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La restauration collective face au défi écologique

Le développement durable est pourvu de multiples facettes, la lutte contre le réchauffement climatique, la préservation d’une biodiversité riche, mais tout autant la régulation d’une alimentation de qualité et respectueuse de l’environnement, un challenge titanesque pour tous les établissements dotés d’une restauration collective (Patrice Ravenau, responsable du projet « Mon Restau Responsable » pour la Fondation Nicolas Hulot devant le tableau de bord des pratiques du CHV pour sa restauration collective).

(Remise du visuel Mon Restau Responsable aux responsables du CHV, Yves Besnier au centre, Yves Coustenoble à gauche et Patrice Ravenau, responsable du projet « Mon Restau Responsable » pour la Fondation Nicolas Hulot à droite)

L’Hôpital Jean Bernard est le 1er Centre Hospitalier public à s’engager dans la démarche « Mon Restau Responsable ».

La démarche  « Mon Restau Responsable » est une coproduction entre l’association restauco (https://restauco.fr) et la Fondation Nicolas Hulot (http://www.fondation-nature-homme.org). Sur la base du volontariat, elle vise à inciter les établissements avec une restauration collective à s’engager sur plusieurs items comme : le Bien-Etre, l’assiette responsable, l’Eco-gestes, et l’engagement social et territorial.

Cette initiative lancée en juin 2016, avec mécaniquement une délai de latence avec les collectivités locales, construit son réseau sans faire de bruit. « Nous avons à ce jour environ 140 établissements engagés dans cette démarche sur près de 600 sites différents », précise Patrice Ravenau, responsable du projet « Mon Restau Responsable » pour la Fondation Nicolas Hulot.« Aujourd’hui, c’est une date importante pour cette démarche car le CHV est le 1er Centre hospitalier à s’engager dans ce projet », ajoute le responsable.

Pas de faux-semblant, le CHV constitue un apport de crédibilité indéniable à cette démarche vertueuse «  Mon Restau Responsable », car c’est un poids lourd dans la fabrication alimentaire nécessaire à fournir un self service, la cuisine centrale, 16 offices relais afin d’alimenter l’ensemble du CHV, 5 EPHAD, et un établissement psychiatrique. La pesée est effectivement impressionnante, car depuis 2004 le CHV a sa cuisine intégrée, tout est produit sur place (ou presque) comme nous le verrons ci-après.« Cela représente 1,6 millions de repas fabriqués annuellement au sein du service « restauration » du CHV. Nous avons environ 6 500 repas sur 4 jours de production pour une distribution 7J/7, soit 4 000 à 4 500 distribués par jour », commente Yves Coustenoble, chef du service restauration depuis deux an et demi au CHV. Voilà les données soulignant le challenge de cet établissement de santé à travers son engagement dans la démarche « Mon Restau Responsable ».

« Economiser la planète », Rodolphe Bourret

En propos liminaire à cette manifestation, le Directeur général du CHV rappelle l’engagement du CHV dans le développement durable. « Il faut économiser la planète », souligne Rodolphe Bourret, allusion directe au rapport accablant des experts sur une biodiversité planétaire en danger. De plus, cette initiative Mon Restau Responsable  » devrait se déployer au sein du GHT (Groupement Hospitalier de Territoire) du Hainaut regroupant 12 établissements publics de santé dont le CHV, site de référence « , ajoute-t-il.

Yves Coustenoble, chef du service restauration au CHV

Un public était convié à cet engagement solennel. Tout naturellement, il fallait commencer par la visite de cette cuisine centrale où « 95% des repas sont fabriqués ici, même tous nos sandwichs. Nous travaillons avec une boulangerie de Rosult pour la livraison d’un pain artisanal au CHV », précise Yves Coustenoble. « C’est le lieu où nous pouvons voir les pratiques existantes dans l’établissement, grâce au matériel à disposition, voire la zone d’arrivée des marchandises, parfois très révélatrice sur les produits utilisés », souligne Patrice Ravenau.

Le matériel est à la dimension du nombre de repas fabriqués par jour, cuiseur, four, chambre froide, conditionneur en barquette (15 000 barquettes jour), 1ère zone de stockage, robot trieur pour la préparation des plateaux, zone d’attente en chambre froide, rien n’est laissé au hasard par une équipe de 93 personnes ETP (Equivalent Temps Plein) dédiée au service « Restauration ». La zone d’arrivée des produits est intéressante. Techniquement, c’est une zone souillée, contrairement au reste de la cuisine centrale où vous êtes dans une zone propre avec l’équipement à la clé (blouse, chausson, protection capillaire). « L’immense majorité de nos produits sont déjà transformés une fois, nous travaillons des produits déjà taillés etc. Nous réceptionnons très rarement des produits terreux (donc pas de léguemerie sur place). Au niveau de nos fournisseurs, nous commandons deux semaines en amont, et tous nos repas sont préparés ici à J-1 », précise Yves Coustenoble.

L’engagement du CHV

Cette démarche active «  Mon Restau Responsable » s’inscrit à travers un « auto-contrôle tous les deux ans. Chaque établissement engagé va ainsi mesurer ses avancées et les nouveaux axes de progrès pour les deux années à venir. C’est une démarche de confiance », précise Patrice Ravenau. Après une inscription en ligne sur www.restauration-collective-responsable.org/outil-autoevaluation/mode-demploi, un technicien passe afin d’évaluer votre structure et votre engagement dans l’amélioration de vos procédures dans la gestion d’une restauration collective.

