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Un rapport de la CRC très éclairant sur la vie démocratique à Valenciennes

Au delà des envolées toniques d’une majorité municipale voire d’une opposition dans un conseil municipal, le juge de paix est à chaque fois le rapport de la Chambre Régionale des Comptes composée de magistrats indépendants. Souvent sur 3 ans, ce rapport de la CRC s’étend sur l’ensemble du mandat 2014/2020 à Valenciennes, ceci permettant une analyse au delà des chiffres où leur approche est trompeuse de sens dans la vie d’une commune. On peut dire que le CRC a eu le nez creux en contrôlant l’ensemble d’une mandature à Valenciennes. Regardons les points forts, les points faibles, voire les fils rouges assez perturbants dans la ville phare du Valenciennois (visuel étang du Vignoble).

La Chambre Régionale des Comptes : « Faire partager au Conseil municipal la stratégie d’investissement, sa programmation pluriannuelle, et sa mise en oeuvre »

Clairement, il faut dépasser la note de synthèse assez flatteuse où l’aspect affichage l’emporte, et se plonger dans les tréfonds de ce rapport de la CRC très bien construit. Rappelons que ces juges indépendants n’assistent pas aux conseils municipaux, leur appréciation est portée par des faits, rien que des faits !

Ensuite, l’intérêt de ce rapport n’est pas l’évocation de l’impact de la crise sanitaire où la commune de Valenciennes, comme toutes les collectivités locales du Valenciennois et les deux agglo, fut au rendez-vous du soutien à l’économie de proximité. De même, l’impact sur la baisse sur les recettes, une baisse massive des dépenses d’ordre général, une hausse exponentielle des dépenses sanitaires, une adaptation au quotidien face à une crise inédite, chaque maire aux manettes durant ce confinement 1 se souviendra durant toute son existence cette tranche de vie singulière. Pourtant, tout cela n’est pas une nouvelle sortant de l’extraordinaire communale durant cette période.

Tout d’abord, jetons un oeil sur trois thématiques baromètres dans un budget municipal, la capacité de désendettement, la maîtrise de la masse salariale, et l’investissement. Ensuite, une philosophie de fond se dégage de ce rapport où le dessein municipal n’est pas visiblement de partager un consensus éclairé, un débat constructif, mais d’imposer un choix politique, ce qui en soit est normal, mais sans vouloir assumer aucune critique en amont, tout juste dans le climat corseté d’un Conseil municipal, mais en aucun cas par les administrés. La logique du coup par coup, mais surtout celle du coup parti… Emmanuel Macron l’a appris en novembre 2018 au détour d’une hausse de carburant, empreinte d’une vertu écologique, mais incomprise par les populations. Des mois de tensions sociales où le Gouvernement a appris des choses, corrigé certains dysfonctionnements, mais visiblement rien n’est arrivé au pied de l’hôtel de ville de Valenciennes, même des juges indépendants le mentionnent, c’est dingue !!!

La capacité de désendettement en trompe l’oeil en 2019

Ce chiffre indique la capacité d’une commune à rembourser sa dette si à l’instant « T » la commune devait rembourser intégralement sa dette aux finances publiques. 12 ans est synonyme d’une côte d’alerte et 15 ans la mise sous tutelle de la commune. En l’espèce, la ville de Valenciennes en 2014 pouvait rembourser sa dette en 5,36 années en 2014, 5 en 2018, et 5,49 en 2019, un chiffre très satisfaisant, mais le juge précise clairement « que ce chiffre est due à une excellente épargne brute (produits exceptionnels de 4 millions d’euros)».  De plus « sans les indemnités d’assurance perçues (2019) à hauteur de 3,7 millions d’euros, cette capacité de désendettement aurait été de 7,4 années ».

Toutefois, le juge mention également « les recettes propres d’investissement seraient supérieures aux prévisions, permettant une réduction de l’encours de la dette et ramènerait la capacité de désendettement à 6,3 années en 2020 ».

La maîtrise de la masse salariale

Dès la 2ème année de contrôle de la CRC, ce rapport pointe du doigt une politique de réduction des emplois titulaires et non titulaires, on passe en 2014 de 743 titulaires, 233 non titulaires, soit 976 agents en 2014 à 681 titulaires, 196 non titulaires, donc 877 agents en 2019. La CRC note toutefois un transfert de 15,7 ETP (Equivalent Temps Plein) vers des services mutualisés de Valenciennes Métropole, tout en « constatant une hausse durant l’année 2018 et 2019 ». La municipalité a répondu « qu’une baisse (drastique) des emplois aidés, entre autres » explique cette hausse…, le lot commun des 35 500 communes françaises. Globalement, c’est une très bonne note sur cet item pour la commune.

Rappelons que la maîtrise de la masse salariale, et plus globalement des charges de fonctionnement, constitue le socle sine qua non d’une capacité d’investissement.

La gestion du stationnement

Avant d’aborder l’investissement, notons que la CRC étrille la gestion du stationnement par la ville de Valenciennes avec un volet investissement non négligeable. Un sujet sensible dans toutes les communes, mais pour lequel la ville a construit un puzzle gestionnaire rocambolesque. Depuis 1999, la ville de Valenciennes avait confié pour 20 ans une DSP à la SAEM Valenciennes Stationnement. La CRC point du doigt un regard laxiste de la ville se contentant d’un flux financier intéressant « au détriment d’un contrôle rigoureux, des rapports transmis hors délais… avec des résultats financiers incomplets. Il est donc indispensable d’assurer cet équilibre en globalisant les résultats du stationnement et en voirie ». Pour un enjeu majeur affiché par la ville de Valenciennes, cela fait vraiment désordre pour ne pas dire d’un grand amateurisme.

