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La Fondation Abbé Pierre en urgence sociale !

Depuis 1992, la Boutique Solidarité de la Fondation Abbé Pierre est installée sur Valenciennes suite aux premiers cataclysmes industriels, fermeture de la mine de charbon et de la métallurgie. A Valenciennes, elle est au coeur de la précarité, une bouée, un refuge pour certains, voire un espoir de rebond pour d’autres. En pleine loi-Immigration, cette institution sociale est aussi un acteur incontournable, celui de la lutte contre la précarité sans frontière (Visuel plaque à l’entrée du site de Valenciennes-Bd Froissart).

(Visuel Torki, un accueilli, et Dilara, une stagiaire)

Un site rare de la Fondation Abbé Pierre à Valenciennes

Il y a tellement à dire sur certains sujets de fond qu’il est difficile de trouver une entame. On se raccroche au commentaire de conclusion d’une salarié de la Fondation Abbé Pierre, Linda Flecq, présente depuis 1991 au sein de la Fondation Abbé Pierre à Valenciennes.

Elle résume sans concession l’évolution des personnes accueillies avec son regard de terrain acéré : « En 1991, je rencontrais des personnes qui rêvaient d’avoir un CDI, dans les années 2000, je rencontrais des gens qui rêvaient d’avoir un contrat précaire, en 2018, je rencontre des accueillis de moins de 25 ans qui rêvent du RSA, et pour les plus de 25 ans, ils ne rêvent plus du tout ! ».

Sur Valenciennes, cette implantation a une histoire très liée aux déboires économiques du territoire. Aujourd’hui, après un déménagement très opportun, elle est située Boulevard Froissart à Valenciennes. « Il y a 30 Boutiques Solidarité en France, mais seulement 4 sites gérés directement par la Fondation Abbé Pierre », explique Fissal Anseur, le responsable Boutique Solidarité à Valenciennes.

Reconnue d’Utilité publique en 1992, la Fondation Abbé Pierre investit deux champs sociaux.  Le Mal-Logement dont son expertise est reconnue au niveau national, mais également l’action à travers un réseau de pensions de famille (une quarantaine en France) ; ensuite l’accueil de jour à l’instar du site Boutique Solidarité à Valenciennes. « Valenciennes, Marseille et Saint-Denis de la Réunion furent les 3 premières gérées par nos soins au début des années 90, puis Metz il y a une dizaine d’années. Il est nécessaire pour la Fondation Abbé Pierre d’avoir une analyse propre du terrain jusqu’à la politique publique du logement», commente Frédérique Mozer, de la direction de l’animation territoriale à Paris. Pour le reste des structures associatives, elles sont soutenues financièrement par la Fondation Abbé Pierre, mais demeurent juridiquement indépendantes.

Accueil inconditionnel

Cuisine de la Boutique Solidarité

La mission de ce site Boutique Solidarité est sans ambiguïté : «  Une personne peut venir boire un café, prendre une collation, bénéficier d’une douche, voire laver son linge sans donner son nom, on ne demande rien. C’est un accueil inconditionnel de jour dans un climat convivial ! », explique Linda Flecq.

Ensuite, si la personne le souhaite « nous proposons un service d’élection de domicile à un accueilli. Ainsi, elle peut obtenir une adresse postale qui est absolument indispensable pour remplir un document quel qu’il soit », ajoute-t-elle. Ensuite, le corollaire est la constitution d’un dossier administratif « si l’intéressé veut revenir dans un circuit social », poursuit-elle.

Le public plus masculin dans les années 90 se transforme. « Il est plus jeune, plus féminisé, plus isolé. Au niveau des familles, ce sont plutôt des demandeurs d’asile. Perte d’emplois, rupture de couple ou confit familial, perte de logement…, les causes sont multiples. Nous accueillons environ 80 à 100 personnes chaque jour même si nous avons un noyau dur venant chercher chaque jour un lien social », souligne Linda Flecq. Néanmoins, on peut aisément affirmer que la perte de l’emploi est le détonateur qui peut, parfois, vous propulser dans la rue en quelques mois… !

La configuration sociale du Valenciennois et son taux chômage endémique (15,2% actuellement, mais plus de 30 % sur certaines communes) installe des familles dans un univers sans emploi intergénérationnel. « Certains jeunes n’ont jamais vu leurs parents, voire leurs grands-parents, travailler. Il y a une perte de la valeur travail. Nous rencontrons également des personnes avec des problématiques psychologiques », ajoute Linda Flecq.

