Amandinois

Et si nous parlions de religion ensemble !

Dans le cadre de l’opération « Saint-Amand nombril du monde », un débat interreligieux autour de la paix était organisé dans la cité thermale en présence de Monseigneur Dolmann, évêque du Diocèse de Cambrai, Frédéric Verspeeten, pasteur et président de la conférence mondiale interreligieuse, Elie Dahan, Grand Rabbin de Lille, Hamza Gharbi, Aumônier musulman de l’Hôpital Jeanne de Flandre, et René Nouailhat, historien des religions.

René Nouailhat : « Parler de religion est devenu anxiogène. Pourtant, connaître les religions est indispensable ! »

S’entendre, s’écouter, se comprendre, accepter les différences d’un rite religieux à l’autre, voire ne pas croire, le challenge est immense, mais le pasteur  Frédéric Verspeeten tempère ce constat : « En France, nous avons une liberté religieuse, il y a une tolérance possible. La liberté de penser est un luxe ». Par contre, d’un point de vue plus large « arrêtons d’imposer une religion, nous vivons cela. Il faut rester vigilant. Plus de 100 pays dans le monde n’ont pas de libertés religieuses ».

Bien sûr, les différences entre les religions sont multiples, dans les textes, les rites, mais au fond du fond « lorsque nous sommes dépouillés de tous nos dogmes, nous avons la même solidarité et fraternité, cette capacité à vivre ensemble ».

Pour sa part, l’aumônier, Hamza Gharbi, souligne la problématique d’une domination d’une religion par rapport à l’autre : « C’est croître ou de ne pas croître, l’homme est complexe, mais il ne faut pas rendre Dieu coupable de ce qu’on est capable ». Il évoque également Abraham, l’ami de Dieu dans la traduction, et prophète au carrefour de multiples religions monothéistes.

Pour sa part, le Grand Rabbin, Elie Dahan, rappelle un pilier de la croyance. « Le fait que Dieu soit un seul spécimen donne de la valeur à l’individu, un seul individu sauveur de l’humanité. Pourtant, avons-nous retenu la grande leçon des guerres de religions ? ».

Ce fait religieux est en décalage total avec les religions polythéistes avec plusieurs dieux ou divinités.

« D’ailleurs, nous n’avons aucun mal à évoquer à l’école les religions de l’antiquité. Par contre, parler de religion d’aujourd’hui est devenu anxiogène. Pourtant, connaître les religions est indispensable ! », constate avec une amertume non dissimulée René Nouailhat. Le barrage de la laïcité au sein de l’école publique occulte tout enseignement des différentes religions. « Les religions font peur aujourd’hui », ajoute-t-il.

La laïcité, vocables contradictoires !

L’historien s’attaque, selon lui, à une différence sémantique incompatible entre le mot laïc et laïque. « Le mot laïc est un vocable chrétien afin de séparer le temporel et le spirituel, une séparation stricte. La laïcité devient répressive. Ensuite, vous avec le mot laïque, d’origine grecque, signifiant tous ensemble, c’est le contraire de la séparation. C’est la définition inclusive de la laïcité. Globalement, on ne peut au singulier faire des choix qui se vivent au pluriel », assène René Nouailhat.

Ensuite, il défend avec force l’étude approfondie des religions, car « la religion sommaire, c’est le fondamentalisme ». Sur ce point, la connaissance du fait religieux, croyant ou pas, constitue un argument de poids. Rappelons la citation dans un autre contexte d’Abraham Lincoln : « Si vous trouvez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance ! ».

Le dialogue entre les religions

« Le dialogue entre les religions est difficile. Aujourd’hui, la religion est un sujet tabou », explique Hamza Gharbi. Ensuite, il fustige une société de l’immédiat. « Hier, vous aviez l’Homo Sapiens, celui qui attendait l’exécution complète d’une tache avant de passer à une autre ; aujourd’hui, vous avez l’Homo Zapiens, celui qui veut accéder à tout sans jamais rien approfondir », claque-t-il sous les applaudissements nourris dans la salle Jean Ferrat, pleine comme un oeuf, mais sans jeunesse.

Pour sa part, Frédéric Verspeeten, fait la promotion « du dialogue nécessaire entre les églises. Tout est écrit (en référence aux différents texte religieux), mais rien n’est écrit par définition ».

Monseigneur Dollmann abonde : « Nous réduisons la connaissance à une rationalité. Il faut élargir la connaissance ». Il cite Louis Pasteur « peu de science éloigne de Dieu, beaucoup en rapproche ».  L’étude de la Bible, livre carrefour des religions, est instructive, croyant ou pas. « Aujourd’hui, les jeunes résument la religion aux interdits », ajoute-t-il.

« Il existe une inculture religieuse évidente, alors qu’il est nécessaire de connaître le fait religieux. Cela permet l’acceptation de l’autre », déclare Elie Dahan. Ces paroles sonnent comme un hymne à l’écoute des peuples, et des pratiques religieuses différentes, et en aucun cas incompatibles sur leurs fondamentaux.

Enfin, l’historien René Nouailhat conclut avec force cette quête de l’autre, cette main tendue vers la connaissance, cette entente des religions : « Quand on dit, je crois. On ne dit pas, je sais ! ».

A l’initiative d’Alain Bocquet, ce débat interreligieux autour de la paix est rare dans une commune. Sur le dogme d’une république laïque, on préfère l’ignorance aux constitutifs d’une religion, son coeur intrinsèque. Le résultat est simple, les français en majorité ignorent les contenus d’une croyance religieuse, ne comprennent pas les hostilités, les mouvements intégristes, etc. Pourtant, une république laïque ne doit pas être celle de l’ignorance. Le danger est papable, un moins de 25 ans ne connaît pas le pourquoi d’une commémoration comme le 8 mai par exemple, pense que la Shoah est peut-être le nom d’un jeu vidéo… !  Alors comment pourrait-il apprécier objectivement un propos religieux dans son contexte même sous la tutelle de la laïcité, pilier de notre constitution ?

Daniel Carlier

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