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Le « sans étiquette », le préservatif politique des candidat(e)s aux municipales !

La campagne municipale 2020 commence à livrer ses premiers enseignements dans le Valenciennois. Le premier paramètre véritablement tangible est une majorité significative de candidatures sans étiquette, le parti comme socle politique aurait-il une mauvaise image ?

La politique sans étiquette, la bonne recette ?

Les 34 500 (environ) collectivités locales françaises se préparent à une campagne politique assez singulière. Si dans un article précédent, j’avançais que cette élection pourrait être plus que jamais celle de l’intuitu personæ, celle d’un rapport à la personne, occultant un bilan voire un programme, comme seul moteur du bulletin de vote ; un autre paramètre vient corréler cet environnement électif tellement particulier. En effet, la tendance absolue dans le Valenciennois se dessine avec un stylo multi-couleur politique, la fameuse pointe indélébile sans étiquette.

Pourquoi ?

Si comme d’habitude, les élu(e)s sortants harcèlent leurs services, voire les entreprises, afin de sortir les projets dans le bon timing avant les élections municipales, un classique de bonne guerre ; il est pertinent de constater que plusieurs paramètres compliquent cette élection locale.

En effet, la presse nationale a déjà fait écho des nombreuses défections, renoncements, des édiles en fonction… dans le Valenciennois comme ailleurs. De multiples raisons s’emboitent l’une dans l’autre comme des legos, la gestion des réseaux sociaux pour une génération de maire est très complexe à appréhender, la contraction budgétaire, le transfert des compétences à l’intercommunalité chaque mandat plus palpable, et plus encore la fin d’une fonction où un simple bateleur n’a plus d’avenir en politique. Hier, un brasseur de foule pendant une campagne pouvait être un élu(e) de la République se reposant 100% sur ses services techniques, son DGS, et parfois des adjoints très compétents, même si généralement on ne laisse pas rentrer le loup dans la bergerie. Un maire du XXIème siècle n’est pas un édile du XXème siècle. Pour certains, c’est devenu leur métier, mettant entre parenthèse leur carrière ou activité. C’est une réalité sociale encore plus évidente dans les communes de plus de 3 000 habitants.

Recherche compétences désespérément…

L’autre paramètre tangible est plus pragmatique. Trouver 43 colistiers, 33, 19 etc. n’est pas chose aisée. De plus, vous avez pour ce scrutin 2020 l’obligation de faire figurer deux suppléants en plus compte tenu des multiples défections ici et là, il faut donc muscler les listes de prétendants.

Bien sûr, tout ceci s’accompagne d’une légitime parité, mais sous le manteau, les têtes de liste vous indiquent que cela relève de l’exploit par moment. C’est la dure réalité d’un monde politique phallocrate où la femme n’ose pas encore assez se plonger, surtout quand elle constate son rôle attribué au sein d’un Conseil municipal dont certains édiles sont experts en la matière.

Tout ceci complique la constitution d’une équipe de colistiers, mais plus encore la compétence et la proximité devenues indissociables. Il devient impératif de constituer une liste avec des membres compétents dans un domaine, proche de la population, voire d’un quartier, mais plus un résumé de personnes dans toutes les catégories sociales pour l’affichage, un postulat suranné ô combien.

Le parti politique au rebut…

Ces petites pierres expliquent la tendance de fond d’un rejet des partis politiques. Les candidat(e)s subodorent parfaitement cette atmosphère tel un parfum trop vaporisé. Le mouvement des gilets jaunes a confirmé, sur sa version revendicative, cette appétence pour une certaine virginité politique.

Bien sûr, les politiques aguerris contournent allègrement la chose avec un aplomb bluffant. Tous les candidat(e)s, même cartés dans un parti, se lancent dans une bataille politique sans étiquette où les électeurs sont considérés comme des followers bien disciplinés… ! D’ailleurs, certains candidat(e)s, voire élu(e)s de la majorité ou de l’opposition, résument leur discussion de terrain via un passage furtif le temps de faire une série de photos pour sa page de réseau social, le seul échange démocratique… avec modérateur, car pour le débat de visu, on peut attendre ! Le plus comique est que les politiques en question pensent que les spectateurs concernés ne parlent pas et ne commentent pas ce passage en quelques minutes en mode photos !

Tous les acteurs, actrices, politiques participent à cette nouvelle donne. Nous ne parlons pas ici des communes rurales où la proximité avec l’administré est à elle seule un engagement politique. Par contre, dans les communes de plus de 3 000 habitants, ce nouveau jeu politique est une réalité. Le plus impressionnant est que les candidats réclamant, hier encore, à cor et à cri une investiture officielle de leur parti politique pour les différencier de l’illégitime candidat dissident, refusent toute investiture, voire pire encore, ils mettent au rebut l’infâme logo d’un parti politique. Au fil de cette stratégie, ils affichent un discours d’ouverture, de récupération…, même le Rassemblement National s’imprègne de cette tactique. 

Ce totem de la personne rassembleuse entourée de ses colistiers a une vertu, celle de fédérer les déçus de tous les partis politiques, mais faudrait-il encore que les auteur(e)s soient également des débutants en politique… !

Le «sans étiquette» est donc devenu le «sortez couvert» de la politique locale 2020. Surtout, il ne faut pas prendre le risque d’une affiliation à un parti politique, elle collerait à la campagne locale tel un sparadrap fatigué. Est-ce la juste équation politique face à des électeurs ?

Pour certains militants politiques, compte tenu des gifles électorales, cela s’impose de fait ; pour d’autres, il faut rassembler plus large que sa propre famille d’électeurs, cela constitue un véritable casse-tête. On attire sur sa liste de rassemblement des politiques rompu(e)s, mais surtout sans étiquette à l’affichage. Décidément, ces deux années de mandature présidentielle d’un nouveau parti politique ont réussi à éradiquer le citoyen politisé, à broyer tout sentiment d’une appartenance à une instance supérieure à soi-même, celle d’un parti politique avec des valeurs que l’élu(e) va traduire dans un programme de proximité. C’est presque un sujet du bac philo…, option politique !

Daniel Carlier

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