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Procès d’un gendarme gradé à Valenciennes, 12 histoires d’un prédateur sexuel présumé !

Difficile de trouver les mots suite à une audience d’un peu plus de 9 heures au Tribunal correctionnel de Valenciennes, où 12 victimes, dont 7 présentes dans la salle, auraient subi une manipulation, présumée, d’un gendarme afin d’obtenir des faveurs sexuelles de personnes en situation de fragilité. Ici, nous n’avons pas d’agressions sexuelles, mais pourtant ce procès parle d’une emprise d’une grande violence mentale, nous n’avons pas non plus de faits de violences physiques, et pour autant beaucoup de faits traumatiques où les victimes vont devoir se reconstruire après…, pas d’insultes verbales non plus, mais incontestablement les mots, parfois crus, parfois d’une poésie émouvante, sont intrusifs, dévorants, obsédants, et enfin pas de sujets sur le consentement des victimes présumées pour les faits retenus dans ce Tribunal de Valenciennes le 21 mai 2024. Pas « Enviiiie » d’écrire, mais plutôt de fuir le clavier, car on ne veut pas comprendre l’incompréhensible de la situation, mais il faut s’y atteler en respect des 12 parties civiles, celles courageusement présentes, quel que soit le verdict, car il faut vaincre la peur d’entendre sa vie intime déballée en public et gravir cette montagne de questionnements personnels. Qui est Monsieur X, d’évidence la question se pose. Gendarme reconnu de la Brigade de Recherche de la Gendarmerie de Valenciennes à la carrière (quasi) exemplaire, en arrêt maladie à ce jour, Monsieur X est-il un Don Juan compulsif ou un prédateur sexuel ? Toute la question est là !

Comme le choix pertinent de la Présidente du Tribunal afin de conduire cette audience fleuve, le plus simple est de respecter un ordre chronologique des dossiers retenus, entre 2005 et 2024, dans cette enceinte de justice. Dès l’entame du procès, la Présidente du Tribunal demande aux 7 victimes présumées présentes, sur 12 dossiers, de venir au 1er rang. Elles sont presque trop nombreuses pour s’assoir sur le même banc, un peu serrées comme le partage d’une histoire presque incroyable. Durant cette audience, les visages des victimes présumées se crispent à chaque dossier présenté, des larmes, des têtes baissées souvent comme une forme d’incompréhension globale avec une question lancinante dans l’air, comment suis-je arrivée dans ce Tribunal ! L’auteur présumé, quand il ne répondait pas à la Présidente du Tribunal, à Mme la Procureure, où aux avocats respectifs, il était assis, souvent avec un mouvement de tête de gauche à droite commentant, physiquement, par la négative les propos de certains témoignages, réfutant les allégations. Un « désolé de la voir dans cet état » est lâché par Monsieur X durant l’audition à l’endroit d’une victime présumée après son témoignage bouleversant à la barre, et dans son propos conclusif, un regret de cette situation pour les parties civiles, pour sa famille, et pour le corps de la Gendarmerie de Valenciennes. Voilà tout pour la prise de conscience des préventions présumées d’abus de faiblesse, d’harcèlement (sur 1 dossier), d’usage de données personnelles collectées dans un cadre professionnel à d’autres fins, et de consultation de fichiers protégés (1 seul dossier), mais remontons le fil de cet après-midi pas comme les autres, qui marquera ce TGI de Valenciennes incontestablement tant le sujet de la contrainte psychologique, ou pas, afin d’obtenir des faveurs sexuelles de personnes vulnérables constitue le barycentre de cette audience. 

Tout d’abord, Maître Bruno Pietzak, avocat de la Défense, a introduit une requête en nullité compte tenu, selon lui,  « d’une procédure ne respectant pas les règles procédurales les plus élémentaires. La personne de l’enquête initiale s’est autosaisie ». La Procureure n’a pas donné suite à cette demande de la Défense, car « le Renseignement Judiciaire n’a aucun formalisme légal, cela n’intervient pas dans le bien-fondé d’une enquête. Il n’y a donc pas matière en nullité de ladite procédure ». 

Contexte judiciaire :

Suite à une enquête interne de la Gendarmerie de Valenciennes, un signalement à l’ancien Procureur de Valenciennes a été réalisé, et ce dernier a diligenté une intervention de l’IGGN (Inspection générale de la Gendarmerie nationale).

