(Mortagne-du-Nord) Michel Quiévy, dernier cri avant la fin de vie… d’un maire en ruralité !
L’information du jour devrait être que le maire sortant, Michel Quiévy, 75 ans, après 7 mandats d’élu dont 4 de maire ne souhaite plus repartir au combat en mars 2026 sur la commune de Mortagne-du-Nord. Elle pourrait être aussi qu’à ce stade, il est extrêmement difficile de trouver d’autres candidats ou candidates pour prendre la suite. Cette commune sous tutelle de l’Etat en mars 2026 n’est donc plus une lointaine éventualité, mais une probabilité forte. Et bien non, l’actualité est une prise de parole d’un édile en colère sur la situation d’une commune rurale pauvre, pas d’une collectivité locale résidentielle (comme Sebourg), mais du coeur battant des 30 000 à 31 000 communes rurales françaises, petites, sans-le-sou, avec un ressentiment d’abandon puissant, ancré, quasi tatoué sur la peau des élus d’un conseil municipal de proximité !

Michel Quiévy ou la chronique de la descente en eaux profondes de la ruralité française !
Ancien « déclarant en douane » dans le secteur privé, Michel Quiévy jette un regard dans ce rétroviseur du XXème siècle où « nous aidions à la déclaration des marchandises des camions, des trains, et des péniches. Mortagne-du-Nord était le 2ème site de batellerie en France avec énormément de transport de céréales », explique le maire. Puis, le 02 janvier 1993, c’est la fin des frontières intérieures dans l’Union européenne avec 5 000 licenciements dans le Nord et 45 000 au niveau européen, un bouleversement majuscule.
Avant cette date fatidique, Michel Quiévy était devenu en 1983 conseiller municipal, puis au mandat suivant adjoint aux finances, et encore un nouveau mandat aux finances et fêtes et cérémonie. En 2001, pour son 4ème mandat local, il est élu maire en même temps que l’avènement des intercommunalités, La Porte du Hainaut en l’occurence pour Mortagne-du-Nord. Son 1er mandat de maire a été « très sportif avec en 2003 un budget non voté. La Chambre Régionale des Comptes est venue assurer le fonctionnement et un nouveau budget supplémentaire est passé en septembre 2003 », souligne Michel Quiévy. Et a contrario où de nombreux maires sont rattrapés par l’usure du temps (politique), des polémiques, voire des casseroles judiciaires, une seule liste existe depuis 2008 sur ladite commune jusqu’à aujourd’hui avec un « conseil municipal très constructif. »
« Nous sommes complètement abandonnés par l’Etat, c’est honteux », Michel Quiévy
Malgré la fin d’un mandat extraordinaire avec la Covid, l’impact de la guerre en Ukraine…, Michel Quiévy demeure un écorché vif dès que vous abordez la situation de sa commune de coeur. « Nous avons été éjectés des QPV (Politique de la Ville) en 2019. Pourtant, nous avons tous les critères pour en bénéficier : 44% de nos administrés en difficultés financières, beaucoup de chômage, taux élevé d’incivilité et d’insécurité, etc. Malheureusement, nous sommes une commune rurale isolée », commente le maire, et une collectivité locale entourée de communes moins pauvres. De plus, dans les nouveaux quartiers prioritaires, version 2030, le système de veille encore valable jusqu’en 2023 a disparu où figurait encore Mortagne-du-Nord, une façon de raccrocher certaines dotations. « Nous sommes complètement abandonnés par l’Etat, c’est honteux », tance Michel Quiévy. Sur la sécurité, il n’est pas plus tendre, malgré « le travail remarquable des gendarmes. Il y a 25 postes, mais ils gèrent à 17,18 ou 19 la sécurité cette zone rurale. Certes, il y a eu l’inauguration de la nouvelle Gendarmerie à Lecelles, mais ils sont en sous-effectif », poursuit-il.
Située juste derrière quelques communes du Denaisis, Mortagne-du-Nord est la 4ème, sur 47 communes, sur l’IDH (Indice de Développement Humain), c’est un chiffre exécrable. En fait, c’est une poche de pauvreté, géographiquement enfoncée dans le territoire belge. Malgré la présence d’un collège de qualité, Fernig, cet établissement ne bénéficie pas non plus d’un classement en REP (avec dédoublement des classes), car les collectivités locales de provenance des collégiens sont moins en difficultés financières que Mortagne-du-Nord, un classique du tableau excel budgétaire.
