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Eric Bocquet : « Les communes sont les portes d’entrée de la République »

Seule élection en 2023 au suffrage indirect, les Sénatoriales se profilent dans le paysage politique français. Sur le département du Nord où 11 mandats sont à pouvoir le 24 septembre 2023, les différents groupes politiques sont en action auprès de leur électorat et principalement les élu.e.s des collectivités locales. A ce titre, les sortants pour le PCF, Eric Bocquet et Michelle Gréaume, ont entamé une campagne électorale à fort enjeu politique à travers une conférence de presse au sein du siège nordiste du parti communiste, rue d’Inkermann à Lille.

Michelle Gréaume : « Nous n’avons pas à rougir de notre travail au Sénat »

A la différence des députés de l’Assemblée nationale, élu.e.s au suffrage direct au sein d’une circonscription donnée, les sénateurs sont installés grâce au vote des « Grands électeurs » que sont les parlementaires du Nord, les conseillers départementaux, les conseillers régionaux, et « à 95% les élu.e.s des collectivités locales. Ces derniers (environ 150 000 dans le Nord) vont désigner le 09 juin prochain les Grands électeurs, soit 5 900 pour ce département », précise Eric Bocquet, sénateur depuis 2011.

Indubitablement, la période de la COVID 1 a permis de remettre au centre du jeu l’édile de la collectivité locale, petite ou grande, les difficultés sont identiques sur le fond et proportionnelles sur la forme. Une crise appelant une autre crise a plongé les communes, via la guerre en Ukraine, dans un marasme budgétaire criant. Les factures astronomiques de l’énergie, le coût de la restauration collective, les matériaux de chantier en hausse modifiant de fait le montant des marchés publics, tout s’enchaîne comme un conte de Grimm qui finit mal. Cerise sur le gâteau, la compression de la DGF (Dotation Générale de Fonctionnement) pour certaines communes, la perte de l’autonomie financière via la suppression de la taxe d’habitation, la pression de l’Etat sur les dépenses de fonctionnement, tout cela contrevient « à l’article 72 de la constitution sur la libre administration (Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon) », tance Eric Bocquet. Cet atmosphère amène depuis la nouvelle mouture locale en 2020 à « des démissions en chaîne chez les élus locaux », précise-t-il. On s’attend à une tornade en la matière en 2026, car à ce stade la liberté d’administration du maire est plutôt conditionnelle et certains vivent cette république corsetée en souffrance absolue.

Le Sénat plus fort sur cette mandature

Le 24 septembre prochain, 50% de l’hémicycle de la chambre haute sera modifié, aujourd’hui sous une majorité Les Républicains. Néanmoins, cette élection 2020 a un petit parfum de renouveau, car depuis les municipales 2020 où 40% des conseils locaux ont été modifiés, des couleurs politiques nouvelles font partie intégrantes de cette nouvelle équation. En effet, La République En Marche est plus présente dans les communes, l’émergence de la France Insoumise tout comme la percée continue du Rassemblement national ; cette nouvelle alchimie apporte un sel particulier à cette élection. « Effectivement, avec cette nouvelle configuration locale, il y a une certaine incertitude. Pour autant, je ne vois pas un grand bouleversement (politique) au Sénat compte tenu d’un renouvellement à 50% des parlementaires », ajoute-t-il. Compte tenu de la densité de population, le Nord bénéficie de 11 sénateurs, toutes et tous parlementaires pour l’ensemble du département : Éric Bocquet (PCF), Michelle Gréaume (PCF), Frédéric Marchand (REM), Patrick Kanner (PS), Martine Filleul (PS), Valérie Létard (UDI), Olivier Henno (UDI), Jean-Pierre Decool (DVD), Dany Wattebled (DVD), Brigitte Lherbier (LR), et Marc-Philippe Daubresse (LR).

