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Georges Maillot, clap de fin après 15 ans de présidence à l’APEI du Valenciennois

L’Assemblée générale de l’APEI du Valenciennois, le mardi 20 juin à Saint-Amand-les-Eaux, ne sera pas comme les autres puisque Georges Maillot, son Président en fonction depuis 2008, va cesser ses fonctions. Retour sur une présidence riche en événements, bousculée par la Covid, mais plus encore par un besoin structurel de rentrer complètement dans le XXIème siècle, bienveillance, exigence, et adaptabilité.

La singularité du Bureau de l’APEI de Valenciennois, renouvelé par 1/3 tous les 3 ans, est qu’il vote chaque année pour la présidence. Pas un détail de l’histoire tant les sujets sont nombreux, complexes, voire volontaristes où le collectif doit être soudé derrière les décisions de la Présidence : « J’ai été reconduit 15 fois de suite à la Présidence de cette association à l’unanimité », mentionne Georges Maillot. A savoir que la Présidence est assurée obligatoirement par un parent en charge d’une personne en situation de handicap mental, la déficience cognitive étant l’objet de ladite association, elle doit être vécue de l’intérieur pour les fondateurs de l’association en 1961.

En 2023, cette structure comprend 850 salariés et accueille environ 1 700 enfants et adultes durant l’année. D’ailleurs, cette montée en régime de l’encadrement a été (presque) le premier gros dossier du nouveau président : « J’ai proposé au Bureau le recrutement de postes clés dans plusieurs secteurs au sein de l’association ».

Autour de 28 établissements dans les communes historiques, comme Anzin avec son siège social inauguré en 2016, Saint-Amand-les-Eaux, voire Condé-sur-l’Escaut et Vieux-Condé, et d’autres sur le Hainaut, l’APEI du Valenciennois vit au quotidien les problématiques des familles, les aidants, et la vie d’une personne en situation de handicap mental dont la capacité à évoluer est variable selon les profils.

Pas assez de « Foyer de Vie » en France

En France pour une personne en situation de handicap mental, 20 ans est l’âge pivot. En effet, à cet anniversaire, vous passez d’une époque où l’Etat, via l’ARS (Agence Régionale de Santé), est l’acteur/financeur essentiel à une période plus complexe. « Dès mon arrivée en 2008, j’ai lancé une action pour éviter les « Cretons » (Amendement Creton). Dix ans plus tard, nous avons pu créer un sas pour les enfants de plus de 20 ans à travers l’IMPRO », précise le Président.

Sur cette frontière avant et après 20 ans, les chiffres sont édifiants : « Nous avons une liste de 560 personnes en attente pour un ESAT (Établissement et service d’aide par le travail) ». Là, nous parlons d’individus avec une capacité certaine à accomplir un travail, une tâche quotidienne. L’APEI du Valenciennois comprend 3 ESAT sur 4 communes. A noter tout de même une évolution positive importante, car un travailleur en ESAT peut aujourd’hui réaliser un essai en milieu ordinaire et revenir en établissement protégé. Ce n’était pas le cas précédemment où le voyage d’un travailler en ESAT vers le milieu ordinaire était sans retour. A l’heure où l’inclusion est prônée tous azimuts, cela semblait nécessaire face à la frilosité d’un voyage potentiellement dans le mur… !

Ensuite, vous avez les personnes de plus de 20 ans n’ayant pas la capacité suffisante pour travailler. En l’espèce, l’APEI du Valenciennois a un seul « Foyer de Vie », Hélios sur Hergnies avec 50 places, et la liste d’attente est exponentielle. Globalement sur le Valenciennois, même en prenant en compte les autres structures comme l’APEI du Denaisis, et autres associations, la capacité d’accueil des personnes de plus de 20 ans en situation de handicap mental est famélique d’autant plus que les jeunes français de moins de 20 ans, de retour de Belgique, arrivent en sus des demandeurs locaux.

« L’inclusion est complètement liée à l’autonomie », Georges Maillot

Très cruellement, l’Etat depuis 50 ans ne se posait pas trop la question sur le vieillissement de la population en situation de handicap mental puisque l’immense majorité, voire quasi la totalité, n’atteignait jamais 60 ans… 

Aujourd’hui, le chrono tourne dans le sens inverse, la durée de vie plus longue des personnes en situation de handicap mental est une réalité. « L’espérance de vie a évolué depuis 1930. En 2000, nous avons eu 2 départs à la retraite (55 ans-âge légal), 2020/2021/2022, nous avons eu 53 retraités, et 23 de plus en 2023 ». L’Etat prévoit 10 000 nouvelles places d’ici 2030 pour les polyhandicapés. Sur le Nord, le besoin est déjà de 5000 même si ce département est d’une extrême densité en terme de population. Le besoin est moins important sur d’autres territoires. « L’offre n’est pas du tout à la hauteur des besoins », commente Georges Maillot.

