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Un débat très riche sur l’insertion chez ADELI

Format atypique dans l’organisation de cette kyrielle de Grands débats au niveau local, l’association ADELI regroupant des structures d’insertion par l’emploi et/ou par le logement ont pris l’initiative d’organiser un débat interne entre les premiers concernés sur l’insertion. Le résultat fut pour le moins très éclairant, voire surprenant, avec un ressenti du terrain très piquant parfois !

L’insertion par l’image de soi-même

Patrick Roussiès, président de l’association ADELI, regroupant les structures d’insertion par l’emploi, Ageval et Adaci, et par le logement Prim’Toit et Cap-Ils, a expliqué ce choix d’un débat interne. « J’ai assisté aux manifestations organisées par la ville de Valenciennes dans le cadre du Grand débat national. L’objet est de donner la parole aux invisibles, ceux qui ne l’ont jamais. C’est pourquoi, j’ai souhaité un débat interne sur la thématique de l’insertion. Je reconnais qu’il n’est pas facile de s’exprimer devant tout le monde au sein d’une mairie. Ici, on est entre nous, parlez-nous de vos besoins ! ».

Antoine Lopez

Pour mener cette mission difficile d’une animation neutre entre les participants durant deux heures, Antoine Lopez, référent sur ce territoire au sein de la Fondation de France, a été choisi par l’association ADELI. Une cinquantaine de volontaires étaient présents, personnes en parcours d’insertion, voire quelques encadrants, afin d’exprimer leur vision de l’insertion au quotidien.

La réussite d’un parcours d’insertion, vaste interrogation ?

Comme à chaque fois, la première intervention fut longue à venir. La réussite… « c’est le retour au travail », lance un salarié en insertion chez AGEVAL. « Atteindre ses objectifs, se satisfaire soi-même, les attentes des accompagnants sont parfois très différentes de nos objectifs personnels », lance un autre intervenant.

Bien sûr, le Graal est de sortir de ces structures d’insertion, et surtout de ne pas retourner en arrière. Une personne de l’encadrement de chez AGEVAL déclare : « Parfois, un logement, un travail, c’est trop rapide, cela ne va pas aider la personne ». Le parcours d’insertion doit correspondre à un rebond désiré, et cela peut-être le souhait « d’une 2ème chance. On a le droit à l’erreur, de ne pas être mis dans une case ».

La « Garantie Jeunes », une fausse bonne idée ?

Ensuite, de nombreuses interventions se sont porté sur la fameuse « Garantie Jeunes ». Assez surprenant, c’est un festival de reproche à l’endroit de ce dispositif, voté en décembre 2016, pour les  jeunes de 16 à moins de 26 ans, en situation de précarité qui ne sont ni en emploi, ni en formation, ni en étude (NEET).

« La Garantie Jeunes est un moyen de s’enfoncer plus, toucher de l’argent à rien faire »… « six semaines pour rédiger trois CV et gagner 450 € »… « toucher de l’argent pour se lever le matin »… « j’ai expliqué cela à ma Grand-Mère, elle n’a pas compris pourquoi je touchais de l’argent »… ! Des encadrants trouvent tout de même quelques avantages à la « Garantie Jeunes » comme « une occasion de se remettre dans le rythme »… « certains ont besoin de cette somme d’argent »… « le coté positif est qu’elle s’adresse à des jeunes sans aucune qualification, elle peut permettre de découvrir des métiers » !

Cet échange assez piquant vis à vis d’un dispositif d’Etat est résumé parfaitement par Antoine Lopez… « l’argent ne fait pas tout ! ».

Pôle emploi et Cap emploi sont visés également dans cette réflexion sans tabous. « Il faut que Pôle Emploi propose des offres d’emploi, pas des alternatives factices », tance un jeune de chez AGEVAL. En fait, le reproche comme un fil rouge est la multiplication des protocoles « très éloignés des réalités du terrain ». Le handicap est aussi un facteur aggravant dans la recherche d’un emploi, les chiffres parlent d’eux-mêmes, le taux de chômage est quasi le double chez les personnes en situation de handicap.

Une encadrante met en avant la vertu du service civique, devenu universel sous François Hollande : « Grâce à l’association Unis-Cités, j’ai fait mon service civique avec un suivi très poussé relatif à mon projet de concours dans l’accompagnement social, j’ai réussi et trouvé un travail dans le domaine. Nous étions huit jeunes dans mon groupe avec 7 sortie positives ».