Ensuite, un paramètre commun intervient quasiment dans tous les dossiers, l’auteur présumé était en charge d’enquête, au titre du statut de l’OPJ (Officier de Police Judiciaire), concernant les victimes présumées. De fait, la clôture de l’enquête en cours, ou pas, avant la relation personnelle, voire la relation intime pour certaines, a constitué un sujet de tension majeur que les trois magistrats, la Procureure, voire les avocats ont tenté d’élucider à chaque fois. Tout sauf simple tant l’auteur présumé était, parfois, dans le déni total même face à l’évidence des faits. 

Certaines des victimes ont déposé une plainte avec constitution de partie civile, d’autres pas, voire retirer la plainte à cet effet, les statuts des dossiers sont donc très hétérogènes comme chaque histoire à sa singularité. Nous parlons ici plus globalement, afin de ne pas corréler la suite avec le déroulé, de 12 victimes entendues par ce gendarme dans le cadre d’une enquête pour violences conjugales et/ou sur les enfants ; de tentative d’incendie volontaire, pour immoler la victime ; de personnes rencontrées dans le cadre d’une escroquerie financière à leur égard ; de femmes battues avec un « Téléphone Grave Danger » ; d’un enfant et/ou d’un membre de sa famille disparu… ! Vous avez presque un panorama de la vulnérabilité, des personnes dans une détresse profonde à tel point qu’une juge pose la question que toute le monde pense tout bas dans la salle. « Etes-vous attiré par les personnes vulnérables ? », pas de réponse. La Procureure y répond dans ses réquisitions… « c’est plus facile qu’un site de rencontres ». A chaque fois, Monsieur X travaille avec célérité, prodigue les bons conseils, « fait son job », commente la Présidente, mais le sentiment partagé par les victimes présumées est insidieux.

Dossier 1 :

Le plus ancien dossier, le 1er de l’après-midi, a débuté en 2005 où l’auteur a, seul fait reconnu par tous les partis, consulté des fichiers protégés (12 fois) afin de trouver certaines données, délit puni par la loi. Cette dernière indique que des relations intimes se seraient nouées entre eux, ce que l’auteur conteste avec la plus grande fermeté. Toutefois, c’est le premier mélange des genres, relation sexuelle ou pas, où l’auteur bénéficie des données privées, collectées dans un cadre professionnel, d’une personne en situation de vulnérabilité afin de les utiliser dans un environnement privé.

Par ailleurs, comme à chaque fois, la victime a d’abord qualifié l’excellence de l’intervention professionnelle du Gendarme dans le cadre de l’enquête durant laquelle l’auteur a donc pris contact avec la victime. Puis, chemin faisant vers une relation privée, l’ambivalence est palpable presque à chaque fois, « mon vieil ami » indique la victime présumée dans un procès verbal où par ailleurs, l’auteur présumé a des absences de souvenirs ; un trou de mémoire « dès que les questions vous mettent en difficultés », souligne la Présidente du Tribunal plus en aval durant cette longue audience. 

Dossier 2 :

Dans ce dossier encore et toujours avec une personne vulnérable, il lance la ligne de contact avec un texto bienveillant. D’un texto anodin, presque trop zélé, on passe à des déclarations plus enflammées, des véritables poèmes, « La rencontre, je suis ému » ; un propos amoureux pouvant déboussoler n’importe qui tant la sincérité transpire, sauf que la méthode est un copié/collé savamment orchestré à chaque fois, un process sur lequel la Procureure va longuement revenir dans son réquisitoire final. 

Ensuite, une fois accrochée, la personne consentante subie des messages d’une nature différente. Déjà, l’auteur présumé trouve toujours une excuse pour ne pas se voir en dehors de chez la victime présumée, voire ailleurs comme nous le verrons par la suite, mais jamais chez lui puisqu’il est marié, 3 enfants, sans procédure de divorce à ce stade. Bien sûr, ils ne peuvent se voir aussi souvent que voulu puisqu’il « loge à la caserne »… « que compte tenu de l’enquête en cours, ils ne peuvent pas s’afficher en public » tout cela permettant de cumuler plusieurs relations en même temps. « C’est presque du vaudeville Monsieur X, vous êtes le Casanova du Valenciennois. Vous ne trompiez pas de prénom parfois », tance la Présidente. Visiblement pas, il maîtrise parfaitement ces dossiers.

Dossier 3 :

Autre profil d’une personne vulnérable pour lequel l’auteur « n’a aucun souvenir ». Cette dernière avoue que sans cette audition en Gendarmerie en novembre 2023, par l’IGGN, elle ne savait pas « ce ce qu’elle aurait pu dire à l’égard de Monsieur X ». 

