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Loin de son tribunal, loin de la justice !

Après une Assemblée générale ce jeudi 15 février assortie d’une manifestation, le Barreau de Valenciennes a organisé une réunion publique, hier soir, pour clamer haut et fort son opposition à la réforme sur la justice actuellement dans les rouages de l’Etat.

Martine Trussant, bâtonnier : « Il n’est pas possible que le TGI de Valenciennes devienne un tribunal fantôme ! »

A cette heure, ce n’est qu’un rapport réalisé par deux anciens députés (Raimbourg et Houillon). Le gouvernement utilise-t-il la technique de la bouée afin de sonder l’opinion ? Quoi qu’il en soit, le contenu dans le détail inquiète tous les professionnels du Droit. « Le mouvement national a été très suivi comme sur le Barreau de Valenciennes avec des avocats, mais également des magistrats », entame le bâtonnier de Valenciennes.

Vers une métropolisation de la justice

Sur les choix de fond, la finalité irait plutôt dans le bon sens ; plus de clarté dans l’organisation judiciaire, plus de proximité avec le justiciable, plus de magistrats spécialisés, un renforcement du partenariat avec les professionnels de la justice… ! « En théorie, nous approuvons ces objectifs sauf que si nous rentrons dans le détail, les compétences sont modifiées », explique Maître Delplanque. En effet, une justice plus performante, plus rapide, tout le monde acquiesce, applaudit des deux mains…, mais c’est la méthode qui fait débat !

La ligne directrice est assez simple « on veut mettre en place un Méga-Tribunal sur la Métropole selon l’axiome, plus c’est gros, plus cela fonctionne, moins cela coûte », déclare Maître Trussant. Ce rapport précurseur d’un projet de loi sent le bon Bercy bien dosé avec une sauce idéologique pour faire passer le goût !

Le plus simple est d’exposer le nouvel organigramme potentiel de la justice. Aujourd’hui, vous avez une 1ère instance traitant le pénal, les affaires commerciales, le social…, et une deuxième instance, la Cour d’Appel à Douai. Demain, ce rapport propose potentiellement sur Valenciennes un tribunal de proximité, au dessus un tribunal judiciaire, au dessus un tribunal judiciaire départemental, au dessus une Cour d’Appel territoriale, et enfin une Cour d’Appel de région. « Nous passons de deux niveaux de justice à 5 niveaux. C’est un sac de noeuds judiciaires. Après le désert médical, ce sera le désert judiciaire », précise la représentante de l’Union des Jeunes avocats.

Au niveau de cette dichotomie dans les affaires traitées dans un tribunal de proximité et les autres, la répartition se réalise entre les affaires simples et les complexes. Ces dernières partiraient dans un tribunal judiciaire unique par département. Toutefois, la Garde des Sceaux a précisé qu’un territoire comme le Valenciennois, avec sa densité de population, serait une exception. « Il n’est pas possible que le TGI de Valenciennes devienne un tribunal fantôme. Le TGI sera préservé », précise le bâtonnier. Toutefois, il ne faut pas être grand clerc pour deviner que le TGI de Cambrai et d’Avesnes pourraient se transformer en Tribunal de Proximité.

Hervé Delplanque : « L’accès a un juge n’est pas un luxe »

Seules les audiences avec un juge unique, les plaidés coupables, les procédures civiles à hauteur de 10 000 € seront traitées dans un tribunal de proximité… Plus fort, aujourd’hui, la Cour d’Appel se situe à Douai. Demain, le pôle social pourrait se retrouver sur Amiens… ! « Beaucoup de justiciables vont abandonner l’idée d’une procédure. Vous éloignez le citoyen de la justice », précise Maître Delplanque. Comment un rapport peut-il à ce point évincer la problématique de la mobilité du citoyen. « Une femme battue a déjà du mal à aller au bout d’une procédure sur Valenciennes. Maintenant, si elle doit aller sur Lille, elle abandonnera », souligne Michelle Greaume, la sénatrice présente comme Béatrice Descamps, la député de la 21ème. Bien sûr, ce transfert des dossiers complexes envoie votre avocat plaider ailleurs. « Qui va rembourser les frais de déplacement ? L’aide juridictionnelle ne le fera pas ! », souligne un autre avocat. La mobilité constitue sans aucun doute un frein majeur, une distance entre le citoyen et la justice !

« C’est une façon de dissuader le justiciable de faire une procédure à travers son éloignement de la justice », souligne un avocat présent. De cette manière, cette réforme « serait compatible avec la chose judiciaire sur son volet économique », ajoute le bâtonnier. On peut jauger cet embryon de réforme, mais il est indéniable que cette mise en musique de l’éloignement géographique du justiciable est guidée par la pensée économique. La proximité avec le justiciable, c’est du solfège pour la galerie ! « L’accès a un juge n’est pas un luxe », conclut Maître Delplanque.

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Daniel Carlier

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