Pour Michelle Gréaume, sénatrice depuis 2017, le travail au sein du Groupe Parlementaire (Groupe communiste républicain citoyen et écologiste) est là : « Nous n’avons pas à rougir de notre travail au Sénat. D’ailleurs, chaque élu peut consulter celui-ci sur le site du Sénat (senat.fr) ». Même si les deux sénateurs communistes sont confiants, l’enjeu pour le parti est colossal puisque « nous renouvelons 2/3 de nos sénateurs (15 parlementaires + un rattaché). C’est un gros enjeu pour le PCF ! », ajoute Eric Bocquet.

Paradoxalement, l’issue des urnes aux législatives de juin 2022 avec une majorité relative à la clé au sein de l’Assemblée nationale « a sans doute favorisé le rôle du Sénat ». Concrètement, la case Sénat, avec ses 348 élu.e.s, ne peut plus être un SAS législatif revendicatif avant un effacement quasi total de leurs réflexions. A ce stade, le rôle du Sénat amène un rééquilibrage entre l’exécutif et le parlement, pas un détail de l’histoire à l’heure du bazooka constitutionnel 49-3. Fort de ce constat, on subodore que cette élection de septembre prochain sera scrutée par toutes les formations politiques où la majorité présidentielle voudra réduire l’influence du parti Les Républicains.

« Nous travaillons avec tout le monde », Michelle Gréaume

La particularité du Sénat, très en vue durant cette tranche de vie accélérée sur la réforme des retraites, est que le compromis entre les différentes formations politiques est possible. « J’essaye de discuter, d’écouter, et d’échanger avec tous les parlementaires. Nous travaillons avec tout le monde », commente Michelle Gréaume.

Eric Bocquet appuie sur cette spécificité : « Au Sénat, nous maîtrisons l’art du compromis. De plus, le Sénat est à l’origine de la commission parlementaire sur l’affaire Benalla, tout comme celle sur le Cabinet Mac Kinsey. D’ailleurs, le Président était un membre LR et la rapporteuse une sénatrice PCF. Cela a parfaitement fonctionné avec un rapport voté à l’unanimité ».

« Nous voulons porter une réforme du statut de l’élu », Eric Bocquet

Parmi les lois au coeur du Sénat, Eric Bocquet tient à une réforme sur la condition de l’élu de proximité : « Les communes sont les portes d’entrée de la République. Les citoyennes et citoyens ont besoin de proximité dans cette période troublée ». Pour cela, le maire, les adjoints, et les conseillers municipaux, doivent sentir une nouvelle appétence de l’Etat à leurs fonctions au demeurant vitale pour la république les yeux dans les yeux. « Nous voulons porter une réforme du statut de l’élu, sa formation, la protection des élus dans l’exercice de leur fonction, une autonomie financière des communes retrouvée, l’indemnité des élus notamment dans les communes rurales, le reclassement après son mandat, etc., c’est ce que nous voulons proposer dans les 652 communes de ce département du Nord », déclare Eric Bocquet.

Evidemment, les thématiques où le Groupe communiste au Sénat se bat pied à pied sont beaucoup plus nombreuses, les services publics ou plutôt leur absence, la question de la dette publique, un cheval de bataille d’Eric Bocquet avec son pendant de l’évasion fiscale, le droit au logement, la santé, l’égalité femmes-hommes, l’e-administration à marchée forcée, sans oublier l’opposition déterminée à cette Réforme des Retraites où « le débat n’a pas pu se dérouler en examinant tous les amendements ce qui était possible », souligne Michelle Greaume. L’expérimenté Eric Bocquet avoue avec humilité « j’ai découvert l’article 38 (règlement du Sénat) permettant de raccourcir les débats ». Cet épisode démocratique apporte de l’eau au moulin d’un changement profond de la constitution. « Nous souhaitons également un grand débat sur les institutions », conclut Eric Bocquet.

Certes, cette élection est au suffrage indirect, mais elle aura un impact direct sur la vie politique française à plus d’un titre, et notamment durant les 4 prochaines années de mandat du Président de la République. Donc, chaque grand électeur a un rôle à jouer, peut-être inédit, dans cette nouvelle répartition des rôles entre le Chambre haute et la Chambre basse.

Daniel Carlier

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