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Travail et handicap, une conjugaison en mouvement permanent !

Dans le cadre de la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, nous avons rencontré Marie-Thérèse Griselain, membre du Conseil d’administration de l’association gestionnaire du Cap Emploi Grand Hainaut, mais également Cédric Parsy, ingénieur dans la filière automobile, et président de l’ASHHV en faveur du sport/handicap.

Marie-Thérèse Griselain : « Oui, les personnes en situation de handicap cherchent du travail »

Figure du tissu associatif valenciennois comme fondatrice de l’association ASHHV (Association Sportive des Handicapés du Hainaut Valenciennes), Marie-Thérèse Griselain rappelle son parcours dans le monde du travail. « En 1978, j’ai intégré une entreprise artisanale (chauffagiste) où l’artisan avait besoin d’une aptitude en comptabilité et à l’accueil. J’avais mon sourire et ma compétence, le chef d’entreprise m’a laissé ma chance sans regarder mon handicap », explique-t-elle.

Ce n’est pas un détail de son histoire personnelle, car le rejet…, elle connaît : « J’ai eu très jeune la polio (4 ans et demi). A l’époque elle faisait peur, car le vaccin n’est apparu qu’en 1961. Mes parents furent stigmatisés dans leur village (du Valenciennois), car les autres familles avaient peur pour leurs enfants ». Cette tranche de vie résonne comme un terrible écho à une pandémie en cours. Aurons-nous le choix de se vacciner, ou pas, sans être rejeté dans le milieu professionnel, social, etc. ? Un débat torturé s’annonce dans notre corpus sociétal toujours avide de liberté, et tout autant de sécurité… !

« Le CAP Emploi anticipe souvent des décisions gouvernementales », Marie-Thérèse Griselain

Engagée depuis le 01 janvier 2009 dans l’association en charge du CAP Emploi du Valenciennois,  et depuis du Grand Hainaut (https://www.capemploigrandhainaut.fr), elle constate « que le regard sur le travailleur handicapé évolue. D’ailleurs, le CAP Emploi du Grand Hainaut anticipe souvent des décisions gouvernementales. Chaque membre du Conseil d’Administration apporte son avis, nous sommes conscients des difficultés durant cette crise sanitaire. Toutefois, j’insiste sur le fait que ce service demeure toujours ouvert aux personnes en situation de handicap même pendant le confinement ».

Bien sûr, ce public est, parfois, plus fragile « et plus replié sur lui-même, mais la majorité n’est pas dans ce cas. Oui, les personnes en situation de handicap cherchent du travail ! Le CAP Emploi a des compétences (travailleurs handicapés), et il met tout en oeuvre pour que ces candidat(e)s insèrent le monde du travail », ajoute-t-elle.

« Mon handicap n’a jamais été un frein dans mon travail », Cédric Parsy

Pour sa part, Cédric Parsy, 47 ans, est un ingénieur dans le milieu automobile. Il travaille pour un équipementier de rang 2 « Groupe Antolin » (entreprise espagnole) depuis 2006.

Basé géographiquement sur un site à Cambrai, il dépend comme salarié du siège localisé dans les Yvelines. « Auparavant, j’étais dans une entreprise fabrication. Aujourd’hui, j’ai changé d’entreprise pour évoluer vers la conception du produit ».

Comme 80% des personnes en situation de handicap, il a subi un drame. « J’ai eu un accident de voiture en 1995 ». Pour autant, il constate sans détour que « mon handicap (amputé au dessus du genou ) n’a jamais été un frein dans mon travail. On a toujours pris en compte mes compétences. Je pars du principe que je fais avec…, pourquoi pas les autres ! D’ailleurs, sans le cacher, de nombreux collègues ne savent même pas que j’ai un handicap. Pour moi, il était hors de question que mon embauche soit conditionnée à mon statut de personne en situation de handicap. D’ailleurs, je suis le seul Travailleur Handicapé dans une entreprise d’environ 300 personnes, intérimaires compris… », précise Cédric Parsy.

