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Jacques Chirac ou l’âme de la politique sur le handicap

La longévité politique de Jacques Chirac se conjugue avec son engagement en faveur des personnes en situation de handicap. A chaque fois qu’il fut en responsabilité, la loi a bousculé les habitudes et les comportements de notre société si enclin au confinement de cette population.

Trois exercices du pouvoir, trois lois cadres en faveur du handicap !

1974-1976, Jacques Chirac est alors premier ministre sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing. Notre corpus sociétal considère les personnes en situation de handicap comme une population à gérer uniquement dans un hospice ou l’asile, voire à confiner à la maison, le handicap entre 4 murs, c’est le credo à l’époque !

Simone Veil sous la gouvernance de Jacques Chirac, 1er ministre, présente la loi du 30 juin 1975. … Cette loi d’orientation définit clairement 3 droits fondamentaux pour les personnes handicapées, enfants et adultes : le droit au travail, le droit à une garantie minimum de ressource par le biais de prestations, mais également l’accessibilité des bâtiments en ces termes : « Les dispositions architecturales et aménagements des locaux d’habitation et des installations ouvertes au public, (…) doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles aux personnes handicapées. Les modalités de mise en œuvre progressive de ce principe sont définies par voie réglementaire dans un délai de six mois à dater de la promulgation de la présente loi ». On sourit « jaune » quand on pense aux cris d’orfraie des chefs d’entreprises, petites et grandes, car la loi de 1975 proposait un délai de six mois pour cette mise en conformité, alors que la loi de 2005 dix ans…, et ce ne fut pas assez !

Cette loi cadre a fixé la politique du handicap en France durant 30 ans. Toutefois, elle n’échappe à une vision corsetée, un regard obséquieux assez insupportable aujourd’hui, mais la norme de l’époque. Elle considère ces « pauvres handicapés » comme une population mécaniquement tournée vers elle-même, l’intégration au sens de la notion d’inclusion en 2019 ne figure pas dans cette loi.

1986-1988, Jacques Chirac est alors le premier ministre dans le cadre d’une cohabitation électrique avec François Mitterand. Ce nouveau passage en responsabilité débouche, cette fois, sur la loi du 10 juillet 1987 en faveur de l’emploi des personnes handicapées. Cette dernière détermine les conditions de l’obligation d’emploi imposant à tous les employeurs (privés et publics), occupant au moins 20 salariés, d’employer au minimum 6% de travailleurs handicapés. En l’absence du respect de cette statistique en 2019, l’entreprise ou la collectivité paye une amende reversée aux organismes gestionnaires, l’AGEFIPH pour le privée dont la mission est de favoriser l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi de personnes handicapées dans les entreprises, et le FIPHFP,  fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.

Ce chiffre de 6% demeure toujours le standard, même si une réflexion intense est en cours sur cette donnée par la Secrétaire d’Etat au handicap. Cette loi a jeté les bases d’une politique de l’emploi des personnes en situation de handicap. Elle s’est musclée en 2005 avec notamment la création des MDPH (Maison Départemental des Personnes Handicapées) en lieu et place de l’historique régime de la COTOREP. Le département du Nord est le seul de France avec 3 MDPH, dont une à Valenciennes Bd Harpignies. Cette loi en 1987 était véritablement très novatrice sur un sujet véritablement tabou en France.

Aujourd’hui, cela se traduit par les organismes « Cap Emploi » dont l’association gestionnaire sur le Grand Hainaut (Cambrésis, Sambre-Avesnois, et le Valenciennois) a son siège principal à Valenciennes, bd Froissart, www.capemploigrandhainaut.fr

2002-2007, Jacques Chirac est alors président de la République. L’évolution des mentalités, d’une approche de la politique du handicap est en plein mouvement. Le 5ème Président de la République Française le sent parfaitement, mais il faut faire bouger les lignes, bousculer les consciences, et surtout il est nécessaire de reconnaître tous les types de handicap, c’est un enjeu fondamental. D’ailleurs, il indique à ses ministres que trois champs lui sont réservés, hors compétences régaliennes de la défense et des affaires étrangères, ils concerneront la sécurité routière avec des résultats spectaculaires, le cancer, et le handicap où cette loi de 2005 régit encore le quotidien de la personne en situation de handicap.

Quelques jours avant cette loi cadre du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, Jacques Chirac prononce ces propose. « En devenant plus accueillante aux personnes handicapées, la société sera, en réalité, plus accueillante à tous. Aux personnes âgées, aux parents de très jeunes enfants, à toutes celles et à tous ceux qui ont des problèmes passagers de mobilité à la suite d’un accident ou d’une maladie. Enfin, et peut-être surtout, le refus de l’isolement, de l’indifférence et de l’exclusion conférera à notre société, n’en doutez pas, un supplément d’âme dont chacun profitera ».

Tout est dit en quelques lignes, la société inclusive arrive avec son cortège de difficultés, mais le mot est lâché, et il est plus que jamais d’actualité. Cette loi sur l’égalité des droits et des chances impose plusieurs obligations : l’accessibilité des transports collectifs et des établissements recevant du public en 10 ans, concrétisation du droit à compensation du handicap, création des MDPH vu ci-dessus, scolarisation dans l’école la plus proche du domicile, sanctions dissuasives en cas de non-respect de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés dans les entreprises… Oui, l’avancée fut majeure en la matière.

Voilà trois lois qui ont bouleversé l’approche de notre société vis à vis des personnes en situation de handicap. Pour résumer humblement, la loi de 1975 s’est basée sur le néant où plutôt le destin d’une personne handicapée en famille, voire l’asile psychiatrique ou l’asile, charmant ! Donc, la critique de cette loi sur son volet « case » destinée aux personnes en situation de handicap est un peu réductrice. D’ailleurs, la société de l’époque pensait déjà faire un pas énorme en construisant des établissements spécialisés. Ensuite, la loi de 1987, la moins connue, a révolutionné le droit au travail des personnes handicapées, et la responsabilité des acteurs économiques privés et public, ce fut coercitif, mais tellement pertinent ! Enfin, la loi de 2005 impose une nouveau regard vers le monde du handicap, ce n’est plus une planète lointaine que l’on tente de rapprocher grâce à un tir à la corde. Non, cette population et les aidants (trop peu considérés encore) sont une partie de nous,  elle s’impose dans notre environnement quotidien. En cela, cette loi de 2005 contribue à rattraper le retard endémique de certains pays latins contrairement aux pays anglo saxons, très intégrateur depuis des décennies.

Bien sûr, le chemin est encore immense. Le parlement travaille afin d’améliorer des pans entiers de l’inclusion, notamment dans l’Education nationale, le dilemme du secret médical, le périmètre du travailleur en situation de handicap, insertion, maintien dans l’entreprise ; sans oublier le diagnostic de plus en précoce nécessaire à une meilleure prise en charge globale de l’enfant en situation de handicap. Toutes ces avancées sont possibles grâce à ce triptyque 1975, 1987, 2005, où un détonateur commun était en responsabilité, il s’appelait Jacques Chirac.

Daniel Carlier

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