En 2019, la SAEM cède la gestion de ses espaces de stationnement à une SPL (Société Public Local). Certes, cet outil juridique de droit privé (venu de l’Europe) est très prisé en France, mais pourquoi diable ne pas tout transférer y compris le nouveau parking de l’Arsenal. Non, la ville a choisi de maintenir la SAEM, une vieille coquille avec un seul parking à gérer, celui de l’Arsenal. « L’existence d’une SAEM dont l’actif unique est un parking (Arsenal) n’a pas de sens dans un contexte où la SPL est délégataire de la quasi-totalité de l’enjeu lié au stationnement en ouvrage et en surface ». La ville a répondu « qu’elle oeuvrait rapidement à la cessation d’activité de la SAEM »… depuis 2019 !

On ne s’étonne plus du projet de suppression du parking avec la rotation la plus forte sur la commune, celui de la Place du Hainaut, en visant un transfert modal vers le Parking de l’Arsenal. C’est une illusion complète à l’heure où le commerce de centre-ville se porte si bien… ! Bien sûr, cette petite ligne ne figurait pas dans le programme du candidat maire puisque c’est le SIMOUV qui opère avec à sa tête l’ancien adjoint aux commerces, Guy Marchant.

En résumé, pour critiquer une stratégie, faudrait-il qu’il y ait autre chose que des raisons d’actifs budgétaires dont n’ont que faire les chalands sur une ville de centralité, et des commerçants qui en dépendent. Là, on est proche du zéro pointé… !

Une stratégie d’investissement

La CRC chiffre un investissement très solide de 2014 à 2019 à hauteur de 175 978 305 euros. Pour autant, elle commente un PPI (en interne) « harmonieux », mais se révélant au final très faible en début de mandat et s’accélèrant en 2018 et 2019 « suivant un cycle électoral ». En résumé, l’investissement structurant au service de l’administré n’est pas réalisé dans les meilleurs délais, mais dans les meilleurs temps de passage pour communiquer massivement juste avant l’échéance électorale quitte à bousculer une ouverture du Centre aquatique Charles Nungesser malgré des incidents majeurs en décembre 2019 nécessitant des réparations très conséquentes et des choix techniques.

Incontestablement, le volume d’investissement est là, et pour autant la stratégie est difficilement lisible. Le juge commente « une insuffisante information à l’assemblée délibérante, uniquement dans le ROB, mais sans le détail, sauf en 2020 » d’où la recommandation de Droit de la CRC « Faire partager au Conseil municipal la stratégie d’investissement, sa programmation pluriannuelle, et sa mise en oeuvre ».

Bien sûr, un édile fait des choix au mieux de ses administrés selon ses convictions politiques, c’est l’essence même de son mandat. Pour autant, les majorités en place présentent au Conseil municipal en début de mandat une stratégie d’investissement en corolaire d’un Plan Pluriannuel d’investissement, c’est la base d’un échange démocratique dans une assemblée délibérante…. !

Et surtout cela n’a rien à voir avec un programme électoral où nous voyons pour le maire de Valenciennes une distorsion entre le programme et la réalité. Preuve en est le sort du Mont de Piété pour lequel le rendu visuel fera le bonheur de quelques uns, mais ne sera plus le patrimoine de tous les Valenciennois. La politique de l’immédiateté à l’image d’une communication intégrale sur Facebook n’a pas essayé une action sur le temps long avec la Fondation du Patrimoine ou tout autre initiative en la matière, un consensus local sur cette pépite commune brisée pour un résultat de suite, mais pas de solution pour le bien public sur la durée… ! De même, la Place du Hainaut ne figurait pas non plus au programme 2020, car même sous le couvert d’un espace plus écologique, le commerce de centre-ville, le circuit court, va le payer très cher… !

L’idée qu’un mandat doit être parfait est une peur mal vécue. Oui, un maire peut faire des mauvais choix, prendre une mauvaise direction, l’assumer ou bifurquer grâce à l’écoute des oppositions, voire d’une partie de sa majorité libre de s’exprimer. Jean-Louis Borloo l’a vécu durant plus de dix ans, et plus encore Dominique Riquet dont l’exécution du chantier du tramway fut d’une grande douleur pour tous. Oui, des élus peuvent comprendre des aléas comme la construction d’une nouvelle piscine suite à un sinistre imprévu, voire d’un effondrement de la Basilique Notre Dame du Saint-Cordon

Est-ce le vécu d’un projet d’EHPAD de la Treille, initié par Dominique Riquet, aux abords du square Plumecocq avec un déchirement des riverains, des oppositions virulentes, et le choix du nouveau maire, Laurent Degallaix, en novembre 2012 de réaliser ce projet au bord de l’Escaut ? Toujours est-il que le catimini règne avec un Conseil municipal inactif, simple chambre d’enregistrement.

Au sein d’un corpus sociétal à cran, d’une crise sanitaire sur la longue durée, le besoin d’un partage des projets pour la population, sans dénaturer en rien les choix politiques de la majorité, est indispensable. La CRC note que cela n’est pas la pratique à Valenciennes, un commentaire extrêmement rare sachant que tout projet structurant avec une absence d’informations suffisante de l’Assemblée délibérante peut entraîner une annulation de la dite délibération par le Tribunal Administratif de Lille, c’est même un rendu classique que plusieurs édiles du Valenciennois ont dû subir, voire même le SITURV à l’époque. Quelle peur anime la gouvernance sous couvert d’une agressivité hors nome, le fameux « ça passe ou ça casse », assumer des erreurs glorifie mieux encore les succès d’une municipalité qui a incontestablement des réalisations de premier plan à son actif comme l’Hippodrome, voire un jour la résilience du Passage de la Paix », « les choses avancent positivement », disait en creux Laurent Degallaix.

Daniel Carlier

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