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Isabelle Pique (FNSEA) : « Les élevages laitiers sont en danger »

Entre un agribashing latent et une bienveillance à l’égard d’une agriculture de proximité, la filière laitière connaît une période extrêmement complexe où les critiques permanentes, les difficultés administratives, le prix du litre de lait… conduisent les professionnels à cesser leur activité, changer de métier à un niveau jamais enregistré auparavant. Nous avons rencontré à cet effet, Isabelle Pique, en charge d’une exploitation laitière sur Saint-Amand-les-Eaux, et responsable territoriale du syndicat FNSEA sur le Valenciennois.

Isabelle Pique (FNSEA)  : « La maltraitance animale, c’est n’importe quoi (dans les exploitations laitières) »

Cet entretien tombe au moment où la justice française a condamné en appel, début décembre 2023, un éleveur de l’Oise (Vincent Verschuere) à verser plus de 100 000 euros à ses voisins, en cause le bruit et l’odeur… d’une ferme ! « Ce jugement menace toute les exploitations agricoles et décourage tous les jeunes agriculteurs à s’installer », commente Isabelle Pique. 

Plus spécifiquement dans la tempête, la filière laitière n’absorbe pas l’inflation, le prix du litre de lait « même avec la prime de qualité ne permet pas de gagner sa vie, les jeunes agriculteurs jettent l’éponge », explique la professionnelle. Quelques chiffres sont éclairants. Sur Cuincy (proche Douai) où un site Lactalis permet de collecter à proximité la production laitière sur le sud du département, les producteurs laitiers ont diminué drastiquement sur ce bassin de vie du Hainaut, 430 environ en 1995 pour 180 en 2023. Plus proche de nous, sur le village de Lecelles, on est passé de plus de 20 exploitants laitiers à 7 ou 8… !

Isabelle Pique résume parfaitement l’équation économique : « Ma famille s’est installée en 1974 avec 16 vaches sur 16 hectares. J’ai repris en 1997 avec une extension sur 60 hectares avec plus de 60 vaches pour gagner mensuellement la même chose ». Toutefois, la modernisation des exploitations, parfois décriées, amène moins d’engagement physique même si le professionnel doit rester quotidiennement attentif au bien-être de son élevage. « Lorsque que j’entends que les robots de traite sont de la maltraitance des animaux, c’est n’importe quoi ! Les vaches y vont à leur rythme. Au contraire, nous pouvons mieux surveiller certaines avec une problématique de retard ». Toutefois, ces investissements sont lourds, 150 000 euros pour un robot de traite en moyenne. 

D’autres outils sont venus également assouplir le travail à la ferme, car comme tous les autres professions, les agriculteurs veulent une vie sociale, une vie hors de leur exploitation. Bien sûr, l’agriculteur ne comptera jamais ses heures, mais il voudrait retirer à minima de quoi vivre et c’est sur ce point que le bât blesse. 

« La charge mentale est énorme », isabelle Pique

Evidemment, le contrôle pour obtenir une aide financière de l’Etat ou de l’Europe est normal, mais la masse administrative est dissuasive. « Bien sûr, il est tout à fait logique de contrôler la qualité de la production des agriculteurs, et plus encore de sanctionner sévèrement les contrevenants, mais nous devons répondre en 8 jours suite à une demande de l’administration et en retour, nous attendons deux mois pour la réponse. Nous avons testé pour la même demande en Belgique et en France. Cela nécessite 2 formulaires en Belgique et 17 en France. La charge mentale pour l’agriculteur est énorme. En particulier, les élevages laitiers sont en danger », poursuit Isabelle Pique.

Pour le volet positif, le nouveau dispositif européen PSE ( paiements pour services environnementaux) est bien perçu par les professionnels. « C’est une belle avancée. Enfin un dossier qui avance », ajoute-t-elle. 

Le glyphosate…

Outil de balayage automatique du foin pour la nourriture des vaches

Inutile de dire que ce produit est particulièrement éruptif dans notre monde médiatique, le dernier renouvellement par l’Europe du glyphosate a généré un torrent de critiques vis à vis de la sphère agricole. Isabelle Pique défend cette décision : « Tout d’abord, nous n’utilisons pas le glyphosate comme aux USA ou d’autres pays. Néanmoins, nous sommes dans une impasse technique. A ce stade, nous n’avons pas de produit pour passer d’une culture à l’autre. Certains veulent que nous revenions à des pratiques d’antan comme à la razette ( pièce métallique fixée aux machines agricoles pour travailler le sol). Qui le ferait aujourd’hui ? Il faut investir dans la recherche pour trouver des produits de substitution. Ensuite, nous sommes au quotidien proche de la nature. A un moment donné, il faut confiance au bon sens des agriculteurs », indique Isabelle Pique.

Sur le Valenciennois, le contact a été bien établi avec le Sous-Préfet de Valenciennes, Guillaume Quenet.« Il est très accessible, nous avons eu un très bon échange », déclare la responsable syndicale. 

Des jeunes apprenants, mais moins d’installation 

Pour autant, la région des Hauts de France est dotée de lycées agricoles de grande qualité. « Nous avons des jeunes apprenants dans les établissements comme Genech, Le Quesnoy, Douai ou Anchin entre autres ». Le niveau d’études est élevé, car l’agriculteur en 2024 doit gérer de multiples domaines et pourtant la fin des illusions chez les jeunes installés n’a jamais aussi palpable. 

C’est à ce stade que la transition écologique soucieuse d’une autonomie alimentaire territoriale, d’un pays en capacité de nourrir sa population se heurte à la précarité agricole, les difficultés administratives pléthoriques, la critique permanente. Savoir ce que l’on veut in fine serait souhaitable que ce soit sur le volet consommateur, intermédiaire de la filière, comme au sein du Ministère de l’Agriculture, car « tout le monde nous aime, mais seulement durant une semaine, celle du salon de l’Agriculture ! », conclut Isabelle Pique !

Daniel Carlier

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