A la première lecture du tableau de bord de l’état de l’art du CHV, le diagnostic rapide est « un potentiel de progrès important sur le volet Agriculture de proximité », commente la responsable chez la Fondation Nicolas Hulot.

Sur le Bien-Etre :

  • Changement des éclairages dans le self service avec des lampes Led.
  • Réaménagement de l’espace de restauration dans l’établissement Jean Stablinski, spécialisé dans les Soins de Suite, car « ce sont des patients souvent présents pour des durées moyennes et longues. Le fait de manger ailleurs que sur un plateau dans son lit est important », précise Yves Besnier, responsable du département clientèle pôle logistique au CHV.
  • Ensuite, une initiative vers la présentation des repas sur chariot « avec la possibilité de choisir entre plusieurs entrées, plats, desserts, un peu comme dans un restaurant », ajoute Yves Besnier.

Sur l’assiette responsable :

  • Passer à 20% de produits issus de l’agriculture biologique comme la loi alimentation, à l’initiative de Nicolas Hulot, l’impose. Assurément, cela va constituer un immense défi pour toutes les structures indépendamment de cette initiative « Mon Restau Responsable ». Le problème numéro un est le manque d’offre de produits bio sur le marché. « Il y a deux explications à cette rareté. Tout d’abord, les supermarchés font une marge très importante sur les produits Bio, considérant que les acheteurs de ce type de produits ont plus de pouvoir d’achat. Ensuite, produire du Bio est plus cher, il faut ramener une population dans les campagnes. Une structure importante comme le CHV a vocation à créer une filière Bio. Il faut structurer les professionnels BIO, vous pouvez participer à la reconversion de certains agriculteurs, voire la création, d’une production BIO de proximité », indique Patrice Ravenau.
  • Augmenter la part de légumes et de fruits locaux. Pas une mince affaire, car à cette heure « nous sommes liés par un marché public jusqu’en 2020/2021. Nous travaillons en ce moment le prochain appel d’offres avec cet objectif d’achat de proximité », précise Yves Coustenoble. A cet effet, l’idée de travailler avec une légumerie en externe fait son chemin selon Yves Besnier
  • 100% de produits surgelés, c’est à dire préparés au CHV et mis en zone de froid avant le service aux patients.

Sur les Eco-Gestes :

  • La limitation des bio-déchets au sein du CHV de 21% actuellement à 15% dans deux ans, la limitation du gaspillage alimentaire constitue pour toutes les structures concernées une priorité absolue, limiter le poids du déchet sur un plateau. « L’objectif raisonnable en terme de limitation de déchet est de 40gr à 50 gr dans un établissement scolaire », commente Patrice Ravenau. Pour une structure globale d’un Centre hospitalier, les patients « ont parfois leur propre régime alimentaire médicalement contraint. On s’adapte à eux et à leurs (bonnes) pratiques », poursuit Yves Coustenoble.
  • La fin du plastique à travers les barquettes. « Pour l’instant, nous n’avons pas le produit remplaçant la barquette plastique », souligne Yves Besnier. « Les fabricants ont la pression sur le sujet depuis la Loi Alimentation. Je suis confiant, nous connaissons déjà des produits en capacité de remplacer le plastique », précise Patrice Ravenau. Le défi sera donc la production à un niveau industriel de ces nouveaux supports recyclables.
  • Au sein de l’espace vente à emporter (buvette) ou salle de réunion, le CHV va imposer un support à usage unique biodégradable. « Au niveau d’un Centre hospitalier, cette (simple) démarche demande un effort énorme à tous les niveaux. Lorsque l’on bouge une donnée logistique, toutes les autres sont en mouvement également », précise Yves Besnier.

D’autres structures du Valenciennois s’engagent dans « Mon Restau Responsable » comme le Collège d’Epinay à Aulnoy-lez-Valenciennes. « Nous voulons une présence citoyenne dans l’assiette », commente un responsable du collège présent à cette manifestation.

Autre structure engagée, le lycée Pierre-Joseph Fontaine à Anzin, dont le proviseur précise « que nous visons la séduction des jeunes pour venir à la restauration scolaire ». Une autre personne met en exergue le challenge « face à des jeunes de 15 à 17 ans dont l’habitude est de manger du fast-food, c’est très compliqué. L’objectif est qu’ils mangent un vrai repas ».

Enfin, le CROUS Valenciennois regroupant deux sites sur le Mont Houy, un sur les Tertiales, et un site sur Cambrai. « Nous sommes très liés par les marchés publics, mais nous travaillons activement sur le gaspillage alimentaire », précise la directrice du CROUS sur le Valenciennois.

Toutes choses égales par ailleurs, il serait temps que le code des marchés publics, même revisité récemment, autorise un établissement public avec une restauration collective à s’approvisionner chez un agriculteur sur son territoire proche. En effet, il est parfois moins coûteux d’acheter, via un marché public national, à l’autre bout de la France que chez son voisin avec le même produit, l’ineptie écologique dans toute sa splendeur.

Quel est le problème si un établissement public achète 1,50 € un produit de la terre de qualité, près de chez lui, alors qu’un autre achète le même produit 2 € dans un autre territoire de France. On s’en moque complètement, mais la planète pas du tout ! Le souci de la linéarité de la commande publique est révolue, un territoire sera plus intéressant pour tel et tel produit, d’autres le seront suivant qu’ils soient en bord de mer, en montagne etc. ! Une nourriture pour tous soucieuse du développement durable passe par une écologie alimentaire de proximité, c’est ça le grand voyage d’une restauration collective de qualité et respectueuse de l’environnement.

Daniel Carlier

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