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Serge Moreau quitte à regret la présidence du Tribunal de Commerce

Le Tribunal du Commerce de Valenciennes effectuait sa rentrée solennelle ce mardi 08 janvier, un temps fort dont les ingrédients 2019 avaient cette année une tonalité particulière. En effet, Serge Moreau atteint par la limite d’âge a laissé la présidence à Jean-Louis Equipart.

Serge Moreau : « 13 années de présidence, des centaines, voire des milliers de souvenirs »

On pourrait croire qu’après 17 ans de juridication, dont 13 années de présidence d’un Tribunal de Commerce de la dimension de celui du Valenciennois et de l’Avesnois, pousserait Serge Moreau à laisser son siège avec un soulagement non dissimulé ! Que nenni, ce passage de témoin contraint par les dernières dispositions du législateur laisse Serge Moreau très amer : « Je regrette ces dispositions que nous avions combattues, car cette sortie de la juridiction en cours de mandat pour lequel nous avons été légitimement élus, n’est pas bienveillante, et constitue un manque de respect pour ces juges qui se sont dévoués pendant des années, bénévolement, au service de la justice ».

Serge Moreau

D’ailleurs, cette amertume a vite laissé place à l’émotion et quelques larmes. Serge Moreau était passionné par cette fonction, il l’a incarné durant plus de dix ans, il a voulu à cette occasion remémoré quelques bouleversements de cette institution. En 2009, la nouvelle carte judiciaire voulue par Rachida Dati fut vécue comme un tsunami administratif. « Il a fallu absorber la chambre commerciale du Tribunal de Grande Instance d’Avesnes sur Helpe, il s’agissait d’un défi », souligne Serge Moreau. Cette mutation s’est accompagnée d’une hausse de l’activité du Tribunal de Commerce de 40%, et d’un passage de 13 à 22 juges, une révolution interne !

Ensuite, Serge Moreau souligne l’apport du Tribunal de Commerce au niveau national : « Grâce à un travail en commun avec les procureurs successifs, et l’apport du vice-procureur Delattre, nous avons fait évoluer nos procédures. Nous avons été précurseurs dans de nombreuses matières ».

Serge Moreau a mis également en exergue cet esprit collaboratif entre le Ministère public et cette juridiction.   «  J’ai connu 5 procureurs durant mes treize années de présidence. Je ne cesse de le répéter, mais  je considère que la présence du Parquet devant les tribunaux de Commerce est une chance et contribue à l’amélioration des juridictions consulaires. De même, je suis très touché par l’intérêt du Président du Tribunal d’Instance à l’élection de nos nouveaux juges consulaires, et hier à la rencontre de mon successeur  » , commentait Serge Moreau.

Pour sa part, Jean-Philippe Vicenti, Procureur de la République de Valenciennes, ne fut pas avare de compliments. « J’étais encore en fonction à Beauvais, et j’entendais déjà parler du président Moreau à Valenciennes. Je tiens à saluer son sens professionnel et l’homme au service d’un grand resort judiciaire depuis 2009. De plus, la qualité du travail judiciaire tout comme le délai de gestion des affaires est remarquable ». Le domaine des défaillances des entreprises, et par suite de la prévention nécessaire, fut particulièrement travaillé durant toutes ces années. « D’ailleurs, en 2018, j’observe une baisse de 6% des défaillances d’entreprises, mais également une hausse de l’activité économique, la plus forte depuis  2014 », ajoute le Procureur de la République.

Pour égayer cette passation, on citera la phrase mythique du film « Les Tontons Flingueurs », la fameuse « les droits de succession commencent sévères… » !  En effet, la succession de Serge Moreau par Jean-Louis Equipart s’annonce rude même si son passé de juge consulaire depuis 2005 plaide ô combien en sa faveur.

« A Valenciennes, les cheveux poussent plus vite qu’ailleurs », Jean-Philippe Vicenti

Le Ministère public profite de cette rentrée solennelle pour annoncer quelques lignes directrices pour cette année 2019. En effet, le Procureur de la République s’étonne d’une singularité locale. « A Valenciennes, je trouve très étonnant le nombre de coiffeurs. Les cheveux poussent plus vite qu’ailleurs. Durant cette année 2019, je vais surveiller cette concurrence insupportable pour ceux qui s’acquittent de leurs charges etc. ». 

Ensuite, le Procureur de la République souligne, comme toutes les composantes de cet organe de justice commerciale, la qualité du travail du Greffe. « Maître Renard, c’est un peu le Lucky Luke du Greffe. Je reçois un rapport le mardi d’une audience se déroulant le lundi ».

« Cette confiance économique en 2018 peut-être remise en cause par le mouvement des Gilets Jaunes », Jean-Louis Equipart

La prise de fonction de Jean-Louis Equipart s’est opérée devant une assistance fournie avec tous les corps intermédiaires du Valenciennois. Cinq nouveaux juges consulaires arrivent dans cette nouvelle équipe, Didier Gillet, Marc Santoire, José Vasquez, Jean-Marc Bourre, et Jean-Luc Flamme.

Jean-Louis Equipart

Il revient à la nouvelle présidence de livrer les enseignements de cette année passée. «  Les défaillances économiques ont diminué de 15 % en 4 ans. La reprise économique en 2018 est là. Par contre, cette confiance économique en 2018 peut-être remise en cause par le mouvement des Gilets Jaunes. Ces manifestations ont eu un impact très significatif sur les professionnels du secteur. Dans cette optique, nous allons accompagner les entreprises en difficultés ». Plus que jamais, si vous êtes chef d’entreprise et que vous connaissez des difficultés, n’hésitez pas une seconde à prendre attache avec les services du Tribunal de Commerce « pour un entretien en toute confidentialité », précise Jean-Louis Equipart.

Par ailleurs, le nouveau président tacle la loi PACTE, votée le 09 octobre 2018, car elle réduit par différentes mesures les signaux d’alerte. En effet, l’assouplissement de l’obligation du commissariat aux comptes avec l’introduction de seuils en deçà desquels la désignation d’un CAC n’est plus indispensable est actée pour certaines sociétés « cela réduit les signaux d’alerte pour la prévention des entreprises en difficultés », souligne Jean-Louis Equipart. Dans la foulée, un stage de 30 heures de formation pour le chef d’entreprise est supprimé… ! En résumé, la réduction des coûts pour l’entrepreneur au détriment des éléments constitutifs de sa longévité, est-ce une bonne nouvelle pour le chef d’entreprise, rien n’est moins certain !

D’autres mesures de la Loi Pacte trouvent un crédit auprès du nouveau Président comme « l’obligation de formation des juges consulaires ». Par ailleurs, la dénomination de cette institution va sans doute évoluer .« Le Tribunal de Commerce sera peut-être demain le Tribunal des activités économiques ou le Tribunal de l’entreprise », déclare Jean-Louis Equipart.

Cette tranche de vie d’un juge consulaire devenu président, durant plus de dix ans, demeure un baromètre de cette institution singulière française, parfois enviée, dont l’objet est la défense des entreprises, de ses dirigeants « et des emplois, on ne le dit pas assez », souligne sur ce point le Procureur de la République.

Serge Moreau laissera une trace indélébile dans la vie tourmentée du Tribunal de Commerce de Valenciennes, une page se tourne avec une nouvelle histoire à écrire par Jean-Louis Equipart au service de l’activité économique.

Daniel Carlier

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