Cette victime présumée a bénéficié d’une prise en charge du « Bureau d’Aide aux victimes ». A ce titre, la Présidente du Tribunal a rappelé que certaines parties civiles avaient passé une expertise psychiatrique, d’autres pas. Ces expertises révèlent à chaque fois un traumatisme face à la connaissance du dossier global, un point que relèvera la Défense. 

Dossier 4 :

Sur ce dossier, la relation intime est encore contestée par l’auteur présumé, mais cette fois, il y a un prêt d’argent de 8 500 euros, somme remboursée. L’emprise est d’évidence importante. 

Ces rencontres ont un point commun, elles se déroulent durant les horaires de travail. A ce titre, il se rend toujours sur le lieu de la rencontre, souvent au domicile de la victime, voire hôtel, dans un véhicule de la Gendarmerie. Bien sûr, une visite en uniforme dans l’immense majorité des cas, le prestige du statut joue à plein dans ces relations multiples « avec une présence rassurante. On a du mal à lui en vouloir », indique une victime présumée. 

Dossier 5 :

Cette fois, la relation privée est une cousine de la victime 4, elle a eu pour 1er objectif de faire exploser un couple en plein doute, un compagnon violent aussi. Objectif atteint avec l’envoi de bouquets de fleurs, de messages enflammés, mais « le seul homme à l’écoute, avec de l’attention pour moi, mais il a tout fait pour que mon couple explose ». Cette fois, il s’immisce dans les affaires professionnelles de la victime présumée, devient pro actif dans la mise en oeuvre d’une société. « C’était une offensive dans votre vie privée », commente la Procureure. Elle aussi a reçu ses textos enflammés. Pour autant, la victime présumée souligne en audition « tout ce qu’on me disait de cet homme n’était pas l’homme que j’ai connue ».

La relation intime n’est, cette fois, pas contestée avec une prise de contact « grâce à des données privées, mais collectées dans un cadre professionnel », précise bien la Présidente. Face au déni de l’auteur, elle ajoute « qu’il n’y a pas tout un banc de menteuses, qui ne se connaissent pas ! ».

Dossier 6 :

Chose commune à de nombreux dossiers, mais pas tous, l’auteur a une méthode, après un processus de séduction enflammée, il envoie des textos plus explicite. En effet, la poursuite de la tentation engendre une impatience, un besoin irrépressible de photos, nues parfois, avec des textos de plus en plus sexuels, le terme « enviiie », renouvelé avec une fréquence insoutenable, et « on lui cède pour avoir la paix », glisse en larmes à la barre une plaignante. « C’est un menteur, manipulateur », ajoute-t-elle dans son audition. 

Des fichiers avec des éléments des enquêtes judiciaires et des visuels des victimes présumées, parfois nues, ont été retrouvés chez lui « sur des disques durs externes que je ne consultais jamais », dit le gendarme. A ce titre, l’audition de l’IGGN, et ses révélations à la clé, a fait basculer les personnes auditionnées, voire « s’écrouler face à ses révélations ».

L’auteur présumé n’a pas souvenir d’une relation intime avec celle-ci, malgré des messages pléthoriques versées au dossier.

Dossier 7 :

La victime présumée était enceinte, entre six et sept mois, « cela voyait tout de même ! C’est quoi le truc, vous êtes assez expérimenté, vous savez que cette personne est vulnérable. D’ailleurs, vous êtes un gendarme de valeur, auteurs d’opérations de valeurs. Pour autant, vous jetez un voile de suspicion sur la BR de Valenciennes », déclare la présidente au gendarme. Pourtant, l’opération de charme s’est abattue également sur cette personne en souffrance. « Je me sens bête, nous n’avons eu qu’une seule relation. J’était dégoûtée, je me suis rendu compte qu’il ne venait que pour cela. Il était si pressé de se rhabiller et de repartir », explique-t-elle.

Compte tenu du nombre de personnes vulnérables séduites, la Présidente analyse tout haut : « Vous vendez du rêve, vous n’êtes pas dans une relation amoureuses, mais dans la consommation de femmes ». 

Dossier 8 :

Après une enquête très Pro de la part du gendarme, il entreprend la relation privée avec la même accroche « vous m’avez ému avec votre histoire ». Face à une personne dans la détresse, qui peut dire, homme ou femme, qu’il ne serait pas touché par cette bienveillance ? Le bémol est que la situation va plus loin. « J’y ai vraiment cru (dans notre histoire), mais je n’avais pas connaissance de son statut d’homme marié », explique la victime présumée.  

