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Plus de Julie dans le Valenciennois ?

Julie est la 30ème femme tuée par son (ex) conjoint depuis le début de l’année 2019 en France. Comme dans un miroir, la Compagnie de Théâtre Pascale Meurisse, grâce à la ville de Marly, s’est produite vendredi dernier dans la Salle des Fêtes de la commune, une pièce forte prolongée par un débat sur les violences conjugales ! Entretien avec Betty Rygielski, et Aurelie Fartek sur cette thématique (visuel pièce de théâtre).

Violence conjugale, une réalité sociétale

Les mots claquent, les attitudes questionnent, la lente descente vers la violence physique et morale semble inexorable dans certains couples. Durant deux heures, la Compagnie Pascale Meurisse a produit un spectacle, pour un public averti, avec la transparence nécessaire face au fléau des violences conjugales. Cet événement communal fort à propos donne l’occasion de faire un éclairage, voire un point d’étape, avec deux actrices sur le Valenciennois sur cet item du quotidien, Betty Rygielski, représentante de « Nous Toutes 59 » sur le Valenciennois, et Aurelie Fartek, responsable de pôle à l’AJAR, association spécialisée dans l’aide au victimes.

« Il ne faut surtout pas manquer le premier témoignage d’une victime de violence conjugale ! », Betty Rygielski

Betty Rygielski

L’illustration par l’exemple de terrain demeure le meilleur vecteur de communication. Dès le début de notre entretien, Betty Rygielski explique : « Il y a deux jours, j’ai conseillé une cliente afin qu’elle dépose plainte au Commissariat de Valenciennes. On n’a pas voulu prendre sa plainte. Je sais qu’une équipe d’enquêteurs spécialisés évolue à ce Commissariat central, mais parfois, vous avez des agents des forces de l’ordre, à l’accueil du grand public, qui ne sont pas formés sur ce sujet ».

Propos simple, direct, mais cela met en lumière la prise en charge ô combien sensible d’une victime présumée de violence conjugale. « Le temps de la victime n’est pas celui de la justice, ni du commissariat de police. Il ne faut surtout pas manquer le premier témoignage d’une victime de violence conjugale. Comprendre la victime, et surtout elle ne doit pas se sentir juger. L’étayage par un professionnel (ou personne formée ) est fondamental afin qu’elle reçoive la bonne information », ajoute l’avocate au Barreau de Valenciennes.

En effet, la victime présumée de violences conjugales peut souffrir « d’amnésie traumatique, l’immédiateté dans le dépôt de plainte, du témoignage clé à recevoir dans les meilleurs conditions d’écoute, est indispensable », poursuit l’avocate.

« Nous Toutes 59 »

La manifestation nationale du 23 novembre 2018, orchestrée par l’association « Nous Toutes », s’est déclinée avec succès partout en France. A Valenciennes, la marche du Phénix à la Place d’Armes à Valenciennes a bénéficié d’une assistance remarquée en présence de plusieurs élus du Valenciennois. « Compte tenu de l’importance de nos territoires, j’ai proposé de diviser « Nous Toutes 59 » Lille et Valenciennes. Tout le monde se mobilise », précise la référence Nous Toutes 59.

Betty Rygielski en profite pour émettre un voeu : « Je souhaite une meilleure prise en compte des élus locaux concernant cette thématique. Il faudrait un référent dans chaque commune, des actions concertées dans les écoles, voire d’autres structures communales, donner à la racine cette information, voire des manifestations comme l’initiative de Marly la semaine dernière ».

Au niveau de l’Etat, les choses bougent. En effet, l’ARS organise le 21 mai 2019 une réunion d’informations pour tous les professionnels de santé au sein de la Cité des Congrès. Eux également sont confrontés à la gestion des victimes de violences conjugales, les bonnes pratiques en la matière, la bonne information, voilà le menu proposé par Mme.Croy, missionnée par l’ARS pour cette conférence.