Sur son expérience professionnelle, il est difficile de tirer un enseignement général sauf sur l’accessibilité. En effet, Cédric nous livre une anecdote édifiante !!! « Le  Bureau de mon entreprise dans les Yvelines est situé sur le Parc Ariane à Guyancourt (https://www.cfcd.eu/realisation/parc-ariane/). C’est magnifique, un petit lac artificiel, des bâtiments en R+1 très modernes…sauf » qu’il n’y aurait pas d’ascenseur pour accéder au 1er étage (dans les 13 bâtiments) selon l’ingénieur. « Je n’ai jamais vu un salarié en fauteuil roulant sur ce Parc depuis que j’y travaille. Dans notre bâtiment, il n’y a pas ascenseur pour accéder au 1er étage. A ma première visite à la Médecine du Travail (dans les Yvelines), le médecin ne savait pas remplir un dossier pour une personne handicapée, ni les bons formulaires, ne connaissant pas non plus la réglementation », et nous ne parlons pas d’un fait dans les années 70…, mais d’une visite légale à la médecine du travail en 2010 !!! Ça s’invente pas ! Oui, l’accessibilité pour tous, et notamment dans le monde industriel et tertiaire n’est pas optimal.

« Les personnes handicapées actives dans le sport… », Cédric Parsy

Hors activité professionnelle, Cédric est également un handi-basketteur dans l’équipe de Nationale 2 du club multi-sports de l’ASHHV dont il est aussi le Président. Comme tous les présidents de clubs, les activités sportives « sont confinées. Nous avions 62 licenciés au 31 décembre 2019. En 2020, il y a mécaniquement une chute des adhésions. C’est pourquoi, je suis partant pour un retour de la pratique sportive chez les mineurs. D’ailleurs, au niveau natation sur la piscine d’Escaudain, c’est un moment de baignade/ludique avec les jeunes. On parle d’autre chose, les enfants ne sont pas avec les parents, c’est un moment de respiration dans la semaine », précise-t-il. Sur ce volet natation, Cédric Parsy affiche aussi sa satisfaction « avec l’organisation au sein du Centre aquatique Nungesser. A chaque fois que j’ai une question, j’ai une solution. Sur Valenciennes, la pratique dans une ligne d’eau est plus sportive. Cela se complète bien avec Escaudain ».

La pratique du sport n’est pas éloignée du monde du travail pour le Président de l’association. « Les personnes handicapées actives dans le sport trouvent souvent un travail. Elles se bougent, elles bénéficient aussi d’un réseau, de réponses, d’un échange… », conclut-il.

Enfin, pour conclure ce reportage, Marie-Thérèse Griselain pointe un état de fait. En 2020, la pandémie a réduit concrètement de 50% l’insertion des personnes handicapées dans le milieu professionnel privé ou public, et ce résultat vient peut-être de loin… !

« C’est un problème Français », Marie-Thérèse Griselain

Face à ce constat, Marie-Thérèse Griselain pointe du doigt un comportement endémique. « C’est un problème Français. Le chef d’entreprise (en général) n’est pas motivé par l’embauche d’une personne en situation de handicap. Nous avons un retard sur ce sujet. Ce n’est que dans les années 70 où les choses ont commencé à évoluer vis à vis des personnes en situation de handicap », indique-t-elle.

Sur le Valenciennois, la création de cette association (ASHHV) par Marie-Thérèse Griselain, soutenue par le club services du Rotary de Valenciennes « a fait modifié les mentalités. Cet acte précurseur, avant même la loi de 1975 (sous Giscard d’Estaing), a permis de réfléchir à l’accessibilité, au logement adapté, et enfin au travailleur handicapé ».

Elle rappelle aussi que cette approche du handicap trouvait des racines déjà à la suite des deux guerres mondiales. « Que ce soit après la guerre 14-18, comme celle de 39-45, les blessés de guerre n’ont pas été intégrés dans notre société. Il fallait les cacher, en prendre soin, avec l’apparition de l’orthopédie où la France fut moteur comme pour les Gueules Cassées. D’ailleurs, la loterie nationale a été inventée pour prendre en charge les personnes handicapées. Le handicap est un statut final dans l’esprit français », indique Marie-Thérèse Griselain.

Par contre, avec des blessés identiques sur les deux même guerres, les anglais ont considéré « qu’il fallait les intégrer dans la société, le monde du travail, l’accès aux espaces publics etc. Tout ceci explique notre écart dans l’acceptation des personnes en situation de handicap avec tous les pays anglo-saxons », poursuit-elle.

Rien n’arrive au hasard, mais rien n’est inéluctable. Le regard de l’univers professionnel change peu à peu depuis les années 70/80, les paliers se franchissent pas à pas grâce aussi à la loi de février 2005 sous Jacques Chirac. Il faut tendre vers l’intégration d’une compétence professionnelle sans autre critère de choix, voilà comment se dessine le rivage d’un monde idéal parfois si proche, parfois très lointain !

Daniel Carlier

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