’un pacte fiscal », David Audin

L’adjoint de la ville de Denain monte au créneau avec un postulat de base. « Sur le plan fiscal, il est nécessaire que deux critères soient respectés, la solidarité concernant les besoins pour tous et l’équité car tout habitant, quel que soit son point de départ, doit arriver au même point », explique David Audin.

En ligne de mire, il vise la DSC (Dotation de Solidarité Communautaire) « où le coefficient de revenu n’intervient que pour 10% dans le calcul final. Elle se base donc sur une pauvreté économique, mais pas une pauvreté réelle. Il faut revoir cet outil de péréquation », souligne-t-il.

Pour sa part Ludovic Zientek, maire de Bouchain rappelle que le rapport de la Chambre Régionale des Comptes précise « que nous partons sur des bases solides avec une gestion saine ! ».

« L’impact des transferts de compétences », Salvatore Castiglione

On ne peut oublier dans la vie mouvementée des agglo les soubresauts des gouvernements successifs. En effet, Nicolas Sarkozy a dégoupillé la mèche en 2010 reprenant à son compte la phrase de François Mitterand « la Taxe Professionnelle est un impôt imbécile ». Dès lors, les hausses de recettes année après année ont fait place à une annonce de baisse, budget communautaire après budget communautaire. Pour sa part, François Hollande a porté le bébé initié sous son prédécesseur en ajoutant quelques explosifs au cas où les élus locaux n’auraient pas compris le message, la DGF dans les abysses, il faut vous y habituer… ! Jamais la Droite et la Gauche n’ont autant pratiqué la politique de l’autre obédience politique durant une décennie, merveilleuse politique à la française ! Enfin, la loi NOTRe en 2016 est venue révolutionner administrativement la répartition des compétences locales et intercommunales. « Il faut mesurer l’impact fiscal des transferts de compétences. Nous devons opérer un réajustement fiscal tout comme établir un projet de territoire », souligne le maire de Wallers, et vice-président à la CAPH.

« Il est grand temps d’arrêter d’enlever de la solidarité », Anne-Lise Dufour

La maire de Denain, et vice-présidente de la CAPH, revient sur cette DSC « où chaque année le FPIC retire 2,2 millions d’euros aux communes. Il est grand temps d’arrêter d’enlever de la solidarité. Ce débat sur la TEOM a déjà eu lieu avec les représentants de nos concitoyens. Le consentement à l’impôt est de plus en plus à l’intérêt général ».

« Le coût annuel est de 17 millions d’euros pour la CAPH », Jean-François Delattre

Jean-François Delattre, maire de Haspres, le nouveau vice-président en charge des finances s’inscrit dans le chiffre brut et sans concession. « Le coût annuel pour la Porte du Hainaut est de 17 millions d’euros, et si vous compilez un service de ramassage des déchets réclamé par la population, vous ajoutez 500 000 euros de plus. Cette TEOM à hauteur de 15,62% en 2021, environ 18.400 000 euros, couvrirait 89% du coût annuel de ce service », précise-t-il.

Ce chiffre à 89% a son importance, car l’exécutif communautaire a voulu compenser cette nouvelle imposition. En effet, le fameux transfert des compétences ramène la GEPU (Gestion des Eaux Pluviales Urbaines) dans le giron intercommunal. C’est un service public avec deux choix possibles, une taxe directe au contribuable « où prendre une partie de la recette de cette nouvelle TEOM pour payer cette GEPU en lieu et place des contribuables », précise Jean-François Delattre.

Enfin, il plante le décor d’une nouvelle répartition communautaire « la DSC sera plus importante pour les communes avec la mise en oeuvre de cette TEOM ».

« Sans son consentement, l’impôt est injuste et rejeté par la population », Alain Bocquet

La parole de l’ancien président de la Porte du Hainaut, de 2001 à 2020, était très attendue sur ce sujet compte tenu qu’il a maintenu à zéro cette TEOM à zéro, et par suite pris en charge le coût de ce service à la population par la Porte du Hainaut, un coup de pouce au pouvoir d’achat évident !

« Tout d’abord, je n’interviens ni avec un effet de manche, ni en prélude d’une campagne électorale, mais je tiens à dire que sans son consentement, l’impôt est injuste et rejeté par la population. Cette annonce est tombée comme le plomb fondu sur la population. J’ai vécu la hausse de la CFE où Jean-François Delattre, vice-président en charge des finances, trouvait cela génial. Par contre, nous pourrions revoir les missions du SIAVED, voire une tarification incitative de la TEOM. De plus, il me paraît important d’envisager des appels d’offres commun au niveau du Pôle Métropolitain concernant les déchets. L’éventuelle fusion entre SUEZ et Veolia va pousser à la hausse les remises de prix. C’est pourquoi, je demande le retrait de cette délibération de l’ordre du jour », déclare Alain Bocquet.

Sur le point de la CFE, l’ensemble de l’hémicycle, quel que soit la position sur la TEOM, admet une faillite collective sans exception « avec un Président trop seul pour faire face à la population », souligne Aymeric Robin. « Il faut tout de même rappeler le contexte d’une hausse de la CFE liée à l’impact de la baisse drastique des dotations publiques. Nous avions fait ce choix à l’époque », précise-t-il.

« Il ne faut pas en rajouter en 2021 », Fabien Roussel

Fabien Roussel

Pour le député de la 20ème circonscription, Fabien Roussel, le débat n’a pas eu lieu sur le contenu proposé à cette assemblée plénière. « Je regrette que dès ce soir nous votions avec un taux aussi élevé. Je comprends le besoin de cette fiscalité, mais nous devons en débattre au sein de tous les Conseils municipaux. Regardez la CFE, nous l’avons tous voté en revenant dessus a posteriori. Evidemment, les bailleurs sociaux vont répercuter cette taxe sur les locataires. Beaucoup n’ont pas de jardin, et n’ont pas besoin d’un ramassage des déchets verts ».

