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L’indicible violence autour de la maternité

Dans l’univers de l’aide aux victimes, il y a une catégorie de personnes particulièrement vulnérables et confrontées à des violences dans un moment unique et incomparable de leur vie, en l’occurrence le temps de la grossesse et la période post accouchement ! C’est pourquoi le Barreau de Valenciennes et le Réseau Périnatalité du Hainaut Cambrésis ont décidé de collaborer étroitement sur cette thématique.

(Hervé Delplanque, avocat, Martine Trussant, bâtonnier, et Caroline Croy, Coordinatrice du Réseau Périnatalité Hainaut Cambrésis)

La gestion au delà du couple

Hervé Delplanque

L’aide aux victimes de violences conjugales est une thématique dont le Barreau de Valenciennes s’est emparée depuis des années. Précurseur en la matière, Hervé Delplanque, référent aide aux victimes pour le Barreau de Valenciennes, rappelle le dispositif mis en place par les avocats valenciennois : « Nous sommes un barreau très actif concernant l’aide aux victimes. A ce titre, un avocat assure une permanence 365 jours par an en venant assister toutes les victimes au contact des partenaires comme la Gendarmerie, la Police nationale et le SAVU (service d’Aide aux Victimes de l’AJAR). Un avocat différent est désigné chaque semaine afin d’assurer ce service », précise Hervé Delplanque. Voilà l’existant, mais aujourd’hui l’idée est une extension de ce service au Réseau de la Périnatalité.

Caroline Croy : « 20% des grossesses dites sensibles sont concernées par des actes de violences physiques ou/et verbales »

Martine Trussant

L’arrivée d’un enfant devrait être le plus beau moment d’un couple. Force est de constater que ce n’est pas toujours le cas. « Le sujet est le traitement de la violence Mère/Père/Enfant, la gestion au delà du couple. Parfois, la maternité peut bouleverser une harmonie. La grossesse devient un moment où la future maman est plus vulnérable, plus exposée à la violence conjugale. Elle a honte, elle se cache. De plus, à chaque fois, la future mère a peur que son enfant soit placé en cas d’action en justice », commente Martine Trussant, la bâtonnière.

Le focus de cette information au public est la prise en charge de cette personne enceinte voire durant la phase post accouchement. « Je suis la coordonatrice du Réseau Réseau Périnatalité Hainaut Cambrésis, couvrant le périmètre Valenciennois, Cambrésis, Sambre-Avesnois, comprenant 6 maternités publiques et 3 privées. Ma mission réside dans la construction d’un maillage dynamique des acteurs de santé, professionnels des maternités, kinésithérapeute, sage-femme, infirmiers… au contact des personnes connaissant une grossesse », poursuit Caroline Croy.

Caroline Croy

La réalité sur le terrain dans les maternités du Hainaut est sans concession. « 20% des grossesses dites sensibles (2 000 environ annuellement) sont concernées par des actes de violences physiques ou/et verbales, soit environ 400 victimes annuelles de violences physiques ou/et verbales. Parfois, la parole des femmes enceintes se libère, mais cela intervient très rarement au premier rendez-vous. Nous constatons le même phénomène pour la situation des mères dans les premières semaines post accouchement, le baby blues où la mère est très fragile. Elle a l’impression de ne plus subvenir aux besoins du couple », ajoute-t-elle. De même, la violence sur l’enfant est également un corollaire que l’on ne peut écarter, notamment « in utero, elle est à prendre en compte, comme celle juste après la naissance, qu’elle soit physique ou/et verbale », poursuit Caroline Croy.

On peut noter qu’au sein du Centre Hospitalier de Valenciennes, une future maman peut décider d’accoucher avec une mise en secret afin que son conjoint ne puisse pas la retrouver. Indéniablement, cette latitude est basée sur un vécu récurrent sur le sujet, mais elle ne suffit certainement pas, car un jour où l’autre la maman sort de la maternité…. Il devenait donc indispensable d’organiser une sécurité de la maman en période de grossesse, mais également post accouchement. C’est pourquoi la mise en réseau d’une situation de violence avérée sur une patiente en visite chez son obstétricien, en lien avec un(e) infirmier, voire un(e) sage-femme, et bien sûr au sein de l’établissement de santé public ou privé, s’avérait indispensable.

« S’étendre au service au Réseau Périnatalité », Hervé Delplanque

Dans cette optique, le réseau de soutien apporté à l’aide aux victimes va s’étendre via une convention entre les parties « au Réseau Périnatalité. Il pourra de facto solliciter l’avocat de permanence du Barreau de Valenciennes. Ce sera le 4ème bénéficiaire de notre soutien aux victimes de violences conjugales », explique Hervé Delplanque.

Dans la même convention, une « action de formation commune aux milieux hospitaliers et aux milieux juridiques sera organisée. Cette formation pluridisciplinaire servira également à nous dire, vers qui devons-nous s’adresser ? Qui fait quoi ? », indique Caroline Croy.

La fin du Grenelle contre les violences conjugales est prévue le 25 novembre 2019. A cette date symbolique, sous l’impulsion de Caroline Croy, et Jean-Marc Ferro, Référent Départemental Violences aux Femmes, une journée sera consacrée aux enfants exposés aux violences conjugales avec tous les acteurs concernés.

Enfin, en filigrane, Maître Delplanque glisse une action en devenir. « Le 3919 mis en place s’avère répondre à des questions très générales, nous travaillons à la mise en oeuvre d’un 3919 local »…dossier à suivre.

Les mesures civiles et pénales pour la protection de la mère

Pour mémoire, le mécanisme civil le plus rapide, efficace, et très utilisé par les avocats « est l’ordonnance de protection. Elle est prononcée par le JAF (Juge des Affaires Familiales). Le point crucial est qu’elle peut être prononcée sans dépôt de plainte préalable, c’est indépendant du plan pénal. C’est très important, car beaucoup de femmes ne veulent pas porter plainte, mais cette ordonnance écarte l’auteur des violences. Elle dure six mois », explique Hervé Delplanque.

Ensuite, une autre mesure civile plus complexe existe. « Elle consiste à organiser le statut judiciaire de l’enfant », précise le bâtonnier, Martine Trussant.

Sur le plan pénal, le Barreau de Valenciennes est en étroit lien avec le Parquet de Valenciennes, très engagé sur le sujet par ailleurs. Outre des condamnations prononcées de plus en plus lourdes contre les auteurs de violences conjugales « à travers l’action pénale. Nous pouvons organiser également une mise en sécurité de la mère via un contrôle judiciaire », ajoute Hervé Delpanque.

Voilà une pièce de plus dans le puzzle de la protection des victimes de violences conjugales sur le Valenciennois. Rien n’est de trop pour éviter la 102ème femme tuée sous les coups de son conjoint en 2019… !

Daniel Carlier

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