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Vide ou impasse juridique face à une école privée hors contrat ?

A Raismes, mais pas seulement, la thématique de l’installation d’une école privée hors contrat éclate au grand jour. A ce titre, Aymeric Robin, le premier magistrat de Raismes, saisit le Tribunal Administratif de Lille pour faire respecter ses prérogatives légales concernant l’ouverture d’une école privée hors contrat sur sa commune… !

(Visuel de l’école privée hors contrat sur Raismes)

Aymeric Robin : «  Le Recteur va devoir justifier sa décision devant le TA de Lille ».

Dès l’entame de cet échange avec la presse, le maire de Raismes évoque une situation « éclairante et grave, je suis un élu préoccupé ». Le sujet est de fait très particulier. En effet, l’école privée hors contrat portée par l’association Mine de Savoirs s’est ouverte le lundi 04 septembre, le jour de la rentrée scolaire nationale.

Pour autant, cette ouverture ne satisfait pas du tout l’édile de Raismes. Pourquoi ? Cette école privée hors contrat ne répondrait pas à tous les critères légaux !!

A ce jour, ce qui préside l’ouverture d’une école privée hors contrat, avec le ministère, répond à un état de l’art au début du 20ème siècle.  « C’est régi par le Code de l’Education dont la dernière mouture est de 1919.. », précise Aymeric Robin. Ainsi, cet établissement pédagogique ne bénéficie d’aucune subvention, de prise en charge des enseignants… D’un autre coté, elle peut s’ouvrir en toute légalité si elle répond aux critères d’hygiène et sanitaire, mais également des bonnes moeurs.

Concrètement, une association dont l’objet est l’enseignement, quel qu’il soit, doit demander pour son ouverture un avis au maire, à l’Education nationale, au Préfet, et au Procureur de la République. Le premier magistrat a huit jours pour y répondre favorablement ou pas sur les critères d’hygiène et sanitaire. Pour sa part, l’Education nationale doit répondre, positivement ou pas, sur les critères de bonnes moeurs. Cet aspect est particulièrement difficile à définir. D’ailleurs, le juge a une grande liberté pour apprécier ce critère.

Le chemin vers…

En juin 2016, un dossier d’ouverture d’une école privée hors contrat est déposé en maire de Raismes. Après une visite sur le lieu d’enseignement « nous avons constaté des anomalies au niveau de la VMC, des sanitaires etc. Ce constat a justifié notre absence de levée d’opposition à l’ouverture de cette école privée hors contrat », souligne le maire. Un avis rendu le 10 juin 2016 ; cette décision a été suivie par le Recteur en charge d’apprécier les bonnes moeurs. .

Ensuite, une nouvelle demande a été déposée en décembre 2016 auprès des autorités de tutelle. « La mairie a refusé de nouveau cette ouverture, car nous avons fait face à un refus de visiter cette école privée », précise Aymeric Robin. Cette absence de levée d’opposition a été signifiée à l’association porteuse du projet le 08 décembre 2016. Pour sa part « la responsable de l’Education nationale a pu visiter les lieux sur Raismes », souligne le maire. Suite à cette prise de contact, l’Education nationale a répondu favorablement le 21 juin 2017. Sauf que cet avis hérisse Aymeric Robin, car il devrait reposer «  sur les critères des bonnes moeurs, alors qu’en juillet 2017 une note d’opportunité a été diligentée par le Procureur de la République. Il se pourrait qu’une enquête pénale soit en cours. Pourquoi le Recteur a répondu favorablement avant la connaissance de ce document du Procureur de la République ? », indique l’édile de Raismes.

… le Tribunal Administratif de Lille !

C’est pourquoi, Aymeric Robin a initié un référé suspensif auprès du Tribunal Administratif de Lille concernant la décision du Recteur de l’Education nationale. «   Je souhaite casser cette décision. Le Recteur va devoir justifier sa décision devant la justice administrative. Si le TA me donne raison, j’attendrai le refus de levée d’opposition de l’Education nationale pour l’ouverture de cette école privée hors contrat. Si ce n’est pas le cas, c’est un délit pénal, une ouverture illégale, j’irai devant le Tribunal correctionnel  » , insiste le maire particulièrement déterminé à ne rien lâcher.

La vacuité de la loi

Cette histoire de proximité cache un enjeu sociétal bien plus grand. L’ancienne ministre de l’Education, Najat Vallaud-Belkacem, a pointé du doigt ces ouvertures d’école privée où on ne sait quel enseignement est prodigué. « En 3 ans, vous avez + 26% de demandes d’ouverture d’école privée hors contrat. En France, il y a environ 1 000 établissements de ce type dont 300 confessionnels. C’est un vide juridique dans le contexte que l’on connait », déclare Aymeric Robin.

Pour le premier magistrat «  c’est un combat politique. Dès la fin de cette procédure, je vais remonter cette problématique au niveau ministériel. Je veux mettre sur la place publique ce sujet. On nous indique que l’on peut contrôler après. Je souhaiterai que le contrôle s’opère avant. Il faut renverser la charge de la preuve. En fait, aujourd’hui, c’est une levée d’opposition, alors qu’il faudrait une autorisation », poursuit-il.

Complexe juridiquement, car le principe de l’autorisation pourrait conduire 36 000 (nombre de maires environ) critères subjectifs différents. Il faudrait baliser drastiquement cette autorisation. Et cela a contrario du dispositif actuel permettant une liberté d’enseignement, même privée, avec une feuille de route à respecter. Tel est le principe de la loi en vigueur même si de fait les obligations sont assez légères. « Il n’y a aucune stigmatisation de ma part d’un type d’école privée, cultuelle ou pas, mais on voit se propager certains types d’enseignements… en contradiction avec le principe de laïcité», précise le maire.

Enfin, si tous les feux passaient au vert pour cette structure de la Mine de Savoirs. «  Cette école serait autorisée à ouvrir, mais j’aurai fait mon job. Ce serait au niveau national qu’il faudrait modifier la loi », conclut Aymeric Robin.

Daniel Carlier

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