Outinord, le terrain judiciaire dans l’opacité d’une cession de titres
Ce mardi 02 septembre au TGI de Valenciennes, le parcours judiciaire de l’entreprise Outinord a continué dans toute sa complexité, un PSE toujours nébuleux, mais également un projet de cessions de titres entre l’actionnaire majoritaire et le créancier principal contesté par les élus du CSE (Comité social et économique) d’Outinord. En l’espèce, l’objet du recours au tribunal pointe du doigt un manque d’informations présumé fourni aux salariés élus afin de procéder à cette opération financière.

Avocat Outinord : « Le CSE vient chercher de la transparence au tribunal »
Pas facile de conserver une boussole dans ce magma procédural où l’entreprise Outinord, spécialisée dans la fabrication de coffrages destinés aux chantiers, est au coeur de l’actualité judiciaire. Dans l’épisode précédent, le juge a donné raison au CSE dans sa volonté d’obtenir l’ensemble des documents pour comprendre les tenants et les aboutissants de cette cession de titres. Cette fois, le CSE met en exergue une insuffisance d’informations du CSE concernant cette opération. « Le CSE vient chercher de la transparence au tribunal », déclare l’avocat du CSE.
Le PSE et la cession de titres, destin croisés !
Pour comprendre ce dossier kafkaïen, revenons sur ce calendrier où deux procédures presque concomitantes s’entrecroisent, s’entremêlent !
Concrètement, le 15 avril 2025, la Direction de l’entreprise Outinord annonce la suppression de 120 emplois sur 143 existants sur le site. Puis, deux réunions dont celle socle du 30 avril 2025 toujours relative à un futur PSE (Plan de sauvegarde de l’emploi). A compter de cette date, la Direction a trois mois pour faire valider son PSE, donc le 30 juillet 2025 et la DREETS (Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) a 21 jours pour signifier son accord, l’absence de réponse de la DREETS vaut rejet en l’espèce…
Sauf que la réunion du 30 juillet abouti à une situation ubuesque, la réunion Direction/CSE tourne court avec un report le 29 août 2025, donc un « PSE hors délais de trois mois », mentionne l’avocat. A ce stade, le PSE pourrait être en cours de dépôt, mais ce matin 02 septembre 2025 les représentants des salariés n’avait toujours pas reçu celui-ci.
Et la cession de titres vient s’incruster dans ce calendrier touffu. En effet, le 27 mai 2025, la Direction de l’entreprise vient informer les représentants des salariés qu’une cession de titres est envisagée entre le Groupe SKENA, détenue par une holding de capital-investissement reconnue Equistone Partners, et un fonds d’investissement. En fait, ce dernier a permis l’acquisition d’Outinord Saint-Amand-les-Eaux en 2021. A la surprise des élus du CSE… cette nouvelle composante intervient dans ce logo financier. En effet, le fonds d’investissement LGT Capital Partners (Fonds situé dans la principauté du Liechtenstein) a été l’instrument de ce montage financier visant à prendre le contrôle de l’usine de Poitiers (autre entreprise spécialisée) et de celle sur Saint-Amand-les-Eaux. « Nous avons pris connaissance de cet emprunt de 90 millions d’euros auprès de ce fonds d’investissement LGT/AXA le 27 mai 2025. Aujourd’hui, le Groupe SKENA souhaite un abandon de la dette, arrivée probablement à échéance, et une conversion en capital en faveur du fonds LGT Partners à hauteur de 99,7 millions d’euros. Cette information est un choc total pour les salariés ! », ajoute l’avocat.
D’autres dates s’entrechoquent dans ce dédale procédural où le CSE estime « ne pas détenir assez d’informations pour donner son avis (obligatoire sous 30 jours à compter du 27 mai 2025) sur cette cession de titres », ajoute l’avocat. C’est le point central de cette audience de ce mardi 02 septembre 2025.
« La société a été diligente, loyale et a donné toutes les informations », avocate Groupe Skena
Bien sûr, l’avocate du Groupe SKENA dément totalement une carence d’informations, le 27 mai 2025, concernant cette cessions de titres. « Nous constatons que le CSE ne veut pas jouer son rôle, celui de débattre avec la Direction », assène l’avocate.
L’argument induit dans cette cession de titres est également la situation financière d’Outinord. « En 3 ans, Outinord a enregistré 14 millions de pertes. La situation économique est catastrophique. De notre côte, nous avons à prendre des décisions difficiles, mais souhaitons maintenir l’emploi (sur Poitiers) en sous-traitant les commandes dévolues à Saint-Amand-les-Eaux. Cette cession de titres marquerait l’abandon de la dette plus de la trésorerie à hauteur de 11 millions d’euros pour le PSE et l’activité restante », explique l’avocat.
Les interventions des avocats ont été très techniques sur la procédure à respecter, notamment avec un débat très juridique sur le distinguo entre l’information et le document… ! Bref, le jugement est attendu pour le 07 octobre 2025. « Un calendrier intéressant pour le CSE puisque la Direction souhaite boucler cette opération avant le 15 octobre. Un jugement favorable au CSE remettrait donc en cause cette cession de titres », conclut Ludovic Bouvier, responsable régional CGT Métallurgie.
Daniel Carlier