En terme de photos, le lot était important, 199 photos sur un stockage numérique. Une relation suivie avec des visuels, dont un sur un site de la Gendarmerie d’une fellation, présumée non consentie. « Cela s’appelle du viol », tance l’avocate. « Je n’ai agi comme cela », répond vivement le gendarme. La victime présumée, en pleurs, clame à l’envi « je ne comprends pas cette photo, je ne comprends pas », suite à sa description assez précise des locaux du site de la Gendarmerie

A ce sujet, la Procureure « n’a pas fermé la porte à d’autres faits criminels » indépendamment de ce procès en cours. Toutefois, le gendarme affirme aussi que  : « Je n’ai jamais eu de relation sexuelle sur un site de la Gendarmerie », mais une photo volée est actée quel que soit son lieu. 

Franchement, on est perdu dans l’assistance à travers l’enchevêtrement des dates, les multiples conquêtes en même temps, « même si rien ne le prouve matériellement », souligne l’avocat de la défense. En effet, le calendrier amoureux est très compliqué entre les relations intimes avouées et les autres contestées. 

Dossier 9 :

Sur ce dossier, l’accusation de harcèlement est évoquée à travers deux comptes Facebook, sous pseudo que l’accusé a validé après enquête de l’IGGN. Sous dissimulation d’identité, il reconnaît les « Like » suite à des publications publiques. « Je recevais des like avec des petits coeurs, sans arrêt, j’avais peur que cela soit un ami de mon mari violent (mais écarté judiciairement de sa vie). C’est pourquoi, j’allais le voir tous les jours à la Gendarmerie, la personne en charge de l’enquête (l’auteur présumé). Lorsque j’ai appris que c’était lui derrière ces pseudos, je me suis effondrée. C’était mon héros ! Je n’arrivais pas à y croire », commente une victime présumée. 

« Ces Like à répétition, ne trouvez-vous pas que cela constitue du harcèlement et en plus sous deux identités cachées ? », demande la Présidente. « Avez-vous tenté de la séduire ? », poursuit-elle. 

L’avocat de la défense prend la balle au bond : « On vous a mis en tête beaucoup de choses ». En filigrane, Maître Pietzack évoque un règlement de compte interne, sur l’ensemble de la procédure, suite à une affaire banal de moeurs à la Gendarmerie avec en retour une enquête à charge.

Dossier 10 :

Dans une procédure d’enquête cette fois à charge, la victime présumée a subi les assauts de texto du gendarme, anodins au début, mais « concrets et sexuels ensuite, mon mari a fait un stop en contactant directement l’intéressé. Durant mon audition, j’ai tout déballé. On ne m’a rien suggéré à cette audition. Toutefois, je n’ai pas eu le courage de déposer plainte surtout contre un gendarme », précise-t-elle. 

« Je regrette que le mari n’ai pas été auditionné », commente la Présidente du Tribunal qui, présent dans la salle, ne comprenait pas « pourquoi il n’avouait pas » à l’issue de l’audience. Sur ce dossier, il n’y a eu aucune relation intime. 

Dossier 11 :

Peut-être la victime dans la plus grande souffrance de par son parcours de vie, même si la comparaison de la détresse humaine est totalement abjecte. Là aussi, une ambivalence est évidente dans la déposition et les propos de la plaignante : « Il a changé ma vie et celle de mon fils ». 

Ce n’est pas dans ce seul dossier, mais l’auteur présumé inverse la charge de la faute. « Je réponds à la commande (de la victime présumée) » pour justifier l’envoi de photos de son sexe en érection succédant aux texto récurrents « enviiiie de toi »… « Photos de ton corps »…, un process d’une extrême perversité… présumée. Il lui explique par texto qu’il faut passer outre son blocage sexuel, suite à une agression antérieure, et se laisser aller !

C’est un peu l’histoire d’un héros du quotidien à un zéro de moralité, voir prédateur présumé, au Tribunal correctionnel de Valenciennes. Là également, un fait non saisi dans cette procédure est signalé.