Retrouver l’estime de soi !

Plusieurs volontaires présents ont mis en exergue un ressentiment fort. « Chaque semaine sur les chantiers, des passants nous traitent de fainéants », entame un membre de l’AGEVAL. Ensuite, un autre insiste sur la vision extérieure de leur parcours d’insertion : « Pour certains, être au sein de l’AGEVAL (ou ADACI) est déjà un échec, l’image est très négative. Il faut que les chefs d’entreprise nous voient travailler ».

Malgré ce constat, une autre voix s’élève « nous avons un savoir-faire ; il faut que les chefs d’entreprise viennent nous voir ». L’image de soi participe activement à la reconstruction, à un parcours d’insertion réussi le propulsant vers un travail plus pérenne.

Paradoxalement, la réduction drastique des contrats aidés dans les collectivités locales poussent ces dernières à contracter plus avec des structures comme AGEVAL ou ADACI, non impactées par la baisse des contrats aidés.

Un problème mon capitaine !

Oui, la problématique de l’employabilité est également venue enrichir ces réflexions. « A cause de mon âge, je suis de suite mise sur le coté, cela constitue un véritable obstacle », souligne une personne en insertion.

Autre blocage majeur apparu dans ce temps d’échange.. « l’absence de maitrise de l’informatique, c’est très violent ! ». Pas apparu dans cet échange, mais cette fracture numérique n’est pas seulement celle d’une catégorie d’âge, mais plutôt sociale, voire même d’une appétence pour les réseaux sociaux tout en étant incapable de remplir un document administratif en ligne.

Un toit, le début de tout… !

Presque comme une évidence, le logement est arrivé dans les échanges. Un travailleur chez AGEVAL évoque son temps passé à dormir dans sa voiture. Un autre dans sa quarantaine indique « je vis dans un foyer depuis plus de dix ans ». L’absence de logement constitue le premier facteur d’exclusion sociale. C’est un défi immense pour tous les gouvernants, un devoir sociétal pour un pays dit développé.

L’accès à un logement (décent) est le début de tout où son absence, une lente descente vers l’exclusion sociale.

Autre sujet corollaire, la mobilité demeure un thème fort dans la vie sociale. La gratuité des transports publics devient de plus en plus incontournable sur tous les territoires. A noter que le Valenciennois sera gratuit pour les moins de 25 ans dès le 01 septembre 2019, et pas loin de chez nous, la communauté urbaine du Dunkerquois a mis en place la gratuité totale du transport public depuis le 01 septembre 2018. Cerise sur le gâteau, ce transport public roule avec un parc de bus à l’hythane (20% méthane, 80% gaz).

Toujours sur la mobilité, l’accès au permis constitue un enjeu crucial, voire fondamental pour accéder à l’emploi.

En conclusion

Tout est à prendre en compte, car toutes ces réflexions participent au développement personnel tant désiré. Un dénominateur commun est le manque de considération de l’être humain, l’un pour l’autre, l’un envers l’autre… ! « Les réponses ne sont pas adaptées. Il faut faire des lois avec les gens sur le terrain », conclut un salarié chez AGEVAL.

Cette réunion de plus de deux heures fut remarquablement pilotée par Antoine Lopez laissant le soin de la hiérarchie de leurs besoins. Il résume l’état de l’art en 2019 « l’individu est de plus en plus individualiste, d’où la peur de l’avenir et un repli sur soi ».

Pour sa part, Patrick Roussiès met en lumière quelques convictions. « L’Etat providence, c’est fini ! il faut aussi s’aider soi-même ». Quelque part, si vous écoutez toutes les remontées de terrain du Grand débat national, c’est aussi le procès de l’Etat providence. Ensuite, il poursuit : « Il faut arrêter d’opposer les gens, les catégories entre elles. Je ne crois pas dans la responsabilité collective ».

Pour finir ce propos sur une note optimiste, beaucoup de volontaires présents affichaient ostensiblement une volonté « de s’en sortir ». Ce que nous pouvons tous faire est de donner foi à cette motivation, première pierre d’un édifice humain à reconstruire.

Daniel Carlier

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