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Eric Darques : « Favorable à un tribunal spécialisé pour les élus »

Devant un auditoire captivé d’une trentaine de personnes, à l’étage de la Brasserie Le Président à Valenciennes, l’association AC!! Anti-Corruption a expliqué son travail depuis 2 ans et demi contre les élu.e.s corrompu.e.s, voire les corrupteurs, dans toute la France. Durant deux heures, Eric Darques, référent pour le Nord, le Président de l’association Marcel Claude, et leur avocat Vincent Poudampa, ont balayé les différents aspects d’un dossier et les raisons de leurs interventions toujours guidées par une utilisation appropriée de l’argent public. Un temps d’informations d’une excellente tenue, très succinct sur Valenciennes, mais très intéressant sur les choix et les techniques procédurales à l’endroit d’un.e maire ou de tout autre élu.e avec manifestement la main dans le pot de confiture.

Marcel Claude/Président AC!! : « L’inéligibilité devrait être prononcée à vie ! »

Dézoomons un peu avant de revenir dans le vif du sujet, en l’occurrence l’exemplarité bafouée trop souvent par nos élu.e.s.  En effet, d’un coté, nous pouvons nous réjouir que cette réunion puisse se tenir dans une démocratie, car nous voyons bien que près de Moscou ou Téhéran, les auteurs comme les curieux seraient déjà derrière les barreaux manu militari. De l’autre, comme une fatalité, tous les candidats à la Présidentielle promettent l’indépendance du Ministère public, et aucun Président de la République n’y consent une fois aux manettes, édifiant !!!

Dans cette optique, l’existence d’une association comme « AC !! » est de l’ordre de l’intérêt général tant le besoin de surveillance des élu.e.s est accru en lien direct avec une rupture de confiance entre le citoyen et les politiques palpable élection après élection. Une démocratie où les électrices et les électeurs fuient les urnes inquiète à plus d’un titre. 

L’actualité très très récente offre un boulevard au Président de l’association. « Vous avez vu Jérome Cahuzac revenir en politique. Lorsqu’un élu est condamné par la justice, l’inéligibilité devrait être prononcée à vie ! », tance Marcel Claude visiblement exaspéré. Pour autant, Maître Poudampa rappelle quelques notions de procédures fondamentales. « L’inéligibilité est une peine complémentaire. De plus, elle est très rarement assortie d’une exécution provisoire permettant au justiciable de faire appel au pénal, suspensif en l’occurrence », précise-t-il. Dans le collimateur de la justice, les affaires des assistants parlementaires pour François Bayrou, comme Marie Le Pen, même si cette dernière a payé 330 000 euros sur la somme réclamée par les instances européennes, donneront en cas de condamnation de ces leaders politiques une illustration parfaite d’un appel suspensif avec la faculté de se présenter à la présidentielle et aux législatives à venir. « Par contre, Alain Juppé a fait l’objet d’une exécution provisoire et s’est rendu au Canada durant cette période », ajoute l’avocat.

Une trentaine de dossiers et aussi à Valenciennes

Bien sûr, même si l’association « AC !! » n’a que deux ans et demi, son Président est un ancien de la reconnue association « Anticor », et Eric Darques n’est pas non plus un inconnu sur le champ de la lutte contre la corruption « de nos élus. Nous défendons l’argent public et les lanceurs d’alerte », précise ce dernier. A ce titre, une nouvelle loi « protège mieux les lanceurs d’alerte depuis 2019 », explique l’avocat de l’association. 

« Depuis 2,5 ans et demi, nous avons déposé 20 plaintes sorties dans la presse et 10 sont en cours d’enquête sur lesquelles nous ne communiquons pas, il faut laisser les procureur.e.s travailler. Depuis 2 à 3 ans, nous voyons la corruption s’accélérer. Hier, seules les grandes villes étaient concernées, mais nous voyons aujourd’hui aussi arriver une corruption même dans des villages de 200 habitants », poursuit Marcel Claude.

Eric Darques conforte ce propos : « Il n’y a pas une ville de plus de 50 000 habitants en France où il n’y a de dossiers, et on pourrait baisser le curseur à 20 000 habitant, mais cela demande plus de vérifications ». Le dernier dossier en date est évidemment celui d’Anne Hidalgo avec sa fameuse récréation publique/privée en Polynésie française…. « elle n’aurait jamais dû payer son billet retour. Elle avoue de fait un volet privé », indique Eric Darques. De plus, Marcel Claude, sans remettre en cause les membres de la commission d’éthique, précise que ces derniers « ont été nommés par Anne Hidalgo ».

Sur la ville de Valenciennes, le propos est très contenu volontairement : « Une plainte a été déposée fin mars 2023 par notre association, mais je ne communiquerai pas dessus laissant le soin à Mme La Procureure de faire son travail. Cette plainte n’est pas classée à ce stade », explique Marcel Claude. 

