Enterrement « Géant » de l’ESAD proposé par la ville de Valenciennes et sa métropole !
Ce vendredi 27 juin 2025 sera sans doute la date la plus symptomatique des mandats de Laurent Degallaix, maire de Valenciennes et Président de Valenciennes Métropole. En effet, elle marque la fin pédagogique d’une école d’art et de design éco-social sur la ville centre, l’ESAD, un monument né en 1782 sur cette commune !

Membre de l’équipe pédagogique : « Depuis deux ans, nous somme menacés de représailles si nous communiquons avec la presse locale. »
En amont de cette triste journée, France 3 Hauts de France était venue le 20 juin dernier pour les derniers examens des apprenants de l’ESAD, https://france3-regions.franceinfo.fr/hauts-de-france/nord-0/valenciennes/comment-achever-une-ecole-d-art-une-question-posee-par-les-etudiants-qui-vivent-la-fin-d-une-institution-bicentenaire-3174636.html , l’incompréhension globale transpire de ce reportage de terrain, alors grattons les traces de cet abandon culturel, car la ville de Valenciennes a refusé de répondre à la chaîne régionale à cette occasion.

Ce vendredi 27 juin 2025, sous le soleil, les étudiants, enseignants, les agents techniques s’affèrent, car l’après-midi est singulière. Concrètement, il faut assurer son enterrement avec un certain sourire et pour cela un collectif d’étudiants s’est tourné vers la création d’un Géant, celui de Jean-Baptiste Carpeaux. « Nous voulions faire durer cette école à travers une création artistique », souligne un apprenant. Conscient de ce moment singulier, l’association Val’en liesse, très présente à cet événement, s’exprime par François Durieux, son président : « C’est une lourde perte la fermeture de cette école. C’est beaucoup de tristesse ! Nous récupérons ce géant de JB.Carpeaux, car il défilera pour le bicentenaire de Binbin les 29,30, et 31 août 2025 au côté de 50 autre géants. » La municipalité laissera-t-elle le Droit au géant « Carpeaux » de défiler, c’est une question légitime, car la consigne du silence est demandée aux équipes de l’ESAD. « Depuis deux ans, nous sommes menacés de représailles si nous communiquons avec la presse locale. Là, une semaine avant la fermeture, on leur a dit. On va s’exprimer ! », explique un membre de l’équipe pédagogique.
La culture et le patrimoine à Valenciennes, la variable de tous les ajustements budgétaires !
Remontons un peu le film de cette inexplicable retrait de la ville et de son factotum, en l’espèce Valenciennes Métropole. Cela remonte tout simplement à l’arrivée de Laurent Degallaix aux manettes, en juillet 2012, suite au retrait de Dominique Riquet. En dix ans, les subventions seraient passées de 1,4 million d’euros à 350.000 euros (source journal l’étudiant). Compte tenu que ces structures, avant tout territoriale, doivent se financer aux 2/3 par les collectivités territoriales, le poison est lent et incurable.
Pourtant, nous pouvons mettre une date publique emblématique sur ce choix local et politique, celle du 31 mai 2022. Ce jour là, Laurent Degallaix vient faire un discours à l’ESAD sur l’ancien site d’Usinor, Faubourg de Cambrai, après un déménagement loin du centre-ville de Valenciennes au XXIème siècle. Dans sa locution, une phrase retient l’attention « jamais la clé sous la porte », mais pourtant lorsque vous l’écoutez attentivement, l’intention finale ne trompe personne : « Je suis ouvert à toutes les solutions »… « Tous les champs des possibles »… « on ne pourra plus faire comme avant »… « Trop longtemps que nous remplaçons l’Etat »…et la proposition « d’une direction transitoire », car depuis cette période, l’ESAD n’a pas fonctionné avec une direction propre ! C’est une fin programmée !
Le maire évoque de nombreuses écoles en voie de fermeture dans les Hauts de France dont Cambrai, sauf que ces fermetures en série n’ont pas eu lieu…« seulement à Perpignan et à Valenciennes. Il parle de la fermeture à Cambrai, mais elle existe toujours et occupe un site commun avec l’UPHF (Université Polytechnique Hauts de France). En fait, pendant de nombreux mois, nous avons eu des signaux contradictoires surtout face à des Conseils d’administration où rien ne se passait », s’exclame une étudiante participante à la délégation, au printemps 2023, auprès des Ministères de l’Enseignement supérieur et de la culture (double casquette), nous y reviendrons !
Fin 2022, c’est déjà plié !
Evidemment, une réduction des postes, des diminutions de frais de structure avec un hiver 2022/2023 dévastateur suite à la flambée énergétique, rien n’y fait. La baisse des coûts n’arrive pas à contenir le déficit structurel de l’ESAD. A ce titre, les partenaires fondateurs ont versé une subvention exceptionnelle de fonctionnement afin de boucler l’année 2022.
Fin 2022, les autorités nationales supérieures, et avis autorisés, décident que l’ESAD perdra son accréditation auprès des Ministères de tutelle, de l’enseignement supérieur et de la culture, en 2025. C’est la fin programmée et le discours du 31 mai 2022 de Laurent Degallaix n’était qu’une mise en bouche dont l’issue ne faisait déjà plus aucun doute… sauf miracle ! Pour les habitués, la ligne du plus comme avant signifie toujours un changement radical sous peu, la ville va sortir du jeu à moyen terme.