Jeunes en errance

Une problématique plus récente s’imprime peu à peu dans le décor territorial. En effet, les jeunes en errance, la tranche de 18 à 25 ans est visible, elle n’est plus dans le périmètre de la protection de l’enfance, pas encore dans le circuit social classique, se retrouve de facto exclu du champ social. Des associations comme Prim’Toit ont initié une action pour identifier les jeunes en errance. « Ce public jeune isolé arrive chez nous », insiste  Linda Flecq.

Dans la boucle du 115

Cour intérieure de la Boutique Solidarité

Incontestablement, la Boutique Solidarité de la Fondation Abbé Pierre est un membre actif du réseau de l’urgence sociale, il n’est pas hors sol, hors circuit sociaux. « Le SIAO 59 secteur sud, le 115, a parfaitement intégré des acteurs de l’urgence sociale comme l’AJAR, le restaurant social Midi-Partage, et la Boutique Solidarité. Nous faisons partie intégrante de la boucle du 115 », précise Linda Flecq.

Mis en avant durant la conférence à l’ENTE, le 13 février dernier, le taux d’échec du 115, c’est à dire d’un hébergement d’urgence non pourvu «  est de 87 % dans le nord » https://www.va-infos.fr/2018/02/18/mal-logement-syndrome-de-societe/. Ce résultat explique également cette arrivée plus importante de jeunes en rupture, lassés de se raccorder au dispositif officiel, sans solution de logement !

Le financement

Bien évidemment, la principale ressource financière réside dans les dons des citoyens. Ensuite, l’Etat participe un peu au fonctionnement comme sur le site de la Boutique Solidarité de Valenciennes. « Néanmoins, il y a eu une restriction budgétaire et nous n’avons pas été intégré à la veille saisonnière, extension des horaires etc, aucun budget n’a été débloqué pour la veille hivernale. De même, la subvention du Conseil départemental a considérablement baissé en 2017, nous verrons en 2018 », indique Fissal Anseur.

Pour Frédérique Mozer, la main est tendue vers les acteurs institutionnels de la solidarité : « L’Etat est revenu dans le tour de table depuis quelques années, c’est déjà cela, car ce ne fut pas toujours le cas ! Nous devons restaurer, revisiter notre collaboration. Avec nos 9 agences régionales de la Fondation Abbé Pierre, plus notre équipe au niveau national, et notre réseau de terrain, c’est la bonne triangulation vers les collectivités nationales et locales ».

« Entendu… toujours un peu, jamais assez ! », Frédérique Mozer

La voix de cette Fondation emblématique est importante sur la thématique du Mal-Logement. Son rapport est attendu puisqu’il effectue un travail que d’autres ne font pas. « Nous recoupons les données interministérielles, ce que les services de l’Etat n’ont pas le temps de faire. C’est notre 23ème rapport et nous préconisons une liste d’actions », précise Frédérique Mozer.

L’actualité du moment de l’exécutif s’inscrit dans le programme « Le logement d’abord ». C’est indéniablement une avancée « se basant sur certaines de nos préconisations, mais ce n’est pas suffisant. Nous prônons dans notre rapport le «  sans domicile zéro ». Sur l’impact de ce lobbying sur l’action politique, Frédérique Mozer est mitigée… « entendu, toujours un peu, jamais assez !! », lâche-t-elle !

Si nous prenons du recul sur ce territoire, le climat ambiant est le positivisme pour certains, la mise en avant de ce qui fonctionne, l’esprit d’entreprise, une dynamique de réduction du chômage, des projets structurants publics ou privés etc.. C’est le discours assené par quelques politiques locaux, recevable dans un esprit constructif, pour aller de l’avant à la condition sine qua non que personne n’oublie ceux en bas de la rivière. Facile de fustiger les râleurs permanents quant on oublie en même temps les exclus du champ social. Non, le développement du Valenciennois ne se résume pas avec un ou plusieurs projets structurants, Grand Hôtel du Hainaut, Passage de l’Arsenal… Face à l’adage de la réduction de la dette publique, il n’y a qu’un argent public !  On peut opposer cette réponse, il n’y a qu’une solidarité sociale pour tous ensemble vers le haut ! 

Infos pratiques :

L’accueil de jour de la Boutique Solidarité, au 16 Boulevard Froissart à Valenciennes, est tous les matins du lundi au vendredi de 8H15 à 11H45,, mais également le lundi après-midi de 13H30 à 16H30. « Les après-midis sont plutôt réservés pour les actions, animations, voire rendez-vous individuels », précise Linda Flecq.

Plus d’infos sur www.fondation-abbe-pierre.fr

Daniel Carlier

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