Si vous ajoutez la récurrente baisse de la DGF, comme dans bien d’autres communes, où Mortagne-du-Nord a vu fondre en 12 ans sa dotation de 277 000 euros à 124 000 euros. Vous avez le cocktail d’une commune de moins de 2 000 habitants (1590 habitants) en souffrance sociale profonde. Bien sûr, il existe une Dotation de Solidarité Rurale, mais elle est de « 15 euros par habitant ! Par contre, la Dotation de Solidarité Urbaine est beaucoup plus élevée sur certaines collectivités locales du Hainaut », déclare le maire. Avec un sens certain de la formule, le maire n’hésite pas à attaquer l’Etat de proximité : « C’est le ou la Préfet à l’inégalité des chances. »
Enfin, dans le domaine de la loi des séries, l’édile rappelle que sa commune subit… « la récupération des boues à sécher (long reportage ci-joint https://www.va-infos.fr/2019/12/15/le-silence-des-boues-sur-mortagne-du-nord-et-chateau-labbaye/)… ! »
« Gérer l’indispensable, mais il ne faut pas se louper », Michel Quiévy
Pour autant, la majorité municipale a déroulé son programme avec un Point Rencontre Jeunes, des rénovations de voiries, un nouveau bâtiment périscolaire, et surtout une maison médicale dont le succès est remarquable. A l’heure où la désertification médicale constitue un sujet urbain et rural, la mise en oeuvre d’une solution pour y pallier est un devoir. « J’ai anticipé, il faut tirer la charrette avant les autres. Aujourd’hui, j’ai 5 médecins, 1 dentiste, et 20 paramédicaux. On vient du Quesnoy, voire du Pas-de-Calais (et de Belgique), car ils ont environ 8 000 patients à ce stade https://www.va-infos.fr/2021/04/11/la-sante-gravit-la-mortagne-dans-lamandinois/ », souligne le maire.
Ensuite, l’intercommunalité est devenue la bouée de sauvetage des petites communes face à cette contraction budgétaire significative. « Nous bénéficions du fonds de concours pour soutenir nos projets, mais également d’un fonds spécial à la ruralité sans oublier le dernier dispositif Booster pour 2025. » Tout au long de ces mandats avec la CAPH à ses côtés, Mortagne-du-Nord a vu la construction d’une halle, la plus grande du territoire de 525 M2, voire de la rénovation de l’église, la touche Alain Bocquet, même « si j’étais défavorable au début. Puis, j’ai opté pour cette rénovation en deux temps », ajoute le maire.
Plus globalement, le maire insiste sur les budgets locaux où chaque premier magistrat doit « gérer l’indispensable, mais il ne faut pas se louper. Concernant la sécurité, j’ai 24 caméras sur 1KM2, mais ce n’est pas assez. Il y a encore des coins oubliés ! »
« Tout le monde hésite (à se présenter) », Michel Quiévy
Pour conclure cette interview éclairante sur la vie de milliers de collectivités rurales en France métropolitaine et en Outre mer, le maire réitère son souhait de ne pas se (re)présenter en mars 2026 aux élections municipales. « J’ai 75 ans, des enfants dans d’autres régions, je veux privilégier ma vie de famille. Je suis maire, 1er vice-président (non carté) de La Porte du Hainaut en charge de l’emploi, ESS, et l’insertion, mais aussi dans plusieurs commissions (finances, logement, Politique de la Ville, la santé…). En fait, je n’ai pas pris de vacances (en été) depuis 40 ans. »
Face à ce retrait bien légitime, Michel Quiévy constate que compte tenu des contraintes liées à la fonction… « tout le monde hésite. Actuellement, il n’y a personne pour s’engager à (re)prendre la fonction de maire. J’ai subi un incendie volontaire de ma maison, deux menaces de mort et deux agressions physiques, et j’ai porté plainte à chaque fois ! », dit Michel Quiévy, une phrase résumant toute l’histoire d’une ruralité abandonnée… ! Ni majorité, ni opposition, le sentiment du vide républicain sera le fait politique majeur de cette élection de proximité en France, loin des grandes batailles municipales à Paris, Marseille, et Lyon qui occuperont toute la sphère médiatique pendant que la France des territoires crève en silence… !
Oui, la Grande Démission, c’est en mars 2026. Sur le Valenciennois, vous avez déjà trois annonces officielles, celle de l’édile d’Hérin, d’Artres, et donc de Mortagne-du-Nord, mais la liste va se poursuivre inexorablement, sans oublier une réduction drastique du nombre de candidat(e)s sur la ligne de départ aux municipales 2026.
Résultats du Rassemblement National aux 3 dernières législatives : RN 21,33 % en juin 2017, RN 32,25% en juin 2022, RN 55,61% en juillet 2024…
Daniel Carlier