Ensuite, deux autres plaintes sont en cours par un.e autre plaignant.e et selon « mes sources, la SRPJ de Lille est venue faire une perquisition à l’Hôtel de Ville de Valenciennes (le 20 octobre) et au siège de Valenciennes Métropole. Enfin, une 4ème plainte sur Valenciennes sera prochainement déposée par un (ou une) nouveau plaignant », ajoute Eric Darques.

Justice à plusieurs vitesses 

La justice en France est prononcée par des hommes et des femmes, pas un robot ou un logiciel, ce qui mécaniquement implique une altérité dans les jugements prononcés. Par contre au delà de ces différences selon les ressorts de justice, il y a également « le manque de compétences de certains juges en province. Ils ne savent pas traiter des dossiers où des élus sont impliqués directement sur les chefs d’accusations classiques », commente Maître Poudampa. En effet, la mise en examen pour prise illégale d’intérêts est un peu le fourre-tout judiciaire, mais vous avez également l’enrichissement personnel, le délit de favoritisme, la corruption active et/ou passive et le trafic d’influence, voire la concussion. « De plus, dans certaines communes, vous avez une promiscuité entre le maire et le procureur sur certains dossiers. De fait, il est parfois compliqué d’agir contre l’édile. Ensuite, certains procureurs pensent aussi à ménager leurs carrières ! », lance Marcel Claude.

Par suite, la différence d’appréciation d’un même dossier par un juge peut-être très variable. « Par contre, quand vous avez des juges spécialisés comme au PNF, réservé aux affaires financières complexes, ce n’est pas la même chose. C’est pourquoi, je suis favorable à un tribunal spécialisé pour les élus en procédure pour corruption, voire les corrupteurs », déclare Eric Darques. Cette solution serait d’un grand secours pour notre démocratie, car l’élu sorti blanchi par ce type de juridiction serait plus fort aux yeux de ses électeurs, mais par contre sa condamnation avertirait tous les autres. En 2023, la destitution à effet immédiat d’Hubert Falco, ex maire de Toulon, condamné pour recel de détournement de fonds publics est un bon signe dans cette optique.

Mais il n’y a pas que le PNF en France, vous avez également un « pôle spécialisé sur la santé publique à Marseille rendu célèbre par la fameuse affaire Levothyrox où j’ai une plainte en cours comme des centaines d’autres par mes confrères et consœurs ». Enfin, l’association « AC !! » a déjà obtenu « l’agrément environnement. D’ailleurs, il y a une brigade de Gendarmerie spécialisée à cet effet. Dans deux de nos plaintes, ils ont réalisé un travail d’enquête remarquable. Néanmoins, ils sont en sous-effectif », explique Marcel Claude.

Dans l’attente de l’agrément… global

Pour autant, l’association attend avec un peu d’impatience un agrément généralisé sur ces dossiers, car cela change beaucoup de choses. « Avec l’agrément, vous pouvez saisir le juge d’instruction directement. Je rappelle qu’un juge d’instruction est inamovible. Il peut rester le temps qu’il veut sur un dossier sensible à traiter. Par contre, sans agrément, vous pouvez saisir uniquement le Parquet (Ministère public). Ce dernier n’est même pas obligé de vous avertir si l’affaire est classée sans suite. Vous devez lui écrire afin qu’il vous réponde. Depuis le début d’AC !!, deux plaintes sur (20 dévoilées) n’ont pas été retenues par le Parquet », précise le Président.

Bien sûr, le rôle de la presse nationale ou territoriale est fondamentale pour cette association. « La diffusion dans la presse des dossiers que nous traitons est essentielle », poursuit Marcel Claude. On le sait, le catimini demeure la meilleure arme d’un élu.e corrompu.e d’où la porosité importante entre ce profil d’association et la presse de terrain. 

 La protection fonctionnelle en question

Un grand classique en province comme ailleurs, le maire et sa majorité municipale s’octroie allègrement la fameuse « Protection Fonctionnelle », afin de prendre en charge les frais de justice, dès que l’ombre d’une responsabilité pénale se profile. Le problème est qu’elle n’est pas toujours règlementaire, voire ne concerne pas sa fonction publique stricto sensu. Quels sont les moyens de réagir pour un élu de l’opposition municipale ?

« Si l’élu.e pense que la protection fonctionnelle n’est pas légitime, car le fait est d’ordre privée, voire dans un marché global avec un cabinet d’avocats, ou autre anomalie dans la mise en oeuvre d’une protection fonctionnelle, il peut attaquer la délibération au Tribunal administratif afin de la contester. Attention, il n’a que deux mois pour le faire à compter de la délibération », indique Maître Poudampa. Le message est clair, la protection fonctionnelle, comme les antibiotiques, c’est pas automatique !

Voilà durant deux heures, les curieux venus écouter les membres de AC !! sont repartis avec l’intime conviction de l’Utilité de cette mission, un contre pouvoir indispensable dans une démocratie digne de ce nom.

Daniel Carlier

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