Dossier 12 :

La dernière relation, celle en cours en complément de son épouse, on oublie presque son existence durant l’audience, c’est tragique ! Cette dernière cavalcade amoureuse est symptomatique d’un phénomème d’emprise, le bon vieux dicton du XXème siècle de l’homme à femmes. En effet, la victime présumée avoue à la question de la Défense qu’elle « serait encore avec lui si je n’avais pas eu connaissance de ce dossier. Il m’avait dit que le lendemain de son départ en retraite, il serait là avec ses valises ». En effet, ce mensonge, mais peut-être pas, n’est qu’un parmi tant d’autres sur un divorce, une séparation en cours, etc., toutes les victimes ont cru dans cet homme incontestablement sur un temps plus ou moins long. 

A la fin du déroulé des dossiers, une juge s’exclame : « Vous m’exaspérez Monsieur X. J’attendais une attitude à la hauteur de vos fonctions, et pas celle dans le déni permanent ». Oui, la justice est faite de femmes et d’hommes, et l’impression laissée par le justiciable contribue aussi à la construction d’un verdict. 

La situation.. au 21 mai 2024

Durant cette audience on parle de l’expertise psychiatrique de l’auteur présumé où il dit sans ambiguïtés : « J’ai le comportement tout à fait normal pour un homme ». L’expert analyse un comportement avec une surestime de soi, narcissique, égocentrique, dans le déni avec un égo sur-dimensionné… !

L’enquête de l’IGGN a soulevé deux procédures disciplinaires, mais avec des notations, durant plus de 35 ans de carrière, très favorables. 7 collègues du Valenciennois ont été élogieux à son endroit, 5 moins enthousiastes.  

« Vous avez demandé votre retraite anticipée au 1er juillet prochain. Cela tombe bien, cela vous évite une nouvelle procédure disciplinaire avec une rétrogradation à la clé (baisse de la pension ?) », souligne la Procureure. « Ma demande de retraite anticipée n’a pas de rapport avec le procès. Je voulais tourner la page et passer à autre chose », explique-t-il. Une avocate reprend son propos dans sa plaidoirie : « Passer à autre chose…, je trouve votre attitude d’une grande sérénité », allusion à peine voilée comme si l’histoire s’arrêtait là. Aujourd’hui, le gendarme précise qu’il « ne loge plus dans la caserne depuis mercredi dernier ». 

Les plaidoiries des avocats des parties civiles

« Nous sommes face à un prédateur », Maître Hollenset

Avocat du plus ancien dossier « et peut-être de la moins traumatisée. Ce qui la sauve, c’est son déménagement dans d’autres régions. Ici, nous sommes face à un prédateur. D’ailleurs, je suis sorti de l’audience tant l’attitude méprisante à l’égard des victimes était insupportable. C’est parole contre parole, mais nous avons à faire à un professionnel de l’audition, il sait ce qu’il faut dire et comment agir devant un tribunal ». 

La bonne question est « pourquoi agit-il de la sorte. Nous sommes dans la séduction dolosive. Lui, il n’a jamais rien fait. Il a un manque totale de respect de la femme. Ces victimes sont seulement des buts à atteindre ». 

« C’est quelqu’un de manifestement dangereux », Maître Leboeuf 

Pour sa part, l’avocate prend le soin de lire un texto de l’auteur présumé, résumant en quelques lignes la complexité psychologique de l’individu. On rirait presque après huit heures d’audience avec cette succession de mensonges, de relations multiples, mais la prose est presque bouleversante. 

Pour autant, « cet homme n’a aucune émotion, des phrases types, des mails types, une mascarade amoureuse, car l’objectif est uniquement sexuel. C’est quelqu’un de manifestement dangereux, mais qui est Monsieur X ? ». 

« Les prédateurs ont encore de beaux jours devant eux », Maître Rygielski

Outre deux faits présumés, absents de cette procédure, pour lesquels la Procureure ne voit pas d’obstacles à une suite criminelle, l’avocate de deux parties civiles met en lumière « la protection de cet homme. Tout elle monde savait (à la Gendarmerie). C’était pourtant un professionnel formé aux violences et sexuelles, il était même précurseur dans sa brigade. Les prédateurs ont encore de beaux jours devant eux et ce dossier (et sa suite) m’inquiète. La peine encourue me paraît faible ». 

Ensuite, la professionnelle du Droit va plus loin et analyse le comportement : «  Ce n’est pas une pulsion du moment, car Monsieur X contrôle tout, c’est réfléchi, méthodique ! ». La notion de prédation sexuelle est abordée, inévitable questionnement face à l’enchaînement des dossiers sur le temps long. Le verdict sera sans doute, en partie, consécutif à la réponse des magistrats à cette interrogation légitime. 