Toutefois, des raccourcis s’invitent dans la prise en charge quotidienne, comme un nouveau vocabulaire entendu et adapté à tous comme un règlement interne. Voilà un état des lieux agaçant particulièrement Georges Maillot. « Parfois, le mot inclusion est une insulte. Cette dernière est totalement liée à l’autonomie de la personne en situation de handicap. Ce terme tout seul ne veut rien dire. C’est du cas par cas », tance Georges Maillot. Effectivement, le mot inclusion dans le monde du handicap est servi à toutes les sauces comme si l’état de la personne était standardisé.

L’autre pan indissociable de la prise en charge des individus en situation de handicap mental est l’accompagnement des aidants. En effet, une espérance de vie supérieure implique des enfants handicapés mentaux quasi plus autonomes que leurs parents/aidants avec le temps, dans le cas où ces derniers ne décèdent pas avant. Là, on touche du doigt la quadrature du cercle dans la prise en charge en 2023… ! A ce titre, même l’encadrement évolue puisque la profession monte en compétences. « Aujourd’hui, devenir éducateur spécialisé nécessite un diplôme BAC + 3 », précise le Président.

Patrimoine et développement durable

Pas forcément des thématiques à première vue dans cet univers, mais lorsque vous avez 28 bâtiments à entretenir, sur 65 000 M2, le sujet de la gestion de patrimoine devient sérieux et central. « J’ai embauché une personne en charge du patrimoine de l’association », précise le Président. De même, cet item est en lien avec le lancement du « projet développement durable », en 2012, où toutes les actions de l’association, manifestation, management, condition de vie, infrastructures…doivent intégrer le volet environnemental dans l’élaboration du cahier des charges, du montage du dossier administratif souvent lourd, comme une partie indispensable à la réussite du projet in fine.

Des avancées notables

Pas un petit pas, mais un véritable virage citoyen, la reconnaissance de la personne en situation de handicap mental comme une électrice et un électeur lambda constitue une avancée historique.

Si un bout de chemin avait déjà été parcouru pour la présidentielle 2017 à travers une présentation des programmes présidentiel en mode « Facile à lire et à comprendre » a été effectuée au sein de l’association CREAI sur Lille, avec le partenariat de l’APEI du Valenciennois, cette fois la traversée est conséquente. En effet, la loi de décembre 2019 prévoit la participation pleine et entière, sans l’autorisation du juge des tutelles, à tous les scrutins au suffrage direct. Dorénavant, la personne en situation de déficience cognitive est considérée par notre corpus social comme un citoyen à part entière… « c’était déjà la cas pour tous les parents avant cette loi… », répond Georges Maillot. A noter que Fabien Roussel, candidat PCF à la Présidentielle en 2022 a demandé d’adapter son programme pour la Présidentielle au format « Facile à lire et à comprendre ».

Cette percée citoyenne est directement en lien avec l’émergence de l’association nationale « Nous Aussi » où des personnes en situation de handicap mental lancent des projets, proposent des avancées, organisent des manifestations… « J’ai validé l’installation d’une antenne à Valenciennes au sein de notre association dès 2009. On peut affirmer que « Nous Aussi », association nationale, est co-responsable de cette reconnaissance citoyenne, elle a été force de proposition vis à vis du Gouvernement. Au niveau Valenciennois, notre antenne a participé à l’élaboration du Livret d’accueil du Centre Hospitalier de Valenciennes », indique Georges Maillot.

Autre sujet longtemps tabou, l’aide à la sexualité et la parentalité sont devenus des thématiques au quotidien, des pans entiers de la vie à traiter comme les autres sujets. « Nous avons mis en place un service d’accompagnement sur ces thèmes. Aujourd’hui, nous écoutons la parole des personnes concernées et pas seulement celle des parents dont certains ne veulent pas du tout aborder ce sujet », poursuit le Président de l’APEI du Valenciennois.

Ensuite, l’accompagnement des personnes en milieu hospitalier a débouché sur l’embauche d’une coordinatrice de santé. Clairement, la pratique des différents acteurs de santé, médecin, infirmières, etc., devait s’harmoniser face à la prise en charge d’une personne en situation de handicap mental !

Enfin, deux points sociaux très révélateurs sur l’évolution lente dans le rapport de notre société avec le monde du handicap. Le Projet DEPA fait partie de ces progrès avec un accompagnement à la scolarisation des enfants issus des milieux défavorisés dès l’âge de 3 ans. « Ainsi, nous avons détecté certains problèmes de troubles du comportement chez des enfants âgés de 3 ans, mais avec une solution sans les diriger vers un IME (Instituts Médico-Educatifs), car le retour dans le milieu scolaire classique après est très compliqué », précise Georges Maillot. Pour conclure sur un sujet très emblématique, à ce stade, il n’existe pas de code du travail, ou de champ spécifique, concernant les personnes en situation de handicap avec leurs droits et leurs devoirs… !

Daniel Carlier

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