De la même manière, les deux interlocutrices ont participé, via leur structures respectives, au colloque initié, en septembre 2018, par le Procureur de la République de Valenciennes, mais aussi aux ateliers organisés par le Barreau de Valenciennes en novembre dernier.

« En moyenne nationale, 219 000 victimes par an de violences physiques (conjugales) entre 2012 et 2018 (INSEE) », Aurélie Fartek

Aurélie Fartek

Les chiffres ont l’immense attrait de fixer l’esprit et la réalité d’un problème. Sur le ressort judiciaire du Valenciennois, le meilleur baromètre de l’ampleur des violences conjugales est sans aucun doute l’association l’AJAR. « Nous sommes habilités par 3 juridictions (Valenciennes, Cambrai, Avesnes-sur-Helpe) concernant l’aide aux victimes, toutes les victimes d’une infraction sans aucun discernement », explique Aurélie Fartek, responsable de pôle au sein de l’AJAR (Association pour la Justice, l’Accueil et la Réinsertion/ www.ajar.fr)

Le rôle central de cette association est un accueil inconditionnel des victimes à travers « une écoute, une information juridique, pas un conseil revenant à un avocat, une consultation psychologique gratuite, et bien sûr la meilleure orientation possible, services sociaux, service du département, l’association La Pose pour l’hébergement d’urgence etc., et souvent le conseil d’un avocat », poursuit-elle !

Dans ces victimes, la proportion de victimes de violences conjugales est conséquente. « En moyenne nationale, 219 000 victimes par an de violences physiques (conjugales) entre 2012 et 2018 (INSEE). Cette donnée ne prend pas en compte les violences psychologiques, et elles ne sont pas moins graves. Une femme ou un homme humilié pendant des années est détruit de la même façon. Globalement, concernant les victimes de violences conjugales physiques et/ou morales, nous avons 90 % de femmes, mais également 10% d’hommes », précise Aurélie Fartek.

En urgence absolue…

Depuis plusieurs années, sur le Valenciennois, le Ministère public est très actif sur cet item si prégnant sur le Valenciennois.

Arrivée en 2016 en responsabilité au sein de l’AJAR, Aurélie Fartek précise « il y a eu 2 femmes tuées sur le Valenciennois par leur conjoint en 2016. Je me félicite qu’il n’y est pas eu d’autres décès depuis cette date. La mise en place du dispositif « Grave Danger », en 2016, avec à la clé des téléphones attribués (7 sur le territoire) pour des femmes en grand danger est sans doute une explication de ce résultat », poursuit-elle !

Bien sûr, l’urgence d’accueil d’une victime présumée de violence conjugale constitue le moteur du SAVU (Service d’aide aux victimes d’urgence). « En premier lieu, il faut assurer la mise en sécurité de la victime. Nous avons 6 appartements pour cette mise en sécurité, 3 sur Valenciennes Métropole, 3 sur la Porte du Hainaut. Si aucun n’est libre, nous téléphonons au 115 qui a son propre dispositif, nous faisons très rarement appels à des nuités d’hôtels. Enfin, une proposition en collectif (foyer) est proposée s’il n’y a aucune autre solution. Enfin, dans les meilleurs délais, nous adressons une demande logement dans le parc social directement à la Sous-Préfecture afin d’accélérer le dossier », déclare la chef de pôle.

Site du SAVU, 102 Avenue de Reims à Valenciennes

Ce service spécifique du SAVU est composé 4 personnes, 1 secrétaire, 2,5 psychologues, et la direction. Outre son siège à Valenciennes, le SAVU a une permanence au sein du TGI de Valenciennes, rue Capron. Il bénéficie, grâce à une convention avec le Barreau de Valenciennes, d’un avocat d’astreinte pouvant répondre à toute sollicitation. Le référent pour les victimes de violences conjugales, sur le TGI de Valenciennes, est Maître Hervé Delplanque. 

