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Le « Quoi qu’il en coûte » humain au Centre Hospitalier de Valenciennes

Alors que le Centre Hospitalier de Valenciennes bénéficie d’une médiatisation très positive par les actrices et acteurs du monde politique au plus haut niveau, des reportages télévisuelles dithyrambiques, malgré un zoom sur la gestion de l’entreprise de nettoyage ONET par Cash Investigation, vous avez dans son ventre ses agents vivant très mal la gestion au quotidien de cet hôpital public où le bilan comptable passerait avant toute autre préoccupation… !

Pas de bras,… pas de service public de santé !

De quoi parlons-nous ? Nous évoquons ici 4 200 agents (hors médecins), présents comme personne physique, regroupant tous les types et durées de contrats au sein du CHV, de la manipulatrice en radiologie à l’infirmière en bloc de chirurgie en passant par le technicien de laboratoire. Cela recense donc toutes les professions soignantes hors médecins, mais aussi les autres métiers comme les administratifs, cadres et non cadres.

Le contexte

De la naissance de la Sécurité sociale en octobre 1945 à travers une offre de soins accessible à toutes et à tous comme mantra d’une politique publique de santé au sujet de fond dans cette campagne présidentielle 2022 où chaque prétendant(e) aura un plan de sauvetage pour l’hôpital public, il existe un pont temporel bombardé par des réformes structurelles, des réductions de budget, des choix comptables locaux, avec au final une distance entre l’offre de soin et son public. Même le Président de la République en exercice reconnaissait que l’idée de la T2A (Tarif à l’acte) lancé sous le Ministère de la Santé de Xavier Bertrand (2010/2012) « était une idée vertueuse à l’époque, mais plus maintenant »… ! Oui, la réduction du périmètre de la santé publique dans la réflexion de l’Etat, et par suite dans les hôpitaux de proximité, date au moins de quelques décades, voire même dès l’instauration du Numérus Clausus en 1972. Pour faire simple, comme dans une caserne de pompiers, on a réduit le nombre de camions, de lances à incendie, et de pompiers sur le terrain. Cela suffisait de moins en moins au fil de l’exercice au quotidien d’un service public de santé en mode normal, mais lorsqu’un incendie exceptionnel survient, en l’occurrence une pandémie, on s’aperçoit que tout manque face à un événement hors norme. A cet instant, vous ne répondez plus aux exigences d’un service public de santé. L’histoire rappellera plus tard que cette initiative sous le mandat de Nicolas Sarkozy, non démentie sous François Hollande et sous le mandat en cours, explique beaucoup de la situation de l’hôpital public aujourd’hui.

« Il y a un manque de bras », Mélanie Pone

Le premier point d’achoppement, porté par les membres du syndicat UNSA du CHV, se situe sur l’effectif de l’hôpital public et les propos du Directeur général, Rodolphe Bourret. A ce stade, 54,21% (bilan social 2020) des agents sont titulaires et les autres contractuels. Face à cette dichotomie, le syndicat reproche au Directeur général une précarisation du travail au sein du CHV.« Philippe Jahan, ex directeur général, avait promis 500 titularisations sur 5 ans. Le nouveau Directeur nous a indiqué qu’il n’avait jamais trouvé le document. Le choix du nouveau Directeur serait-il de faire de plus en plus appel aux contractuels, car ils coûtent moins chers… sans parler d’une meilleure sécurité de l’emploi pour les titulaires (fonctionnaire hospitalier)  ? », commente Mélanie Pone, Secrétaire adjointe du syndicat UNSA du CHV, 2ème organisation syndicale après F.O. au CHV.

Pourtant, la loi est précise sur le sujet, N° 86-33 du 09 janvier 1986, abrogée par ordonnance du 24 novembre 2021, mais effective le 01 mars 2022. Cette loi stipule que les embauches de contractuels ne sont autorisées que dans certains cas très précis, accroissement saisonnier d’activité pour une durée maximale de six mois ou accroissement temporaire d’activité pour une durée maximale de douze mois, voire une vacance temporaire d’emploi dans l’attente de recrutement d’un fonctionnaire. « Dans les autres cas, on doit embaucher des titulaires (fonctionnaires hospitaliers) », poursuit Mélanie Pone.

En réponse à l’absence de fuite du personnel selon la Direction, l’infirmière de bloc (syndicat USA) monte au créneau. « Il nous manque des agents de bloc opératoire, une vingtaine s’en vont. Oui, on recrute des médecins/chirurgiens de qualité, mais ils s’en vont au bout d’un moment, car il y a un manque de bras ! Un chirurgien ne peut opérer tout seul, mais oui la façade est attractive », indique Anne Moreau, infirmière de bloc. Rappelons qu’après la formation initiale, il faut 18 mois de formation en plus pour devenir infirmière de bloc… ! D’autres secteurs sont touchés, 12 postes vacants en psychiatrie, 17 dans les urgences, 7 en pharmacie… « et de nombreux médecins. Ils s’en vont au bout d’un moment faute d’agents. Attention, ces départs existaient déjà avant La Covid », ajoute Mélanie Pone. Bien sûr, la pandémie a plombé les missions de santé publique, et une vague mondiale de départs dans ce secteur d’activité pose véritablement des questions de fond.

