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Jean-Paul Bailly « quand on est prêt, il ne faut pas reculer ! »

Pour cette 5ème édition de la manifestation Synapse Grand Hainaut, un grand témoin a livré sa vision expérimentée du management dans l’entreprise, incontestablement un outil de transformation. Il s’agissait de Jean-Paul Bailly, ex PDG au sein de la RATP de 1994 à 2002, et Président du Groupe La Poste et du Conseil de surveillance de la Banque Postale de 2002 à 2013.

Jean-Paul Bailly : « Le temps peut être un formidable allié ou un redoutable ennemi »

Les partenaires de cette 5ème édition du Synapse

Le thème de la soirée était « Le Management du changement et de la transformation ». Pléthore de livres furent déjà publiés sur le sujet, c’est pourquoi Bruno Fontaine et son équipe de la CCI Grand Hainaut ont choisi le témoignage d’un décideur, d’un acteur de changement concret. En l’occurrence, Jean-Paul Bailly respire cet esprit managérial que ce soit à travers sa longue carrière à la RATP « où j’ai exercé tous les métiers avant d’être PDG », mais également au sein du Groupe La Poste qu’il a fait passer du statut public au privé, une gageure quand on y pense !

« La transformation, c’est possible ! », Jean-Paul Bailly

En propos liminaire, l’ex PDG de la RATP repose le contexte. « Cette entreprise était d’une incroyable conflictualité. Il y avait un préavis de grève par jour. Ceci constituait le coeur de l’enjeu, c’était un frein pour la transformation de l’entreprise », explique-t-il.

Plus en amont dans sa carrière, Jean-Paul Bailly évoque l’expérience qui l’a façonné. « J’avais 40 ans et je venais de prendre la direction d’un service de 1 000 personnes à la RATP en charge de la rénovation complète des bus de la RATP. En effet, à l’époque, les bus avaient une durée de vie de 25 ans. A la moitié de leur existence, ces derniers étaient reconstruits intégralement par ces équipes sauf que la modernité des véhicules faisant, il était plus intéressant d’acheter des véhicules neufs tous les dix ans », explique-t-il.

Donc, cette équipe n’avait plus rien à faire. Seulement 200 personnes, sur 1 000, étaient mobilisées. « Quand je suis allé à la rencontre du personnel le 1er jour, je fus accueilli avec des boulons, des salariés partaient à midi, d’innombrables bars clandestins existaient, des barbecues étaient organisés dans l’entreprise. Incroyable ! Pourtant, j’ai réussi à réinvestir les salariés dans un nouveau projet, celui de réparer des bus d’autres entreprises contactées à cet effet. Ce fut une co-construction réussie avec les syndicats. La transformation, c’est possible ! », ajoute-t-il.

C’est dans cet esprit collaboratif que Jean-Paul Bailly a abordé le climat social à sa prise de fonction de PDG à la RATP. « J’ai rapidement mis en place une alarme sociale où dès qu’un problème apparaissait une cellule s’organisait entre les syndicats et la direction. De fait, les syndicats avaient un devoir d’alerte et nous d’y répondre. Nous avons rétabli un haut niveau de dialogue. Cette alarme sociale a diminué drastiquement les conflits au sein de la RATP », explique-t-il.

Ensuite, il donne sa vision du management social. « Souvent, on croit que l’on dialogue, mais en fait on essaye de convaincre l’autre. Alors qu’il est préférable de co-construire une solution ! », poursuit-il.

« Chaque entreprise a son contrat invisible », Jean-Paul Bailly

Cet homme d’expérience met en exergue le fait que chaque grande entreprise a sa particularité. « Chaque entreprise a son contrat invisible. En l’occurrence à la RATP, ce sont les retraites », indique Jean-Paul Bailly. De la même manière, il contre balance son propos plus tard dans son discours : « A un moment donné, le chef d’entreprise doit décider seul ».

« Remettre le client au 1er rang », Jean-Paul Bailly

Durant son aventure managériale, sa présidence à la RATP fut marquée également par une révolution des comportements. « Tout d’abord, les responsables de nos sites locaux avaient des rapports exécrables avec les collectivités locales », présente-t-il. Ensuite, pour faire face à une réduction massive du courrier papier, 5% à 7% par an, un plan de fermeture des établissements postaux en zone rurale était sur la table.  » A ma 1ère apparition au Congrès des Maires, l’accueil fut très difficile. J’ai donc changé la règle du jeu, car il y avait eu 4 échecs sur ce dossier précédemment. Pour fermer un établissement postal dans un village, il était obligatoire que le Conseil municipal vote le projet « , indique-t-il. Très malin et clairvoyant, et d’ailleurs « cela a tout changé. On est passé de 17 000 à 10 000 bureaux de poste. Aujourd’hui, vous n’avez quasi plus de bureaux postes en ruralité, mais 2/3 du service de La Poste dans les mairies et 1/3 dans des commerces multi-services. De plus, nous avions alloué au Conseil général un fonds dédié pour les travaux sur les différents sites postaux. Pour nous, le coût était identique, mais le choix des travaux revenait ici et là aux Conseillers généraux », précise-t-il.

Ensuite, Jean-Paul Bailly a lancé la Banque Postale pour compenser la baisse abyssale du chiffre d’affaire chaque année. « C’est devenu un levier de croissance. D’ailleurs, il y a d’autres axes de croissance comme le colis. Aujourd’hui, La Poste est le leader européen, elle surfe sur le boom du colis », commente l’ex PDG du Groupe La Poste.

Bien sûr, le morceau de choix fut le passage du public au privé. « Il faut bien gérer le temps. Le temps peut être un formidable allié ou un redoutable ennemi. Pour y arriver, nous avons réalisé trois ans de co-consctruction. Il faut le bon rythme. D’ailleurs, c’est plus difficile quand elle est imposée de l’extérieur. Une réforme de l’intérieur doit être acceptable et supportable. Le salarié, comme tout le monde, est contre le changement qu’il ne comprend pas ».

A ce titre, il cite en exemple la mise en place de la ligne 14 du métro automatique à la RATP. « Le temps a joué avec moi. J’ai anticipé avec la nomination du directeur de la ligne trois avant et réalisé la mise en fonction de cette ligne sans conducteur et sans grève. Deux ans de négociation, un an de mise en service, les accord signés avant 2012 n’ont pas été démentis par le gouvernement de gauche », ajoute-t-il.

Ma philosophie dans le domaine du leadership s’exprime dans les 3 « S » Sens, Soutien, et Suivi. « Elle n’a pas immédiatement imprimé au sein de la RATP, mais à La Poste, ce concept fut adopté de suite », conclut-il.

Daniel Carlier

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