Le SAVU assure un accueil téléphonique de 9h à 22H chaque jour, et de 14 H à 22H les week-ends et jours fériés, un service important pour autant réduit suite à des coupes budgétaires en 2012, et 2014. « Depuis cette date, notre budget est stabilisé. D’ailleurs, je souligne que les intercommunalités (La Porte du Hainaut et Valenciennes Métropole) nous soutiennent financièrement. Je suis ravie de l’implication des élus du territoire, dans les commissions, des CLSPD (Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance) ou sa version intercommunale, voire des initiatives comme sur Marly dernièrement », commente Aurélie Fartek.

Enfin, elle tient à préciser que « toutes les catégories sociales sont concernées. Certes, nous aidons plus un public dans la précarité ayant moins d’accès un avocat, voire aux différentes structures, car la machine judiciaire peut faire peur ».

Le non-consentement automatique est passé à la trappe !

En conclusion, on ne peut occulter les derniers débats législatifs en 2018 sur le sujet du viol et du consentement des mineurs. Repartons de la base pénale du viol. L’article 222-23 code pénal « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol ».

Il s’en suit clairement que la charge de la preuve d’un viol présumé revient à la victime qui doit démontrer ces comportements (violence, contrainte, menace, surprise), c’est tout sauf simple !

C’est pourquoi, le Code pénal à travers son article  222-22-1 du même code (loi du 3/8/2018) a introduit en 2018 un article relatif à un viol sur mineur disant en substance « Lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur de quinze ans, la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l’abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes ».

Par conjugaison de ces deux articles, le juge peut dorénavant considérer que compte tenu de l’âge de la victime et de sa capacité de discernement, même en l’absence de contrainte morale ou de surprise, le viol est caractérisé.

Pas de seuil du non consentement !

Toutefois, la loi portée médiatiquement par Marlène Shiappa visait donc à graver dans la loi un « seuil irréfragable« , un enfant de moins de 15 ans n’aurait plus eu à démontrer qu’il n’était pas consentant lors de l’acte sexuel, point final !

Sauf que cette initiative très ambitieuse s’est heurtée au bloc du Droit Français, le Conseil d’Etat le 21 mars 2018 a pointé un coup de couteau dans nos principes de Droit fondamentaux, et notamment la présomption d’innocence. Bref, retour a de plus modestes ambitions… !

Le fameux article 2 fut voté, en mai 2018, sous l’empreinte de l’efficacité au détriment d’une meilleure protection des mineurs.

D’un coté de la pièce, les professionnels du Droit ont trouvé des entorses, des exceptions (réelles) à l’instauration d’un seuil d’âge gravé dans la loi. Les arguments sont incontestables, fondés, rien n’est laissé au hasard. De l’autre coté de la pièce, vous avez les multiples associations, dépitées par une ambition plus réduite (certes existante) relative à la protection des mineurs, car prouver l’existence d’une menace, d’une contrainte ou d’une surprise sur une victime est déjà extrêmement complexe pour un adulte, alors pour un enfant no comment !

Comparaison n’est pas raison, mais étrange société où nous sommes capables de trouver un âge pour l’interdiction de consommation d’alcool car il constitue un danger mortel ; de graver dans la loi un âge, très subjectif, où un jeune peut conduire un support de mobilité, mais de mort potentiel ; d’interdire de multiples choses avec un âge bien défini, et pourtant nous ne sommes pas capables de trouver un seuil d’âge où un enfant est non consentant de fait, fin de l’histoire.

Pourquoi vouloir choisir entre ces deux faces d’une pièce, alors que la tranche de vie d’un enfant victime d’un viol est sous nos yeux, celle d’une existence qui ne sera plus jamais pareil ! Est-cela la ligne d’arrivée ou le triomphe de la lettre du Droit, ou d’un dogme quel qu’il soit ? On pourrait croire que l’on oublie cet horizon ! « On attend cet article avec un seuil de non consentement », conclut Betty Rygielski.

« La non-violence est l’arme des forts« , Gandhi

Daniel Carlier

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