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Les assistantes familiales en souffrance veulent une écoute

A la veille d’une échéance électorale cruciale pour les départements, une délégation d’assistantes familiales est venue exposer ses difficultés au quotidien. Cette profession de terrain permet à des enfants placés par la justice de recouvrer un accueil familial, un métier où les professionnels sont trop souvent livrés à eux-mêmes, un défi au quotidien.

Participer à l’organisation de l’accueil des enfants, est-ce possible avec le Département ?

Avant d’être reçu très prochainement par le Préfet de Région Michel Lalande et le 27 mai par Adrien Taquet, le secrétaire d’État en charge de l’enfance et des familles, quatre assistantes familiales sur le Valenciennois et le Lillois ont exposé devant la presse locale leur quotidien compliqué. Ce sont des travailleurs isolés ce qui explique le pourquoi d’une très complexe mobilisation, car le sujet est latent depuis bien longtemps.

Revenons en prélude sur le contenu d’une Assistante familiale, car ce métier est méconnu, et pourtant essentiel. Le nombre de familles d’accueil concerné explique en lui-même l’enjeu du problème, ces salariés sont 2 660 dans le Nord et près de 620 sur le Valenciennois, un chiffre conséquent sur un territoire concerné. Ces professionnels ont un seul employeur exclusif, le Conseil départemental. Le cadre est précis, ces familles d’accueil reçoivent des enfants de moins de 18 ans placés par la justice « à 90 -95%, sauf très rarement des familles avec un besoin de répit pour cause d’hospitalisation etc. Dans le Valenciennois, la jauge autorisée est de 3 enfants, voire 4 avec dérogation. Evidemment, durant la Covid, tous ces chiffres ont explosé pour accueillir des enfants d’autres structures, voire des foyers en Belgique… », précise une assistante familiale.

Ensuite, les enfants placés sont âgés de quelques mois à 16 ans. Ensuite, de 16 ans à 18 ans, voire 21 ans. Il est possible de maintenir l’enfant dans la famille d’accueil si celui-ci à un projet professionnel. Après 18 ans, le Conseil départemental prend en charge un logement jusqu’à 21 ans, voire le coût d’un hébergement dans un foyer jeunes travailleurs (Prim’Toit sur le Valenciennois).

Enfin, le constat est que cette profession « est très féminisée avec à la clé une forte précarité », précise une assistante familiale.

« Nous voulons être intégrés à l’organisation de l’accueil de l’enfant », assistante familiale

Bien sûr, la particularité de ce métier est l’accueil inconditionnel d’enfants connaissant de graves difficultés dans leur cercle familial. « Ce sont des enfants cassés, ils sont abimés, chaque enfant a sa problématique. Non devons les prendre en charge du 01 janvier au 31 décembre », commente une assistante sociale. Toutefois, une autre précise « que l’on peut choisir le profil de l’enfant, que des très jeunes ou exclusivement des ados. Parfois, nous n’avons pas le choix du tout. A titre d’exemple, on peut nous imposer un enfant en situation de handicap lourd sans aucune formation pour ce type d’accueil ».

Ensuite, la première doléance est le point central de tout. « Nous voulons être intégrés à l’organisation de l’accueil de l’enfant. Là, c’est notre référent (l’assistante sociale) et les chefs de service qui organisent tout. On a du mal à se faire entendre, nos problématiques ne remontent pas, nos courriers et nos mails sont sans réponses », explique une assistante familiale.

Certes, elles reconnaissent des modifications durant ce dernier mandat départemental. En effet, depuis 3 ans, un service ASE (Aide sociale à l’enfance) est opérationnel placé sous l’autorité du Président du Conseil départemental. « Ce service mobile constitue une véritable avancée. C’est (enfin) un interlocuteur qui nous répond », commente une assistante familiale.

« Les frais annexes ne sont pas remboursés au niveau de nos dépenses », assistante familiale

Parmi les doléances, il y a la rémunération de ces salariés et leur statut. « Nous sommes des travailleurs précaires, en CDD, et toujours sous la menace de ne plus avoir d’enfants en cas de situation difficile et par suite sans salaire », indique une assistante familiale.

Cette épée de Damoclès impose un silence face aux difficultés, mais à un moment donné le point de non retour est atteint. « Globalement, les conditions de travail sont plus mauvaises qu’il y a 30 ans. Nous avons un statut d’ assimilé fonctionnaire, mais dans la précarité. Cela ne veut rien dire dans les faits », précise une professionnel avec 30 ans d’expérience.

Dans les faits, l’exemple est toujours éclairant sur la situation au quotidien. « Si nous devons acheter des médicaments non remboursés d’urgence pour l’enfant. Dans l’absolu, nous devons attendre la validation du service. Evidemment, parfois nous ne pouvons pas attendre et les frais sont pour nous. Ensuite, dans le même registre, l’achat de produits anti-poux etc. n’est jamais remboursé à la hauteur  du coût réel… ! Plus globalement, les frais annexes ne sont pas remboursés au niveau de nos dépenses », explique une autre assistante familiale.

« Nous sommes les tacherons », assistante familiale

La difficulté de ce métier est la séparation entre la vie professionnelle et la vie privée. « Lorsque nous voulons prendre des congés. Il faut au préalable trouver une structure relais afin de prendre en charge l’enfant. Parfois, on vous prévient la veille que la prise de congés n’est pas possible », déclare assistante familiale.

Dans le même registre, le droit au répit constitue un vrai sujet. De concert les 4 assistantes familiales disent « qui n’a pas eu des difficultés avec son conjoint, ses enfants… à cause des enfants accueillis. Tu passes trop de temps avec eux etc. Nous demandons, hors congés, un droit au répit de 15 jours pour se poser avec sa propre famille », indique une autre assistante familiale.

L’idée n’est pas du tout de déshumaniser cet accueil. « Oui, nous sommes attachés à ces enfants. D’ailleurs, j’ai gardé un enfant après ses 18 ans (donc plus rémunéré), car je l’avais élevé tout-petit », relate une assistante familiale.

Par contre, toutes ces professionnelles souffrent d’un manque de reconnaissance par leur employeur. « Nous sommes des tâcherons, le denier maillon de la chaîne qui ne participe en aucune façon à l’organisation. Pourtant, nous sommes utiles et essentielles », ajoute-t-elle.

« Plus de moyens sur le fonctionnement », assistante familiale

Outre l’intégration à la phase décisionnaire sur les conditions d’un placement, ces professionnels soulignent le besoin criant d’une hausse des moyens alloués. « Le référent gère seul 52 enfants, c’est énorme. Evidemment, cela explique l’absence d’une réponse rapide à un problème urgent. Il faut plus de moyens sur le fonctionnement », assène une assistante familiale.

Voilà, cette profession veut une écoute, car elle juge que les assistantes familiales, comme les aides à domicile, sont « les grands oubliés du Ségur  de la santé ».  De manière plus pragmatique, les candidates à ce métier sont de moins en moins nombreuses, certaines lâchent l’affaire, et l’effectif risque de fondre comme neige au soleil. C’est pourquoi, il serait bienvenue que le Conseil départemental revoie sa copie sur ce statut professionnel avant de percuter… le mur !

Daniel Carlier

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