Pour autant, l’ensemble des acteurs de cette école croyait encore à l’époque à un avenir pour l’ESAD. Néanmoins, pour les 4 membres fondateurs depuis 2016, suite à la réforme des EPCC (établissement public de coopération culturelle), ville de Valenciennes, Valenciennes Métropole, CCI Grand Hainaut, et l’Etat via la DRAC, le départ est proche et annoncé deux ans avant afin de permettre la fin des cycles déjà entamés en art et en design éco-social. Techniquement, en trois mois, la ville, la CAVM, et la CCI Grand Hainaut quittent l’EPCC et l’Etat n’a plus le droit, par statut, de poursuivre son exploitation même si la région apportait, via une subvention, sa contribution annuelle.
Les étudiants sont sous le choc et manifestent en avril 2023 durant les épisodes contre la réforme des retraites https://www.va-infos.fr/2023/04/24/lesad-victime-de-la-logique-du-chequier-a-valenciennes/ ; un collectif national se rassemble sur Paris, car toutes les écoles d’art et design, mais pas seulement, sont concernées par un financement en souffrance. Un fait tangible se dégage, Valenciennes a le vent dans le dos pour y arriver plus rapidement, car « c’est un choix politique », répète inlassablement l’ensemble des occupants de l’ESAD.
160 étudiants avant…
En septembre 2023, la messe est dite, l’ESAD est retirée du dispositif Parcours Sup. « Aujourd’hui, nous sommes encore 19 étudiants, 13 en Design et 6 en art éco-social. Nous avions 160 étudiants sur ce site avant la Covid avec une reconnaissance LMD (Licence Master Doctorat) par les Ministères », précise un autre membre de l’équipe pédagogique. Consciemment ou inconsciemment, une concurrence est née entre l’Ecole de Design Rubika, à 9 000 euros l’année même si le boursiers sont acceptés aujourd’hui, et l’ESAD à 640 euros par an et 460 euros pour les boursiers. De plus, Rubika, contrairement à l’ESAD n’avait pas la reconnaissance de l’éducation nationale dans l’équivalence de ces diplômes, mais seulement depuis son passage en association en septembre 2021. Enfin, sur la filière Design, c’est seulement depuis l’année dernière que le diplôme Design Rubika est reconnu par l’Education Nationale. Bien sûr, ce propos n’est pas une remise en cause de l’excellence historique de ces filière consulaires. Toutefois, la même filière sans reconnaissance historique, dont l’épaisseur du portefeuille des familles bénéficiaires est un peu différente, passe devant une école dont la compétence est reconnue depuis bien longtemps par les Ministères associés sauf que… ; l’une coûte à la collectivité territoriale et locale, l’autre pas du tout. En résumé, le départ de la CCI Grand Hainaut, très proche de la ville et de Valenciennes Métropole comme nous l’avons vu récemment dans le choix de l’appel d’Offre de la Cité des Congrès (article 2ème paragraphe https://www.va-infos.fr/2024/12/14/cite-des-congres-budget-2025-et-nouvel-appel-doffres-pour-lassainissement/ et des autres membres fondateurs étaient concertés bien en amont.
La Direction transitoire n’est pas visée par les derniers rescapés, car « elle devait faire face à l’incroyable pression de la ville », ajoute un membre de l’équipe pédagogique. Pour autant, la réalité s’impose, fin de l’aventure pédagogique de l’ESAD le vendredi 27 Juin 2025, le 18 juillet marque la fin de l’activité administrative, la fin des contrats le 31 août 2025 de tous les enseignants et personnels administratifs (14 enseignants, 7 techniciens et 2 administratifs), et la fermeture du site le 31 décembre 2025. Le bâtiment sera certainement vendu par Valenciennes Métropole, propriétaire, d’ici là !
Comparaison n’est pas raison, mais éclairant !
Evidemment, la chasse aux charges de fonctionnement est ouverte et la suppression de certains services à la population constitue une ligne de conduite pour de multiples édiles, pour ne pas dire tous les maires. L’ESAD fait donc partie de ce chemin au long cours initié par le maire de Valenciennes. C’est un choix politique culturel pour la ville de Valenciennes.
Toutefois, le maire répète à l’envie depuis plusieurs années que « Valenciennes est une ville pauvre » à tous les édiles qu’ils croisent sur sa route protocolaire. Si vous additionnez le coût des stars à Valenciennes du 14 juillet venus depuis 2022, 2023, 2024, et 2025, sans remettre en question la qualité de ces derniers, vous arrivez tranquillement dans une fourchette entre 800 000 € et 1 000 000 € sans compter tous les frais de logistique à ces concerts, voire le feu d’artifice. Cette comparaison n’est pas populiste, mais dire que la commune est pauvre, visiblement pas pour tout le monde… ! « Du pain (en béton) et des jeux », ça a marché et cela peut marcher encore… !
Daniel Carlier