Ensuite, cette période sanitaire inédite « va engendrer en 2021 des plans sociaux multiples. Il ne faut pas en rajouter en 2021. Il y a près de 130 agglo qui ont fait le choix de la TEOM incitative. Arrêtons cette brutalité ! Prenons le temps d’instruire ce dossier », conclut-il.

« Cela va s’ajouter à l’achat des masques », Eddy Zdziech

Pour l’opposant au Conseil municipal de Raismes, la bourse familiale est déjà très malmenée. « 200 à 250 euros en plus dans un budget familial ne sera pas sans incidence. Cela va s’ajouter à l’achat des masques. Le courage politique est de trouver des solutions autrement. Les banques s’inquiètent clairement de la baisse des trésoreries dans les entreprises. Enfin, cela s’ajoute à la hausse des indemnités des élus et d’un logement de fonction pour le DGS, c’est trop ! », commente Eddy Zdziech.

Michel Blaise, maire de Bellaing, reprend au vol ces propos « je suis contre cette nouvelle TEOM, mais ne tombons pas dans des dérives. Restons calmes sur nos déclarations ! ».

« Personne n’a le monopole du porte-monnaie », Bruno Saligot

Reprenant une rhétorique mythique de Valérie Giscard d’Estaing, Bruno Saligot, maire d’Escaudain, et vice-président, s’est lancé « personne n’a le monopole du porte-monnaie de nos habitants, la TEOM est-elle la seule variable d’ajustement ? Est-ce la bonne solution aujourd’hui la TEOM à zéro. Pouvons-nous continuer ce privilège ? D’ailleurs n’oublions pas l’impact de la suppression de la Taxe d’habitation ! », commente-t-il.

Emmanuel Macron au secours de la TEOM à 15,62%… !

Ça peut surprendre dans cet hémicycle où le parti LREM est aussi présent que les cheveux sur le crâne de Fabien Barthez, mais « chacun sait que je ne suis pas en phase sur la politique menée par le Président de la République, loin s’en faut. Néanmoins, je suis d’accord avec lui concernant deux mesures, le dédoublement des classes, et la suppression de la taxe d’habitation, un véritable soutien au pouvoir d’achat », commente le Président de la Porte du Hainaut.

A ce titre, Anne-Lise Dufour prend un exemple concret : « J’ai la feuille d’impôts d’un couple avec deux enfants avec un revenu moyen de 1 400 euros chacun. En projection sur 2021, le couple ne va pas payer la GEPU, ni la taxe d’habitation (pour 80% d’entre eux et 100% en 2023), mais va s’acquitter de la TEOM, le moins coûtant fiscal est entre 600 et 700 euros. Depuis 2001, nous avons fait 260 millions de cadeau fiscal. De plus, 29 communes continuent de payer une subvention pour ce service, et d’autres ne le payent pas ! ».

« La plupart des petites communes n’arrivent plus à vivre », Pascal Jean

Le maire de Neuville-sur-Escaut est très factuel. « Notre commune paye (comme 29 autres) cette subvention pour ce service des déchets. Cela représente 128 000 euros chaque année pour Neuville-sur-Escaut que nous avons payé 19 fois de suite. Je suis arrivé en 2008 comme maire de la commune. Je suis passé de 32 à 24 agents, croyez-vous que cela me fasse plaisir !  La plupart des petites communes n’arrivent plus à vivre », indique l’édile.

« 90 millions d’euros de projets non financés », Jean-Michel Michalak

L’ex élu d’opposition de la commune de Saint-Amand-les-Eaux, et nouvel édile de Sars-et-Rosières, commente les ressources financières à disposition. « Il y a pour 90 millions d’euros de projets, engagés par l’ancienne majorité, mais non financés à ce jour. Compte tenu de notre capacité de 25 à 30 millions d’euros par an, il faudra mettre en oeuvre ces projets sur 4 à 5 ans », indique-t-il… en en filigrane aucun nouveau dossier !

Il enfonce le clou avec une proposition iconoclaste pour un ancien élu de la cité thermale. A priori, la gestion publique autoriserait « l’intercommunalité à bénéficier des ressources fiscales d’un Casino sauf si la commune bénéficiaire n’y est pas favorable ! Ce serait une recette de solidarité ».

A l’heure où les élus de proximité sont les seuls à incarner un lien politique de confiance, selon les sondages, il serait curieux de voir un maire de l’hexagone abandonné cette manne financière, au bénéficie direct de ses administrés, en faveur de la solidarité communautaire !

La TEOM a été votée avec 15 voix contre, et 8 abstentions, sur 91 élus communautaires

Ce riche débat a mis en lumière la singularité de cette intercommunalité où la ville et la campagne siègent au sein d’une même EPCI, la zone industrielle et les champs agricoles, la zone urbaine, périurbaine et rurale, tout comme des territoires aux passés si différents et aux enjeux d’avenir radicalement opposés. La limite politique de la loi Chevènement est atteinte, car elle aurait dû ici et partout ailleurs constituer des agglo de genre (urbaine, rurale, etc.), et pas politique. Aujourd’hui, il faut refondre un logiciel avec des compétences, des objectifs, une fiscalité (ou pas) claire. Le tout dans un climat de crise sanitaire et sociale où l’année 2021 constituera un véritable casse tête dès que les charges récurrentes des entreprises vont croiser le remboursement du PGE (Prêt Garanti par l’Etat sur 12 mois) avec une possibilité de conversion en prêt sur 5 ans NON garanti par l’Etat… !

Daniel Carlier

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