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(Tribunal de Commerce) : « Le bénévolat, oui, le mécénat, non ! »

L’audience solennelle de rentrée du Tribunal de Commerce demeure un temps fort du début d’année. L’édition 2024 avait également d’autres spécificités avec un lieu inédit, sur le site judiciaire, mais aussi une 1ère pour la Procureure de la République sans oublier une réforme en mode expérimental, fraîchement votée en novembre 2023, pour une justice consulaire sans-le-sou.

(L’audience solennelle s’est déroulée au Tribunal judiciaire, car le Tribunal de Commerce connaît une rénovation lourde, extérieure achevée et intérieure en cours)

Raymond Duyck : « Nous avons proposé notre candidature pour l’expérimentation du TAE (Tribunal des Activités Economiques) »

Comme la coutume l’exige, le Ministère public a signifié la fin de l’année judiciaire 2023. « Nous n’avons pas constaté un mur de la faillite même si nous sommes revenus à un niveau d’avant la crise sanitaire », précise Christelle Dumont, la Procureure de Valenciennes et Avesnes-sur-Helpe. Force est de constater que la parenthèse de la crise sanitaire est derrière nous, business as usual !

Comme remarqué depuis longtemps, Mme la Procureure met en exergue le souci de prévention de la justice consulaire de ce ressort. En effet, 4 magistrats sont fléchés afin de prévenir et recevoir les chefs d’entreprise avec 373 entretiens préventifs. Sans aucune surprise, les sauvetages de ces entrepreneurs en souffrance sont beaucoup plus nombreux, 70% des personnes reçues contre 10% dans le cadre d’une procédure classique. « Les responsables d’entreprise ont trop tardé pour nous alerter, le plus souvent ils n’ont plus de trésorerie. Il y a un déclic psychologique à faire tomber », ajoute Christelle Dumont. 

Même si incontestablement, la pensée unique de l’échec honteux se dissipe dans les aspérités de notre vie économique si aride, la faillite est encore vécue comme un profond temps d’isolement pour l’entrepreneur.e. Contrairement aux pays anglo-saxons où le dirigeant n’ayant jamais connu l’échec est quasi suspect, la tâche d’une faillite sur le CV d’une personne franchissant le Rubicon de l’entreprise reste trop souvent rédhibitoire pour le financement d’une nouvelle aventure, d’un rebond économique de l’intéressé.

Bien sûr, ce constat est à dissocier des « 26 sanctions prononcées, dont 20 faillites personnelles (faute de gestion caractérisée, négligence…) ». Comme dans tous les domaines, les dérives économiques sont de la même manière soumises aux règles d’un Etat de Droit. 

Enfin, la Procureure esquisse les contours d’une réforme de la justice, votée en novembre 2023 à l’Assemblée nationale, sous l’impulsion du Garde des Sceaux. A ce titre, le Valenciennois a touché du doigt ce projet de loi dans toute sa globalité avec l’annonce de la construction d’un établissement carcéral sur Saint-saulve et une crise politique à la clé au sein de Valenciennes Métropole (https://www.va-infos.fr/2023/06/28/cavm-le-centre-penitentiaire-cest-oui-mais-de-principe-1-2/) et (https://www.va-infos.fr/2023/06/27/le-centre-penitentiaire-annonce-fait-debat-debat-dans-le-valenciennois/).

« Nous sommes revenus au niveau d’avant Covid », Raymond Duyck

Le « Quoi qu’il en coûte » est derrière nous à travers une activité tangible au Tribunal de Commerce. En 2023, 485 dossiers ont été traités contre 326 en 2022, 354 en 2019, et 161 en 2020 où le soutien de l’Etat sans distinction a permis à des entreprises de passer ce cap compliqué durant deux ans, mais également, et il faut aussi le reconnaître, de mettre sous perfusion des entreprises dont la fragilité, voire le dépôt de bilan, était déjà acté. Mécaniquement, le Tribunal de Commerce voit aujourd’hui régulièrement des chefs d’entreprise ne pouvant pas payer le PGE, ne cherchant à aucun moment à sauver leur entreprise, car la case liquidation judiciaire est parfaitement assumé. L’histoire nous dira si cette situation sanitaire inédite à générer la réponse économique adéquate de l’Etat. Les secteurs les plus touchés sont l’immobilier, le service, mais surtout la petite entreprise trop souvent démunie et plus encore assommée par une crise énergétique, une inflation sur toutes les matières premières, etc. ! « Nous sommes revenus au niveau d’avant Covid », déclare Raymond Duyck, reconduit durant 4 années de plus à cette fonction.

Sur l’autre face de la pièce, la création des entreprises est toujours vivace. « Il faut souligner la résilience de la création d’entreprise, 1357 en 20323, contre 1351 en 2022, contre 984 en 2019. Nous avons maintenu notre stock avec une moyenne de 37 jours pour le traitement d’un dossier », ajoute le Président du Tribunal de Commerce.

Dans un souci dynamique, le Tribunal de Commerce de Valenciennes et Avesnes-sur-Helpe a postulé pour une expérimentation en la matière. « Nous avons proposé notre candidature pour l’expérimentation du TAE (Tribunal des Activités Economiques). Un arrêté devrait désigner prochainement 9 à 12 Tribunaux de Commerce à titre d’expérimentation durant 4 ans. L’Etat a écouté notre réserve sur la composition de cette nouvelle institution par des magistrats professionnels. Ce TAE sera donc composé des juges consulaires avec l’ajout important des dossiers agricoles et par suite d’un juge consulaire du métier », explique Raymond Duyck.

Ensuite, ce n’est pas un détail de la vie d’une justice commerciale, le financement attribué à cette spécificité consulaire est famélique. « Notre budget alloué par le Ministère de la Justice est de 1 500 euros. Il est impératif de revoir le mode de financement de la justice consulaire. Le bénévolat, oui, le mécénat, non ! Au final, la victime, le chef d’entreprise subit ces dysfonctionnements », conclut-il.

« Pour la 1ère fois, un binôme pour le bâtonnat », Loïc Ruol

Nouvelle année judiciaire, nouveau bâtonnat pour trois ans, mais le respect est partagé par les parties prenantes : « Un Tribunal de Commerce où il fait bon plaider avec un délai raisonnable où les chefs d’entreprise sont souvent dans le désarroi et la détresse, parfois perdant le travail de toute une vie. Heureusement, le Tribunal de Commerce a choisi d’adhérer au dispositif APESA où un chef d’entreprise peut obtenir une prise en charge psychologique par un professionnel de proximité ». 

Ensuite, Loïc Ruol, nouveau bâtonnier, aborde le délicat sujet de la fracture numérique : « L’INSEE estime que l’illectronisme concerne 17% de la population, soit 11 millions de personnes. Que ce soit par une difficulté d’accès au numérique ou de l’incapacité à effectuer des opérations numériques (e-administration, achat, formation, information), il faut prendre en compte ce phénomène de la désinsertion par le numérique ».

Enfin, et ce point est furieusement important. « Pour la 1ère fois, un binôme avec Caroline Lemaire a été élu pour ce nouveau bâtonnat », explique Loïc Ruol. Diable, pourquoi cette initiative n’a pas été prise avant soulignant une profonde féminisation de la profession depuis tant d’années, mais il faut saluer cette initiative professionnelle et sociale.

A noter, trois nouveaux magistrats consulaires intègrent la justice consulaire du Valenciennois et de l’Avesnois, David Bara, Didier Baude, et Gonzague Detavernier. 

Daniel Carlier

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