« car elles (opérations) sont plus rémunératrices », Isabelle Boure

Ensuite, la course à la rentabilité est dans le viseur du syndicat UNSA. En effet, le CHV est un établissement public de santé avec un exercice excédentaire depuis 2010, sous l’ancien directeur Philippe Jahan, et prolongé par le nouveau Rodolphe Bourret. Sauf que pour y arriver, les choix sont contestés par le syndicat. « A quel prix cet excédent budgétaire, on ne remplace pas les agents en vacances, en congés maternités, en arrêt maladie… ! De plus, l’application du Ségur de la santé n’est pas complet au CHV. On l’espère d’ici fin janvier pour toutes les catégories professionnelles concernées. Enfin, les coefficients applicables aux heures supplémentaires en temps de Covid ne sont pas appliqués. Même l’annonce du Ministre de la Santé, Olivier Veran, pour la période de Noël (prolongé jusqu’au 28 février) avec un taux majoré des heures supplémentaires n’est pas appliquée au CHV. On peut également citer les urgences à la Maternité de Monaco qui ne sont pas considérées par le Directeur général comme des urgences au niveau des coefficients applicables concernant les heures supplémentaires », explique Mélanie Pone.

Sur le chemin de la rentabilité, les propos de l’UNSA vont plus loin concernant la déprogrammation des opérations jugées non urgentes pendant la Covid. « Durant le confinement 3 (avril 2021), nous avons vu des opérations dans le service oncologie déprogrammées, alors que des interventions dans le service orthopédie ont été maintenues, car elles sont plus rémunératrices », déclare Isabelle Boure du syndicat UNSA, manipulatrice en radiologie. « On se doute bien de la réponse du CHV indiquant que ces opérations étaient d’urgences vitales », poursuit isabelle Boure.

En terme de choix de gestion, on se souvient de la communication du CHV sur sa collaboration avec les établissements privés de santé, en terme de formation et d’armement des lits COVID 1, mais au final aucun patient atteint de La Covid n’a été transféré dans les dits établissements. La recette, par lit Covid, versée aux hôpitaux publics a-t-elle guidé ce choix ? Ce comportement a de fait peu contribué, loin s’en faut, à une nouvelle dynamique public/privé dans le domaine, un raté factuel !

Plus généralement, le code du travail n’est pas, selon l’UNSA du CHV, respecté. « Par exemple, un agent avec un problème de discipline, non prouvé et non signalé à l’ARS par la direction, s’est vu proposer une rupture conventionnelle, alors que c’est interdit par le Code du travail pour un salarié en mesure disciplinaire », argumente Isabelle Boure.

« Nous manquons de reconnaissance », Mélanie Pone

Au delà l’aspect rémunération, le rapport social entre les agents, selon UNSA, et la Direction est très mauvais. « Nous manquons de reconnaissance. Il y a un non respect total des agents (hors médecins). Certes, pour le confinement 1, c’est notre travail de soigner la population ou d’y participer, il y a eu la solidarité. Ensuite, c’est devenu un prétexte la Covid. Aujourd’hui, nous avons un manque de personnel, mais le Directeur Général raisonne en terme de comptabilité. En effet, en 2020, il y peu très peu de départs, mais en 2021 entre deux « Plan Blanc », où vous n’avez pas le droit de démissionner, il y a eu une vague de départs d’agents du CHV », explique Mélanie Pone.

Le sujet n’est pas de dire que le bon soin n’est pas effectué au CHV, mais par contre, il est réalisé au détriment de la prise en charge globale, plus complexe, plus difficile, et l’expression du Directeur général d’un « CHV magnétique » agace au plus haut point le syndicat UNSA de cet établissement public de santé.

Quand l’exaspération gagne les forces vives de l’hôpital public, tout prend une dimension ! « Vous avez vu le calendrier avec la thématique de Stars Wars. Etait-il utile ? L’argent eut été mieux dépensé en versant les primes COVID (au bon taux ) aux agents du CHV », conclut Pascal Mauchassé de l’UNSA, technicien de laboratoire.

Après la mise en cause sur le GHT Hainaut-Cambrésis  https://www.va-infos.fr/2022/01/05/sante-le-ght-du-hainaut-cambresis-vers-une-explosion-presumee, le Centre Hospitalier de Valenciennes traverse incontestablement une zone de turbulences en interne.

Daniel Carlier

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