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Alstom rachète Bombardier transport avec un actionnaire majoritaire canadien

Depuis ce vendredi 29 janvier, le monde du ferroviaire a accouché d’une fusion de deux poids lourds du secteur, l’industriel français Alstom, et le conglomérat canadien à travers sa branche Bombardier Transport. Entretien avec Ludovic Bouvier, responsable du syndicat CGT de la Métallurgie du Nord et du Pas-de-Calais.

Ludovic Bouvier : « C’est Bombardier qui absorbe Alstom et pas le contraire »

Avec cette fusion, les deux entreprises renforcent leur périmètre d’intervention où Alstom est présent en Italie, en Espagne, voire en Inde. Quant à lui, Bombardier Transport apportera ses implantations au Royaume-Uni et en Chine, sans oublier que Bombardier a remporté l’appel d’offre pour le nouveau RER B en région…, un atout de poids !

 On se rappelle des premières annonces mi-février 2020 où le projet de fusion était sur les rails avec un apport de fonds du géant français. Cette manne financière s’avérait essentielle pour l’entreprise canadienne très endettée début 2020, et plus encore aujourd’hui compte tenu des difficultés du secteur de l’aviation. En clair, Bombardier compte sur cet argent pour alléger sa dette et se concentrer sur les avions d’affaires. Très affecté par la pandémie de COVID-19 clouant au sol toute l’industrie de l’aviation, le fabricant canadien a affirmé début novembre qu’elle comptait licencier des employés et réduire ses dépenses, la spirale infernale ! Dans ce cadre, l’urgence économique a permis à Alstom de réduire la somme à débourser.

En effet, force est de constater également que les chiffres avancés à l’aube de cette transaction ne sont pas ceux à l’arrivée…. En effet, la vente de l’entreprise a été évaluée en octobre 2020 à 11 milliards $, soit une baisse de 350 millions $ par rapport à septembre. Si vous déduisez le passif et associés de Bombardier, Alstom versera 8,1 milliards $. Au final, Bombardier touchera donc 5,2 milliards $ pour sa division ferroviaire. La Caisse de dépôt et placement du Québec recevra l’équivalent de 2,9 milliards $ pour sa participation de 34,7 % dans Bombardier Transport.

« Le nouvel actionnaire majoritaire est la Caisse de dépôt et placement du Québec », Ludovic Bouvier

Cette dernière donnée amène Ludovic Bouvier, responsable syndicat CGT de la Métallurgie du Nord et du Pas-de-Calais, à mettre en exergue : « Le nouvel actionnaire majoritaire issu de cette fusion est la Caisse de dépôt et placement du Québec avec 18% du capital. Cette dernière réalise la meilleure opération dans cette transaction, elle empoche et ramasse la galette… Au final, cest Bombardier qui absorbe Alstom (en terme d’actionnariat canadien) et pas le contraire ». Il ne se dément pas sur son propos https://www.va-infos.fr/2020/02/19/samir-dardari-cest-une-fusion-inversee-entre-alstom-et-bombardier/ en février dernier. En effet, la Caisse de dépôt et placement du Québec détiendra à terme une participation de 18 % dans Alstom, ce qui lui donne le droit de nommer deux membres et un observateur à son conseil. Cette institution canadienne a aussi mis des moyens avec près de 4 milliards $ investi par la Caisse de dépôt et placement du Québec dans la multinationale française Alstom pour l’aider à mettre la main sur Bombardier Transport. C’est le plus gros placement en actions de l’institution.

Donc, au bout du bout, croyez-vous qu’un investisseur institutionnel canadien mettrait sur la table autant de fonds pour qu’une entreprise étrangère vienne dicter sa loi sans aucune contrepartie, sans aucune vision stratégique en amont. Le sauvetage des sites industriels sur le sol canadien ne suffit pas à expliquer cette fusion, une véritable coproduction industrielle pour faire face au géant chinois est dans les clous. Gageons que les sites du Valenciennois soient dans le bon train… de l’emploi !

« Beaucoup d’inquiétude sur l’emploi cadre dans le Valenciennois », Ludovic Bouvier

Bien sûr, l’accélération du temps prend en compte également un carnet de commandes copieux chez Bombardier transport. Sur ce point, le pôle ferroviaire du Valenciennois avec Alstom Petite-Fôret et Bombardier transport (Crespin) affiche une commande à moyen terme rassurante pour l’outil de production. De facto, l’emploi productif semble conforter, mais sur le long terme « nous n’avons pas d’informations sur les intentions de l’industriel. Parc contre, cette fusion génère beaucoup d’inquiétude sur l’emploi cadre dans le Valenciennois. Il serait étonnant que le nouvel actionnaire fasse le choix de payer des postes en doublon dans le secteur recherche & développement, voire les postes de cadre. Cela représente des milliers d’emplois ! Qui va-t-on conserver ? », s’exclame Ludovic Bouvier.

« Le gouvernement a démantelé Alstom en peu de temps », Ludovic Bouvier

L’industrie ferroviaire n’agit pas comme celle de l’automobile. De la commande à la production, on travaille véritablement sur le temps long dans le monde du rail. « Pour autant, on subit les mêmes conséquences. On n’y échappe pas ! Ce n’est pas la première fusion à laquelle nous assistons, et à chaque fois la logique de ne payer deux équipes à faire la même chose s’impose », indique Ludovic Bouvier.

Enfin, avec un peu de recul, le responsable syndical déclare : « Après la vente à Général Electric d’une branche d’Alstom, l’Europe et le gouvernement français n’ont pas osé refuser un nouveau mariage après l’échec du rapprochement Siemens/Alstom. Au final, on constate que le gouvernement a démantelé Alstom en peu de temps ».

A l’affichage, il est certain que pour la France la sauce a plus de goût. On passe d’une fusion soit-disante entre égaux, mais in fine Alstom passait sous pavillon allemand, à l’affichage d’un rachat du canadien par le français. En clair, toutes les décisions clés seront (théoriquement) prises à Saint-Ouen.

Pour autant, la fusion du numéro 2 (Alstom) et du numéro 4 (Bombardier) dans le secteur ferroviaire fut également assortie de cessions sonnantes et trébuchantes d’usines en Europe. Néanmoins, elle permet à un nouveau géant de rivaliser avec le leader mondial du transport ferroviaire, en l’occurrence le chinois CRRC, rien de moins.

Dans cette opération de grande envergure, Bouygues le géant du BTP et des télécoms, premier actionnaire du groupe ferroviaire français, après l’annonce du rachat de la branche ferroviaire du canadien Bombardier, par Alstom, avait déclaré son intention d’en conserver environ 10%. Rappelons que ce démantèlement d’Alstom, voire découpage, part de la volonté de l’entreprise Bouygues de réduire son engagement dans ce fleuron de l’industrie française. Nous parlons de la haute finance face à laquelle chacun peut constater que les Etats voire l’union européenne ont peu d’emprise ou de volonté de s’y opposer selon la façon de juger ces alliances !!!

Daniel Carlier

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