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L’ESS, pour donner un certain sens à l’emploi…!

Pour l’anniversaire des dix ans de la loi Hamon (2014) apportant un cadre officiel à l’ESS (Economie Sociale et Solidaire), une journée était consacrée à cette thématique porteuse de sens et d’emplois. A cet effet, La Porte du Hainaut avait organisé 2 tables rondes sur la coopération, les enjeux, et en point d’orgue une conférence de Jean Moreau, co-fondateur de la Startup Phénix, acteur incontournable dans la lutte contre le gaspillage alimentaire (Visuel Jean Moreau).

Jean Moreau : « 800 millions de personnes en précarité alimentaire ! »

Bien sûr, il faut objectiver le contexte de cette loi Hamon, car l’entreprise solidaire n’est pas née avec ce trait du législateur. De plus sur le Valenciennois, l’ANRU fut un véritable laboratoire de l’insertion sociale à travers des chantiers majuscules, notamment sur Beuvrages. Pour autant, une certaine connotation négative est assortie (encore) à l’emploi dans le giron sociale et solidaire. « L’ESS, c’est de l’emploi non délocalisable », indique Aymeric Robin, le Président de la Porte du Hainaut tout en rendant hommage à un père fondateur en la matière, le regretté de Claude Alphandéry.

En dix ans, cette filière économique et sociale a infusé dans notre corpus sociétal. Des acteurs comme l’association PHARE opère dans la construction pas toujours simple. « Il faut une véritable coopération et pas seulement une réponse à une injonction, source de tension », explique la Directrice de l’association, Amélie Lefebvre-Chombart.

Comme dans de multiples domaines, on parle aujourd’hui d’hybridation, comme si le « et en même temps » était enfin repris par la société civile après un hold-up politique. 

1ère Table Ronde : L’ESS où la coopération espérée !

Le responsable des Ressources Humaines chez Stellantis sur les sites de Valenciennes et Hordain  expose son vécu : « Nous intégrons entre 350 et 400 personnes très éloignées de l’emploi chaque année. A ce titre, nous travaillons beaucoup avec France Travail où nous organisons avec eux des formations sur mesure. Par ailleurs, il y a également un coaching pour le réveil musculaire, reprendre une habitude ».

Par contre, Eric Moriss avoue certaines problématiques avec la « génération Covid. Ces jeunes suivent la formation, tout va bien jusqu’à la signature du contrat qu’ils refusent et nous ne savons pas pourquoi.  Il y a une génération Covid », ajoute-t-il.

Sur un territoire aussi vaste que le Valenciennois, la mobilité est un facteur déterminant avec des solutions comme le covoiturage. « Nous travaillons à une plate-forme de covoiturage avec France Travail », conclut-il.

Sur cette table ronde, l’entreprise solidaire de couture « Textimage » où 80 personnes sont accompagnées dans un projet de retour à l’emploi, voire « des gens qui n’ont jamais travaillés ». Quelques succès de prestige sont à la clé « avec la fabrication des housses de siège pour la Coupe du Monde féminine en juin 2019 », précise Nacara Aksil, responsable de ce chantier d’insertion… efficient !

Pour le vice-président en charge de cette thématique, Michel Quiévy, il reconnaît l’évolution des mentalités : « Il y a dix ans, ce n’était pas une priorité. Depuis, une équipe de professionnels a été recrutée afin de renforcer l’ESS sur le territoire. C’est 2821 emplois pour 165 entreprises sur la CAPH ».

Enfin, pour une vue dézoomée, Laurent Gardin, maître de conférences à l’UPHF, constate que malgré cette loi Hamon, en 2014 « le choc coopératif n’a pas eu lieu. Ça se saurait. Toutefois, des initiatives existent à travers la création de SCOP, de SCIC, des PTCE comme Auton’Hommes avec une approche locale ».

2ème Table ronde et les retombées de l’ESS à proximité

Après dix ans de loi Hamon, cette filière ESS « arrive à maturité. L’ESS, ce n’est pas la relégation, pas la voie de garage de l’économie, un vecteur de richesses humaniste. L’ESS est aussi un état d’esprit, bienveillant dans une société apaisée », commente Aymeric Robin.

Pour sa part, Peggy Robert, présidente de la Chambre régionale de l’ESS, tance la petite musique du moment : « On a l’impression que l’on paye le quoi qu’il en coûte. Il faut se battre et nous sommes prêts au rapport de force, car il y a un enjeu de lien social ». 

Ce propos est confirmé par Eric Veron, administrateur chez l’association PHARE, car « nous observons un désengagement budgétaire de l’Etat. Cela nous revient en boomerang ». 

Enfin, Marie Vernier, Déléguée générale du Laboratoire ESS, phone « pour un mode opératoire ascendant à travers une transition écologique juste ». D’évidence, la solution parachutée d’en haut colle assez rarement aux problématiques d’un territoire, divers par essence. 

« La distribution n’est pas contrôlée, ni sanctionnée ! », Jean Moreau

Le Guest de haute volée de cette matinée ESS était le très médiatique Jean Moreau, cofondateur de l’entreprise Phénix. Lancée sur les fonts baptismaux avec 1 000 euros de capital et deux associés, Phénix représente aujourd’hui 15% du marché de la récupération des denrées alimentaires chez la Grande distribution comme dans les professionnels de proximité. 

Accusé de « marchandiser » cette lutte contre le gaspillage alimentaire, Jean Moreau se défend : « Je ne critique pas du tout le travail des Resto du coeur, de la Banque alimentaire, voire du Secours Populaire, mais les bénévoles sont libres un jour par semaine avec le mode de transport disponible. De notre côté, nous collectons 6/7 les denrées alimentaires au sein de la grande distribution comme chez les restaurateurs. Ensuite, ces derniers nous versent une commission et nous apportons (gratuitement) à ces associations ces produits ! Aujourd’hui, il y a 800 millions de personnes en précarité alimentaire et aujourd’hui même une étude évalue à 1 milliard de repas gaspillés par jour ! ». 

En 2019, Phénix a étendu son champ d’activité avec la création d’une nouvelle entité afin de collecter d’autres produits que les alimentaires stricto sensu, textile, hygiène, cosmétique… ! La loi AGEC, en 2020, interdisant le déstockage a conforté cette initiative. 

Peggy Robert pose une question pertinente au chef d’entreprise : « Ne servez-vous pas de bonne conscience à la Grande Distribution afin que les acteurs ne réduisent pas leurs commandes ? ». La réponse fuse tout de go : « Je n’ai pas connaissance d’une application des lois en vigueur sur la lutte contre le gaspillage alimentaire, le déstockage etc. De fait, la distribution n’est pas contrôlée, ni sanctionnée ! Fort de ce constat, je pense que Phénix sera encore un acteur, malgré une concurrence solide, important dans la lutte contre le gaspillage alimentaire ». 

Comme souvent, la vision d’un sujet et la pratique sur le terrain du même item peut aboutir à une analyse différente. Plus encore, le temps d’infusion d’un dispositif est également un facteur essentiel et peu pris en compte en haut de la chaîne des décideurs. L’ESS est, à ce titre, un symbole du temps nécessaire d’appropriation par le terrain, les femmes et les hommes concernés, le mode opératoire, la chaîne d’intervention, les solutions techniques opérationnelles, voilà un cocktail à ingérer avant toute analyse péremptoire d’une solution réussie à ce stade ou dans les année à venir. Le seul point intangible est la vertu de la démarche ESS, un pilier pour construire une réponse soutenable par une économie globale, un peu solidaire aussi !

Daniel Carlier

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