« Ce n’est pas la Police des Moeurs ici », Maître Almeras

D’entrée de jeu, l’avocate d’une plaignante balaye un procès emprunt d’une moralité corsetée : «  Ce n’est pas la Police des Moeurs ici. Cette personne abuse de la vulnérabilité de ces femmes et détourne leurs données personnelles. Il cible clairement et entreprend sa séduction afin d’obtenir des faveurs sexuelles ». 

Cette avocate avait préalablement mis en difficultés en direct le gendarme. En effet, un des douze dossiers du jour était en lien avec une procédure toujours vivante (pour lequel le Gendarme avait fait une enquête) et « Monsieur X ne pouvait pas ignorer que la procédure était encore en cours, puisqu’il y avait une CR (Commission Rogatoire) délivrée ». Sauf que deux minutes avant, le même gendarme venait de dire qu’il ignorait si cette enquête était clôturée ou pas. « Vous venez de nous mentir droit dans les yeux. Vous étiez en charge de l’enquête, vous ne pouviez pas ignorer ce fait ! C’est une faute professionnelle », commente la Présidente, très agacée. 

« Votre attitude dans le déni relève du mépris par rapport aux femmes »,  la Procureure

Tout d’abord, la Procureure de la République salue le « courage de ces femmes et plus particulièrement celles présentes aujourd’hui. Je souligne qu’il n’y a pas eu de confrontation, car cette procédure était trop difficile pour ces personnes ». Compte tenu de l’emprise, morale ou prédatrice, il n’y a pas l’ombre d’un doute sur l’infaisabilité de la chose. 

« Même si je respecte les droits de la Défense, votre attitude dans le déni relève du mépris par rapport aux femmes », ajoute-t-elle. Ensuite, elle aborde un point clé, car le calendrier de la prescription, pour les faits de la procédure, est en question. « Nous sommes sur une méthode opérationnelle, un même concept, un même but, c’est pourquoi je considère une connexité entre ces dossiers. Je demande au Tribunal de prendre les dossiers dans leur globalité ».

Ensuite, elle revient sur l’expertise psychiatrique « avec des traits de perversité. Il n’y a aucune remise en question, totalement inaccessible. On attendait autre chose aujourd’hui. Il a su tromper tout son entourage, y compris sa hiérarchie », précise-t-elle. 

Enfin, les réquisitions de la Procureure : « 36 mois de prison, dont 30 mois avec sursis avec 3 ans de probation, l’indemnisation des demandes de toutes les victimes, l’interdiction de contact avec les victimes, une amende de 15 000 euros, car sa retraite anticipée empêche une nouvelle procédure disciplinaire, et l’interdiction de reprendre un travail dans la fonction publique, tout comme dans un service d’une Police municipale ». 

« On fait du Droit, pas de la morale », Maître Pietzak

L’avocat de la défense réitère son allégation d’une vengeance interne avec un dossier à charge, sans le souci du contradictoire. « Il n’y a que des témoignages à charge, on n’a même pas essayé de contacter l’ancien Commandant de Gendarmerie. Ce procès verbal est une honte au Droit avec des question ouvertes.  En ce qui concerne l’expertise médicale, je n’ai jamais vu un commentaire comme celui là, même aux assisses, et là je me retrouve comme un con sans un Droit à une contre-expertise ». 

Son emprise sur ces personnes vulnérables transpire durant l’audience, mais parle-t-on d’un cavaleur invétéré ou d’un prédateur sexuel ? Tout cela est en lien avec les déclarations durant les auditions « il ne m’a pas forcée »… « il m’a sauvée »… « Je ne vois pas des faits punis par la loi ». L’empathie est de mise, « nous sommes dans des relations consenties ! Casanova, si vous voulez Mme la Présidente. Non, ce c’est pas un monstre et vous savez Mme la Présidente que ce n’est pas le nombre qui constitue l’infraction », précise l’avocat.

Ensuite, il remet sur la table les prescriptions de plusieurs dossiers, car pour lui, chaque dossier est unique et indépendant. « Ici, on fait du Droit, pas de la morale », conclut-il.

Dans cette optique, le seul délit reconnu est la consultation des fichiers protégés. Pour le reste, Maître Pietzak demande la relaxe de son client pour l’ensemble des demandes du Procureure : Abus de faiblesse, d’harcèlement (sur 1 dossier),  et usage de données personnelles collectées dans un cadre professionnel à d’autres fins.

Le verdict sera prononcé le jeudi 30 mai à 13H30 au TGI de Valenciennes.

Daniel Carlier

 

 

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